AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de vibrelivre


Evariste
François-Henri Désérable
roman (premier)
Gallimard, 2015, 165p


Il y a longtemps que je voulais lire ce roman dont j'avais beaucoup entendu parler en bien et parce que le destin d'Evariste Galois m'intéresse. J'étais dernièrement à Saint-Malo, l'auteur aussi, excellente occasion d'une première rencontre. C'est un beau gaillard musclé, aux très beaux yeux, ancien hockeyeur de profession - le hockey qu'on jouait au début du XVIII° sur la Bièvre gelée, qu'on appelait soule, ou crosse, ou hockey - et dont la faconde rappelle celle de Miguel Bonnefoy, lui aussi rencontré dans la ville de Surcouf, ouverte aux voyageurs, qu'ils étonnent ou pas.
Une rencontre en appelle une autre, j'ai dans les mains Evariste. Je reconnais immédiatement le style de l'auteur, insolent un brin et facétieux en bon grand diable. Un exemple ? et Fabre, qui était de l'Aude et non d'Eglantine....Et des facéties de ce genre, et d'autres, essaiment le roman : on ne savait plus … à quel sot se vouer., quand le choléra sévissait. Et celle-là, il fallait oser, mais Désérable ose : son père, qui faisait des vers et qui n'en fait plus, ou du moins qui en fait d'autres.
Roman, et non biographie, parce qu'on sait peu de choses en fait sur ce génie des mathématiques, sur le Nombre en personne, né en 1811 à Bourg-La-Reine. L'auteur est habile, qui décline ses pages sur le mode du Je sais, je ne sais pas, on sait, on ne sait pas, on dit ; Il n'y a pas de médecin ; on ne sait pas pourquoi _c'est bien la seule chose que l'on sait. Il, non pas lui, le narrateur bien sûr, s'adresse à une jeune fille de qui il, le narrateur toujours, est très proche, il lui fait faire des choses osées, et il n'a pas envie de l'ennuyer, ni son lecteur au demeurant, avec des formules auxquelles lui-même dit ne rien comprendre, lui qui aime la littérature et de laquelle il est aimé. C'est un véritable plaisir que de le suivre semeur farceur et admiratif de vers connus. Alors il romance la vie très courte, vingt ans, d'où le même nombre de chapitres qu'il lui consacre, de celui qui révolutionna les mathématiques dont il ne travaillait qu'aux parties supérieures. L'Ecole Polytechnique ne voulut pas de lui, sans doute jalouse d'un esprit si brillant, et sans doute en eut-elle un peu peur. Son père s'est suicidé, c'est la faute à un curé qui n'avait pas de charité, ou au Vieux qui a laissé faire, comme il appelle le dieu des chrétiens, à propos de qui on apprend l'importance des doigts, de tous les doigts. Il fut un républicain exalté, et cette exaltation est peut-être, hypothèse mince, de sa mort. Il est tué dans un duel. Mais il a laissé avant de mourir un mémoire sur la théorie des groupes, mémoire qui le rend immortel.
le style, effréné -comme le rythme de la vie d'Evariste- de l'auteur est celui d'un chanteur, un rappeur, qui fait de longues phrases amples, parfois lyriques, qui essoufflent et dont les sonorités se répondent, dans lesquelles un mot rebondit sur un autre comme dans un tombé de dominos, ou bien un mot ignoré, à la venvole, stimule la curiosité. J'aime beaucoup. L'auteur n'est pas avare de piques, contre l'Ecole qui exige que l'élève recrache les leçons prémâchées, Freud, la liste des meilleures ventes de livres au début de l'été triste à mourir. Il aime aussi à mêler les époques, puisque après tout, deux siècles plus tard, il peut entrer dans la chambre d'Evariste. Il a beaucoup aimé Evariste, et fait partager son amour.
Je lirai un autre livre de Désérable.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}