Max n'arrêtait pas de repousser son rendez-vous chez l'ophtalmologiste. Elle savait pertinemment que sa vue avait baissé mais elle refusait l'idée de devoir porter des lunettes. Max se souvenait de sa tante qui était toujours à la recherche de sa paire de loupes et avait fini par les accrocher à une chaine autour de son cou. Elle ne s'estimait pas prête à passer cette étape. Comme si le simple fait d'accepter ce changement la faisait basculer obligatoirement dans un autre monde, celui des personnes responsables et expérimentées. Autant dire, le monde des vieux.
- En gros, vous êtes en train de me dire que notre curé était un queutard qui cherchait à prendre la tête d'un mouvement catholique radical, c'est bien ça ?
- Je ne pensais pas l'écrire tel quel dans mon rapport, mais en gros, oui, c'est ça.
Les quelques mètres qu’elle franchit pour se retrouver face à son interlocuteur lui permirent de se faire une idée de la personne qui s’apprêtait à l’interroger. L’homme était petit et sec, les cheveux en brosse et l’allure militaire. Il portait une cravate dont le nœud était si serré que Max croyait distinguer le flux sanguin de son aorte. « Je sens qu’on va bien se marrer, toi et moi… se dit-elle pour se détendre. T’as pas l’air le dernier pour la déconne !
Tu as une équipe qui t'attend dehors,prête à mettre sa vie en danger pour toi.Alors,soit tu les laisses tomber maintenant,avant qu'il ne soit trop tard,soit tu te ressaisis.Mais décide-toi et vite!
Elle avait traqué des assassins toute sa vie et cela ne lui avait jamais posé de problème.C'était son métier et elle le faisait bien.Mais sa dernière enquête lui avait laissé des stigmates
— À vous entendre, y a un truc qui cloche chez moi ! dit Max prête à mordre.
— S’il n’y en avait qu’un, sourit Favre, je serais peinard ! Mais j’imagine que c’est le prix à payer pour vous garder dans mon équipe. Chacun sa croix. La mienne est de ne pas pouvoir me passer de vous !
Ces gars-là, à tous les coups, ils cuisinaient Guignol dans leurs rêves d'enfants.
– J’imagine que je vais devoir me contenter de ça, souffla Max.
– En effet, répondit-il. Mais j’ai tout de même une bonne nouvelle pour vous.
Max le regarda, perplexe.
– Le distributeur de café est réparé ! Si vous arrivez à vous contenir et à ne le frapper qu’une fois par jour, il devrait pouvoir tenir la semaine.