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Encore une fois, on doit à une descendante de Juifs de troisième, voire quatrième génération, de briser la loi du silence et d'extirper de la mémoire et de la conscience collectives des faits qui ont concerné ses proches, et plus largement des milliers d'autres familles juives.

Comme quoi - et cela se vérifie encore une fois ici - il y a sans doute, un besoin inconscient et vital pour ces enfants, petits-enfants, voire arrière-petits-enfants, un besoin commun, de savoir, de comprendre, de mettre au jour pour, sans doute, réparer les non-dits et se construire (ou se reconstruire) une identité non amputée d'une partie de son histoire, de sa culture, de ses valeurs.

Sonia Devillers est journaliste. Ce récit littéraire qui concerne le vécu de ses ascendants est son premier livre. Bravo à elle pour avoir eu la volonté d'écrire ce livre et le courage de lui avoir donné une vie qui permet au monde d'en savoir plus sur ce qui a été.

Un destin familial marqué par l'exil, avec un arrière-grand-père quittant, au XIXe siècle, la Roumanie pour se soustraire à un service militaire de sept ans et s'installer aux Etats-Unis ; avec un grand-père né Américain qui revient en 1908 (à l'âge de 3 ans) dans le pays d'origine de ses parents ; avec une mère qui, en 1961, alors qu'elle n'a que quatorze ans, se retrouve contrainte de tout quitter pour suivre ses parents à Paris où ils ont été "exportés" avec l'aide d'un "passeur".

Encore une fois, il s'agit d'un récit évoquant l'histoire d'une famille confrontée aux événements de la grande Histoire, à la différence près que l'auteure, journaliste, a mené une enquête rigoureuse pour informer précisément ses lecteurs de certains épisodes méconnus de l'histoire roumaine :

1/ en ce qui concerne notamment la façon dont avant-guerre et pendant la Seconde Guerre mondiale, les fascistes au pouvoir ont pris leur part active dans la traque et l'éradication des Juifs roumains.

2/ en ce qui concerne, après-guerre, la construction de la Roumanie communiste (à laquelle les grands-parents de l'auteure ont pris une part active convaincus d'oeuvrer pour l'élaboration d'un monde meilleur), construction assortie d'un arbitraire et de dérives touchant toujours plus le peuple et d'une corruption systémique bénéficiant aux "élites" du moment, dont eux-mêmes faisaient partie.

3/ en ce qui concerne, entre 1958 et 1965, la façon dont certains dirigeants au pouvoir ont organisé et outrageusement monnayé "l'exportation" des Juifs roumains (redevenus des indésirables, mais aussi pour beaucoup désireux de sortir du pays) contre du bétail, des matériels et installations agricoles.

4/ pratique qui a perdurée (et s'est même élargie) dans la Roumanie de Ceausescu après que des accords aient été passés par lui directement avec Israël. le deal était : on vous envoie nos Juifs contre des dollars sonnants et trébuchants. Une "traite" d'humains qui aurait sévi jusqu'en 1989 (!!!) date à laquelle le régime a été renversé. Autant dire, hier. Et, bizarrement, personne n'en a jamais entendu parler.

Ce qui est intéressant ici, c'est que l'auteure confronte les non-dits de sa famille : qui a passé sous silence la façon dont elle est passée entre les mailles du filet durant la guerre et qui a toujours cautionné l'idée que les Roumains n'avaient pas directement participé à la Shoah ; qui a été jusqu'à changer son nom (nom d'un personnage de roman !) pour ne pas paraître Juifs ; qui occupait des postes importants dans l'appareil d'état communiste et qui, pourtant, vivait dans la nostalgie de la vie dorée des années trente ; qui, certes, est "passée clandestinement" à l'Ouest tout en semblant ignorer les conditions réelles de cette transaction... aux non-dits de la Roumanie, qui s'agissant des Juifs, des pratiques de la police secrète d'Etat (dont on voit notamment que tout le monde était surveillé de près), ou de ses "transactions commerciales et économiques" tendant à faire du pays un grand pays exportateur n'a qu'un leitmotiv : ce qui n'est pas dit n'existe pas !

Lorsque j'ai entendu parler de ce livre, je croyais qu'il s'agissait d'un xième témoignage évoquant la Shoah. Certes, c'est évoqué très succinctement. Mais, non, il s'agit d'un sujet vraiment méconnu. Rideau de fer oblige ! Donc, la lecture de ce livre très documenté et enrichi de l'analyse de nombreux historiens m'a vraiment intéressée. Il a le mérite d'être éclairant sans toutefois être barbant.

Et en plus, malgré la tentative de mise à distance d'une auteure-journaliste qui cherche à documenter son sujet avec le plus de recul possible, il est également très sensible ! Car, par la voix de l'une de leurs descendants (pour ma part, j'entendais bien la voix de la petite-fille qui regrettait les mensonges ou oublis de ses grands-parents), ce récit donne également à voir beaucoup de l'intimité de la famille : son vécu, ses personnages-clés, ses métiers, ses décors, ses objets et souvenirs, ses oppositions ou jalousies, ses périples avec ses peurs, ses silences et mirages...

Pour ma part, je suis heureuse d'avoir eu la curiosité de m'intéresser à ce livre. Sans cela, je serais restée dans l'ignorance de faits qu'il me semble important de faire connaître... pour ne pas les oublier...




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Les exportés de Sonia Devillers
Flammarion
« A l'instar de Perec, je n'ai, en matière de judaïsme, hérité d'aucune croyance, d'aucun folklore, d'aucun signe d'appartenance, seulement d'un silence indifférent, du moins en apparence. » (...) « Je ne sais pas ce que c'est d'être juif, on ne m'en a rien transmis et cela ne me manque pas. »

Je croyais savoir à peu près toutes les horreurs distillées par cette époque. J'ignorais le sort qui fut réservé aux juifs roumains pendant et au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Sonia Devillers dont beaucoup connaissent la voix sur les ondes, nous livre dans ce récit l'histoire de ses grands-parents : Gabriella et Harry, son histoire familiale dans la Roumanie communiste.
Il a fallu attendre la chute du règne Ceaucescu pour accéder aux archives des services de sécurité. Et enfin mettre un mot sur les silences. Parce que Gabriella et Harry n'en parlaient pas, ou si peu, à demi-mots avec beaucoup de distance ou d'ironie, les deux parfois.
En menant cette quête familiale, l'auteure va de découvertes en découvertes et met le doigt sur ses origines juives. Heureux les insouciants ! c'est une chape de plomb et de silence qu'elle vient de soulever. Elle se confronte à l'histoire de la Roumanie, depuis la montée de l'antisémitisme aux atrocités qui suivront, longtemps après et qui prendra corps en 1989 au renversement de Ceaucescu.
Il faudra changer de nom, subir des humiliations, l'isolement, la violence physique et morale, le trafic, l'impensable, l'innommable et puis vivre avec. Alors ce passé-là, si on ne le nomme pas, il n'existe pas ! Résilience dit-on...
Il n'empêche qu'eurent lieu « des atrocités commises au vu et au su de tous, avec le concours de tous. »
A lire pour ne pas oublier.


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Quelle force a ce livre de la journaliste Sonia Devillers, j'avais les jambes qui tremblaient à la fin de ma lecture.

Explorant l'histoire de ses grands-parents, de sa mère et de sa tante, des émigrés roumains réfugiés en France en 1961, elle évoque le sort des Juifs roumains au 20e siècle. Parce que même si sa famille ne se voulait plus juive, elle n'en a pas moins subi le même sort que ses coréligionnaires.

La Shoah d'abord où la moitié des Juifs (environ 350.000 personnes) ont été assassinés par des Roumains, dans de terribles conditions. le communisme ensuite. Que ses grands-parents soient de fervents zélotes, ayant choisi un patronyme roumain, ne les a pas protégés. Accusés de cosmopolitisme (autrement dit d'être juifs), ils n'ont eu d'autre choix que de fuir. L'auteur nous révèle les détails de cet itinéraire à la fois rocambolesque et terriblement angoissant. Elle nous raconte aussi un fait historique dont je n'avais jamais entendu parler. Pour sortir de Roumanie, les Juifs devaient payer une énorme somme d'argent et étaient alors échangés contre… des cochons ! Oui vous avez bien lu. Des cochons, des boeufs, des poulets, des machines agricoles, etc. Ceausescu a d'ailleurs témoigné d'un suprême cynisme en déclarant que le pétrole et les Juifs étaient ses meilleurs produits d'exportation ! On sait que la politique des nations n'est jamais toute blanche, mais avouez que les Roumains ont fait fort.

En conclusion, je vous dirais juste de ne pas passer à côté des Exportés, c'est un livre à a fois familial et d'Histoire, clair, bien écrit, bien documenté et terrible.
Lien : https://www.instagram.com/bc..
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Le XX° siècle n'a donc pas fini de nous déverser ses horreurs (malheureusement je crains que le XXI° ne soit guère mieux parti).
On connaissait les horreurs de la Shoah perpétrées par les nazis et on pensait qu'en terme d'échelle d'ignominie c'était déjà pas mal. Je découvre dans le livre de cette journaliste de France Inter, que beaucoup plus discrètement, les roumains s'acharnèrent également sur leur population juive et contribuèrent également largement à leur extermination (les allemands eux-mêmes s'exaspéraient de leurs pratiques).

Mais là n'est pas le propos principal du livre même si le postulat qu'être juif en Roumanie n'a jamais été une sinécure.

Sonia Devillers nous livre ici l'histoire de sa famille maternelle. Ils étaient juifs, plutôt cultivés et aisés, avec un rapport à sa judéité très particulier (le changement de nom notamment) qui ne les protégea pas pour autant du sort réservé aux juifs.
Les violences des fascistes de la Garde de fer, les pogroms (nom qui ne sera jamais prononcé ni même évoqué par ses grands-parents) semblent ne pas les avoir les « affectés » comme si cela étaient passé sur eux sans qu'ils ressentent quoi que ce soit (comme s'ils s'étaient débarrassés du passé).
Ils quittèrent la Roumanie pour la France en 1961, ignorant tout du trafic auquel ils avaient été soumis. Car c'est incensé mais ils furent échangés contre du bétail. Oui vous avez bien lu, du bétail et pas n'importe lequel, du premier choix, à haut rendement (on lit hébété les quelques pages des rapports avec les noms des familles juives troquées contre telle quantité de bêtes, leur race …). Ahurissant !

Car après avoir traqué et assassiné sa population juive, la Roumanie l'échangea contre des porcs principalement mais aussi des vaches, des taureaux, des machines ... Comme le reconnaissait Nicolae Ceausescu « Les juifs et le pétrole sont nos meilleurs produits d'exportation ». Tout est dit !

Elle démontre sans manichéisme aucun cet arrangement auquel Henry Jacober prêta ses talents de négociateur à ces échanges.
Histoire absolument incroyable tant par sa nature que par le mécanisme psychologique qui a fait « oublier » tant de choses à ses grands parents.

A lire absolument pour l'aspect historique mais aussi pour découvrir les talents de conteuse de Sonia Devillers.
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En lisant le premier livre de Sonia Devillers, on retrouve l'énergie de la journaliste, la précision de son regard et sa volonté de dérouler le fil d'une pensée. Elle revient vers les siens, vers le passé familial et nomme clairement ce que les Juifs roumains ont subi. Elle nous entraîne dans l'histoire de la Roumanie, des années précédant la Seconde guerre mondiale au régime de Nicolae Ceausescu.

Cette lecture a été pour moi une découverte et le texte est un témoignage qui, par le biais de l'intime, ouvre sur l'histoire nationale et les traumatismes vécus au cours de ce XXe siècle. le récit est clair tout en gardant un rythme soutenu. Sonia Devillers explique, précise et soigne de nombreux détails pour faciliter la compréhension générale.

Parmi les passages les plus marquants, il y a bien sûr les premiers chapitres au cours desquels elle pointe les vestiges d'une vie passée par sa grand-mère et sa mère. Qu'il s'agisse du rapport avec le judaïsme ou l'urgente nécessité de trouver un nouveau nom de famille, Sonia Devillers recense tous les indices qui mènent au secret. Dire ouvre une brèche de lumière dans l'obscurité des secrets. Écrire, encore plus.
Lien : https://piao.fr/2022/11/les-..
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Voici un livre qui m'a beaucoup étonnée. Lorsque Sonia DeVillers annonce que sa famille, d'origine roumaine, ses grands-parents avec leurs deux filles, dont une sera sa mère, a été échangée contre des cochons et ce en tout en début de livre, j'ai quelque mal à comprendre comment cela est possible. Et, à la limite, je n'y crois pas.
Lorsque ensuite, après avoir découvert les personnages de cette famille, leur façon de vivre et beaucoup de choses sur la Roumanie l'époque des années 50 / 60, Sonia DeVillers nous donne à voir les documents originaux qui montrent ces échanges commerciaux d'humains contre du bétail, c'est un phénomène de sidération qui s'est emparée de moi. Et là, je comprends !
En 1962 !
Un livre qui m'a appris beaucoup de choses, alors que j'ai déjà beaucoup lu sur la Shoah avant et après avoir parcouru les allées du camps d'Auschwitz...
Mais cet aspect là de la maltraitance des juifs m'était totalement inconnu.
L'autrice a fait un remarquable travail de recherche et documentation et son livre est rempli d'humanité. Elle construit un récit de son histoire familiale, dont sa mère n'a jamais pu lui parler tant L'EXPORTATION à l'âge de ses 14 ans fut violent pour elle, à la lumière de ce qu'elle découvre de l'Histoire de la Roumanie... et du fameux passeur responsable de ce COMMERCE ! J'en suis sortie émue et avec des connaissances que je n'avais pas.
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J'ai découvert ce livre par ma libraire. J'ai hésité à l'acheter au regard de la thématique. Puis j'ai vu l'émission "Le quotidien" lors de laquelle l'autrice a présenté ce livre et j'ai réservé dans la foulée un exemplaire. Je n'ai pas su résister à ce besoin d'en savoir plus. Je voulais le lire rapidement mais ce ne fut pas le cas. Par contre, ce livre m'a mis une claque. C'est, pour moi, un devoir de le lire.

Sonia Devillers nous présente dès le début un résumé de ce que l'on va lire mais ce n'est rien à côté du reste. Ensuite, elle présente sa famille surtout du côté de sa mère. En lisant ce livre, j'essayais vainement de faire le lien avec mes cours d'histoire. Force est de constater que jamais je n'ai entendu parler de la Roumanie pendant cette période historique. Ce qui est cohérent, si je peux l'écrire comme ça, en découvrant les décisions prises par les différents pouvoirs en place.

Rien qu'en essayant de donner mon avis, j'en ai froid dans le dos. Je ne sais pas comment vous transmettre l'importance de ce que l'on apprend tant, par moment, je me disais "non, impossible. Il n'y a que dans les films qu'on voit ça". Je ne parle pas de l'Allemagne mais bien de la Roumanie et uniquement ce pays. La façon dont ils ont opéré est juste ignoble. Mais le plus dingue, c'est que l'autrice n'a jamais entendu ses grands parents parlaient de ça. Bien au contraire, ils disaient plus ou moins, qu'il n'ont rien vécu de particulier.

En creusant, elle va apprendre beaucoup de choses notamment par le journal intime d'un roumain qui a vécu les mêmes périodes qu'eux. On voit les persécutions des juifs même après la guerre. Et c'est justement avec le changement de pouvoir qu'on est écoeuré. Les juifs sont encore la cible du pouvoir communiste. C'est pour cette raison que beaucoup ont quitté la Roumanie sans bien savoir ce que leur départ caché : du troc.

Les familles souhaitant partir payaient une somme indiquée par le passeur et celui-ci négociait avec le gouvernement pour l'échange de ces personnes contre du bétail au début puis de l'argent. C'est juste immonde et immoral. le plus choquant, dans ce livre, réside dans les extraits d'archives et les chiffres que l'autrice met en avant à la fin du livre.

Combien de fois en lisant ce livre, je me disais "ça va s'arrêter là. C'est bon. On ne peut pas faire pire". Et bien si. La seule question que je me pose concerne le passeur. Est-ce qu'il a juste profité de la situation du pays pour se faire de l'argent ou est-ce qu'il souhaitait aider des gens? On ne le saura jamais. J'aime à penser qu'il a fait au mieux (pour me rassurer et trouver un peu de positif quelque part).

Au regard du vécu de sa famille, Sonia Devillers fait aussi un constat effroyable : les juifs ont passé leur vie à fuir un pays peu importe dans lequel ils ont vécu. Ce qui me rappelle le titre d'un chapitre du lire : "apatride" tout comme un passage poignant d'une roumaine qui ne connait pas personnes juives après tous ces évènements. Alors qui peut répondre à cette question : Pourquoi le monde s'acharne autant sur des êtres humains sous prétexte qu'ils sont juifs? de quel droit?

En bref, j'en ai sûrement trop dit sur ce livre mais vous pouvez me croire : ce que je viens d'écrire n'est rien comparé à ce que j'ai lu. Honnêtement, pour moi, il n'est pas question de coup de coeur ou non. Il est indispensable de lire cet essai. Je vais quand même mettre un coup de coeur même si j'ai l'impression de manquer de respect aux victimes et familles des victimes.
Lien : https://lessortilegesdesmots..
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Quel choc ! On sait tout sur les horreurs nazies, on ignore encore beaucoup sur celles du bloc communiste. Sonia Devillers nous fait découvrir l'histoire de ses grands-parents, juifs roumains échangés contre des animaux d'élevage.
On savait que l'URSS avait vendu quelques dissidents, lesquels avaient pu se réfugier à l'Ouest en échange de financements ou d'aide alimentaire. Quelques uns ont aussi été échangés contre des espions, comme si c'était comparable. Mais cela restait du cas par cas, alors que la Roumanie en a fait une industrie dont le but était de développer une agriculture moderne et d'exporter de la viande pour récupérer des devises, pas pour nourrir les habitants (un ami roumain m'avait confié qu'on appelait le pied de cochon "Le patriote", car c'est la seule partie de l'animal qui restait dans le pays).

Il y a un contraste frappant entre l'indignation de Sonia Devillers et le détachement (apparent) de ses grands-parents qui éludent tout ce qui se rapporte à cette époque. Sincère envie d'oublier, humiliation d'avoir été considéré comme du bétail, honte d'avoir cru au communisme ? L'auteure elle-même ne le sait pas pourquoi le sujet n'est jamais abordé dans sa famille.

Je ne suis pas fan de l'écriture, mais ce livre a l'énorme mérite de mettre en lumière un fait révoltant du passé pas si lointain de la Roumanie.
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Sidérée, choquée, révoltée, je n'ai pas de mots pour décrire ma réaction lorsque j'ai vu et entendu Sonia Devillers raconter son histoire, ou plutôt l'histoire de sa famille !
Des juifs, je connaissais l'holocauste, j'ai vu « Shoah » le film documentaire de Claude Lanzmann et « La liste de Schindler » de Spielberg, j'ai lu beaucoup de témoignages, mais jamais je n'avais entendu parler de ce trafic. (en 1961, au coeur de l'Europe !)

Découvrir le nom de ses grands-parents, Harry et Gabriela Deleanu, de sa maman Marina Deleanu, de sa tante Lena Deleanu, de son arrière-grand-mère Roza Sanielevici sur une liste échangeant ces personnes contre du bétail, plus particulièrement des porcs danois, du matériel agricole a provoqué chez elle un sursaut.
Jamais dans sa famille on avait évoqué ce drame.

Elle est donc partie à la recherche des souvenirs familiaux, peut-être un peu tard pour en parler avec Harry son robuste grand-père ou Gabriela sa fabuleuse grand-mère. Mais sa mère Marina, devenue architecte, a dû l'aider pour humaniser un peu ce dur parcours d'exportés.

Une lecture choc ! Une lecture violente ! Mais une lecture à faire !
Lien : https://leslecturesdejoelle...
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"En régime autoritaire, ce dont on ne parle pas n'existe pas".

C'est en recourant à cette phrase, qui revient régulièrement tout au long du récit, un peu comme un leitmotiv, que l'auteure met en lumière une page de l'Histoire qui, pour ma part, m'était totalement inconnue : la manière dont le gouvernement roumain communiste des années post seconde guerre mondiale a vendu ses ressortissants de confession juive en échange d'animaux.

Annoncé comme cela, c'est juste horrible.
Mais c'est pourtant vrai.

Pendant des années, et avec la participation ultra active d'un Londonien - d'origine juive lui-même, et dont on ne saura pas véritablement s'il a pris part à cet horrible troc pour son enrichissement personnel ou pour aider ses semblables (chaque lecteur pourra se faire son opinion propre); le gouvernement roumain a organisé l'exportation de 10zaine de milliers de ses habitants pour la simple raison qu'ils étaient juifs.

A la lecture de la 4ème de couverture, je m'attendais à lire un roman.
Il s'agit en fait d'une enquête journalistique d'une très grande qualité, très bien étayée, avec des dates, des noms, des chiffres, des faits très précis. Un travail qui a certainement nécessité des recherches longues, de grande ampleur et complexes (certains dossiers n'ont été déclassifiés qu'en 2014).
Grace à ces recherches (qui remontent jusqu'au Traité de Versailles, qui avait eu pour conséquence de dessiner de nouvelles frontières au territoire roumain), on découvre un peu de l'Histoire de la Roumanie, et on apprend beaucoup sur le rôle "précurseur" à la fois effrayant et édifiant joué par ce pays dans ce qui deviendra plus tard la Shoah (certains passages sont à la limite du soutenable).

Sonia DEVILLERS s'appuie sur les mémoires Mihail Sebastian (écrivain, dramaturge et essayiste de l'époque), ainsi que sur les travaux de bon nombre de philosophes, d'historiens et d'essayistes pour raconter l'histoire de sa famille (ses grands-parents, sa maman et sa tante).
Pas évident lorsque les proches ne sont pas enclins, voire refusent, de révéler ce genre de secret familial.

Cet ouvrage mériterai une seconde lecture afin d'en appréhender convenablement tous les aspects, tous les angles qui y sont abordés.
Un livre très fort et très poignant.


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