Citations sur Tous les péchés sont capitaux (43)
La vie sans Macha avait perdu tout intérêt, comme si on lui avait arraché ce moteur émotionnel fondamental qui maintenait sa vie sous tension. Katia, qui était loin d’être bête, avait tout de suite compris qu’elle ne pourrait jamais avoir les mêmes conversations avec ses nouvelles voisines. Les filles ici ne parlaient que de garçons, de maquillage et de fringues. Trois sujets qu’elle n’avait jamais abordés avec Macha en dix ans.
Elle avait l’impression d’être née avec la jalousie chevillée au corps. Elle éprouvait de l’envie en voyant passer derrière la fenêtre du rez-de-chaussée cette petite fille avec une veste de couleur vive, perchée sur les épaules de son père, qui riait aux éclats.
Elle se savait intelligente, certes, mais pour les hommes, c’était plutôt un défaut. Qu’est-ce qui avait bien pu séduire ce Pétia ? Sans aucun doute, son nom de famille : Karavaï. Un nom estimé dans la profession. Celui de l’avocat décédé. La seule explication possible.
Google ne trompa pas ses attentes : le chiffre 1 était le
symbole de la gloire et de la puissance, de l’action et de l’ambition. Les gens
nés le 1er du mois devaient se faire confiance, ne
jamais changer de cap sans pour autant chercher à précipiter le cours des
choses. Le 2 supposait la pondération tant dans l’humeur que dans le
comportement, une personnalité douce et pleine de tact. Le 4 correspondait aux
gens de tempérament calme et très travailleurs. Le 6 laissait présager le succès
dans les affaires si l’individu en question parvenait à gagner la confiance de
son entourage, à s’attirer non seulement des clients, mais aussi des adeptes.
La femme du gouverneur n’était pas très
appréciée. Trop de gens dépendaient, à des degrés plus ou moins élevés, de ses
multiples entreprises. Ils devaient donner des pots-de-vin, se mettre à plat
ventre et faire leur possible pour flatter cette femme toute-puissante.
Lioudmila Tourina dirigeait d’une main de fer son affaire en pleine croissance
et l’argent coulait à flots sur son compte en banque en Suisse. Les journalistes
aimaient parler du manoir qu’elle s’était fait construire à Londres. C’était une
honte, vraiment. Enfin, aucun d’entre eux ne se risquait à dire les choses d’une
manière aussi directe. Ils savaient tous trop bien que Lioudmila n’hésiterait
pas à leur faire un procès et à les saigner à blanc.
C’était impressionnant de voir combien un
homme, par sa seule présence, pouvait radicalement transformer une femme. Macha
se dit qu’avec Nik-Nik sa mère aurait au moins pu redevenir une petite fée. Mais
elle n’avait sûrement pas eu envie de jouer au même jeu avec un autre homme que
son père.
À la sempiternelle question « Tu
ne crois pas qu’il y a d’autres couleurs dans la nature ? » Macha avait des
réponses toutes prêtes. « Si, bien sûr, mais il faut savoir les assortir ; le
noir évite les fautes de goût et fait gagner du temps. » Ou alors : « Si, bien
sûr, mais le noir amincit et rehausse le teint. » Ou encore : « Si, bien sûr,
mais en raison du syndrome post-adolescent, je porte uniquement la couleur qui
reflète mon humeur du matin. » Et ainsi de suite.
Il avait de la peine pour son
ami, qui n’avait selon lui pas choisi la bonne profession, ni trouvé la femme
avec laquelle faire des enfants et lui offrir ce bonheur que lui avait procuré
la naissance de Macha. Quant à Natacha… Elle pouvait bien flirter un peu. Il lui
faisait confiance et il avait raison.
Il y avait des gens pour dire que le coup de foudre existait. Andreï, lui, n’avait jamais connu ça. Mais voilà qu’il lui arrivait exactement l’inverse. Il se retrouvait avec cette Macha dans les pattes.
De manière générale, il ne savait pas trop quoi faire de son temps de repos. Il lisait peu, méprisait la télé, et n’avait assurément pas été habitué à fréquenter la Philharmonie. Les jours de congé étaient pour lui une véritable corvée. Il faisait partie de ces esprits pratiques qui profitaient de chaque fenêtre de temps libre pour bricoler dans la petite bicoque de banlieue qu’il louait à l’année, couper du bois pour le poêle ou faire sa lessive. Mais ce genre d’activités ne le faisait pas non plus fantasmer,c’est pourquoi il était toujours ravi de crouler sous les dossiers.