Je lui dédie toutes les phrases dont je noircis mes murs.
Je lui dédie mes soleils amers.
Elle est saisie par une lumière d'étoile. Son visage semble décousu. D'étranges couleurs, les couleurs des coups, brouillent ses traits. Ses yeux sont si profonds et leur résonnance si métallique que j'ai du mal à la regarder. Ils vont au-delà de cette maison au-delà de Port Louis, au-delà du présent.
Ses yeux sont à demain, et demain n'existe pas.
Je glisse un livre de poésie dans son cartable.
Plus tard, elle me croise et appuie sur moi son regard. Cela me met dans tous mes états.
Je lui dédie toutes les phrases dont je noircis mes murs.
Si je croise mon propre regard, il me glace et m’épouvante. Je m’en veux de m’être aussi hostile.
Tu as cherché la clé et tu as trouvé une effraction.
Mon Ève, qui se croit née avec de l’acier au cœur, ne sait pas que c’est le jaune et la chaleur de l’or qui vivent en elle, qu’elle ne cesse de fondre et de fuir, et que de cette fille en fusion ne restera bientôt plus qu’une flaque sans forme et sans visage.
Je lis en cachette, sans m’arrêter. Je lis aux latrines, je lis au milieu de la nuit, je lis comme si les livres pouvaient desserrer le nœud coulant autour de ma gorge. Je lis en comprenant qu’il y a un ailleurs. Une dimension où les possibles éblouissent.
(Sad)
Je lis en cachette, sans m'arrêter. Je lis aux latrines, je lis au milieu de la nuit, je lis comme si les livres pouvaient desserrer le noeud coulant autour de ma gorge. Je lis en comprenant qu'il y a un ailleurs. Une dimension où les possibles éblouissent.
Par blessure. Par mystère. Pour confirmer, avec rage, avec hargne, avec désespoir, ce qu'ils pensent tous, là bas, dehors.
pour être. Pour devenir. Pour ne pas disparaître à tes propres yeux. Pour sortir de la gangue des passifs, des oisifs, des ratés, de la sciure des regards, du plomb des jours, du tranchant des heures, de l'ombre des vivants, de l'absence des morts, du gravier des médiocres, du moisi, de la nudité, de la laideur, de la moquerie, des rires, des pleurs, des instants, de l'éternité, du bref, du lourd, de la nuit, du jour, de l'après-midi, de l'aube, des madones effacées, des diablesses disparues.
Rien de tout cela n'est toi.
Sortir de tout cela, déjouer les chercheurs, les suiveurs, quitter la piste, tromper les chiens, changer de forme, achever ta mue et tes métaphores et tes métamorphoses, laisser une traînée argent qui fleure la femme et les plis de la nuit, suivre un chemin de broussailles qui mène loin au fond des mythes et permet d'en sortir refaite à neuf, récurée de ta peau, marchant sanglante au rouge de tes vies, être, devenir, ne pas disparaître.
Tu n'es pas d'ici, te dis-tu. Tu le diras jusqu'à la fin des choses.
Entre tristesse et cruauté, la ligne est mince.