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Critique de Arimbo


J'avoue, avec un peu de honte, que je n'ai pas vu le film culte Blade runner, ni Minority report, ni Total recall, ni d'ailleurs aucun des films tirés de romans ou de nouvelles du génial Philip K. Dick.
Mais, peut-être, en définitive, est-ce ce un avantage, je ne pouvais avoir d'idées à priori sur ce livre.
C'est le deuxième roman que je lis de cet auteur, après le Maître du Haut-Chateau.
Je ne sais si tous ses romans et nouvelles sont de la même trempe, mais, à nouveau, je suis émerveillé par la richesse et la profondeur de ce roman, et par la façon dont l'auteur a de nous mener dans un monde de l'incertitude et de l'énigme.

Alors que le Maître du Haut Château nous interrogeait avec intelligence sur la question de la réalité et de la fiction, plus précisément sur le fait que ce que nous raconte la fiction pourrait être plus vrai que la réalité, ici c'est la question de ce qui constitue l'humanité qui est le thème sous-jacent à toute l'histoire. Et c'est fascinant.

Le récit se déroule un monde « post-apocalyptique », après une guerre nucléaire qui a laissé une Terre dévastée, dont l'atmosphère est envahie de poussière radioactive, dont les effets ont été délétères pour la vie, au point que la majorité de la vie animale a disparu, que les humains rescapés ont émigré sur Mars, ne laissant sur notre planète que ceux qui sont trop déficients ou trop pauvres pour partir. Il y a aussi sur Terre quelques individus chargés de maintenir l'ordre, chargés, au moment où commence le récit, de «retirer » des androïdes de dernière génération, échappés de Mars après avoir tué celles et ceux pour lesquels ils travaillaient.
Parmi ces « justiciers », il y a Rick Deckard, un chasseur de primes, en réalité un tueur professionnel qui espère gagner suffisamment d'argent pour pouvoir s'acheter un vrai animal, alors qu'il ne possède qu'un mouton électrique.
En même temps que de suivre le destin de Rick Deckard, le lecteur suit le parcours d'un « spécial », encore surnommé « tête de piaf », J.R. Isidore, un homme trop atteint par les radiations pour pouvoir se reproduire ou émigrer sur Mars, qui fera la rencontre de quelque uns des androïdes.
Et puis intervient Mercer, une sorte de personnage christique, aux pouvoirs étonnants, auquel les humains humains cherchent à se connecter via une « boîte à empathie ».

Sans entrer dans les détails d'une intrigue qui démarre lentement, puis se dévoile et s'accélère, ce qui m'a beaucoup plu, c'est d'abord le doute et l'incertitude qu'elle installe sur les événements qui se passent, mais surtout les interrogations sur ce qui distingue les androïdes des humains.

Et ce que j'ai trouvé étonnant, et en cela Dick a ce génie qu'ont aussi d'autres auteurs d'anticipation ou de science-fiction (par exemple Jules Verne), c'est l'importance accordée à l'empathie: les humains et les androïdes sont distingués par un test qui permet de définir leur niveau d'empathie; une boîte à empathie permet de fusionner avec le médiateur «divin » Mercer.
Or, nous savons maintenant que l'empathie s'est développée au cours de l'évolution des êtres vivants, considérablement chez les grands primates, et encore plus chez les humains. Et que cette capacité à se mettre à la place de l'autre est liée à l'existence de neurones miroirs, neurones à la base des processus d'imitation, qui s'activent lorsque l'on observe l'autre effectuer une action, comme si on la réalisait soi-même, mais qui aussi, par le biais d'interactions complexes avec d'autres aires de notre cerveau, permettent de ressentir toutes les émotions d'un autre, bref de faire sienne la joie ou la souffrance d'un.e autre.
Mais ici, comme nous sommes dans un roman de Philip K. Dick, un doute apparaît dans la réponse d'une androïde au test d'empathie, et aussi, Rick Deckard se demande s'il n'est pas un androïde auquel on aurait greffé des souvenirs.
Deckard, c'est d'ailleurs l'homme qui doute, qui s'interroge sur sa mission, et qui finira par trouver la paix intérieure, d'accepter sa condition, d'accepter de ne pas tout comprendre, à l'issue d'une expérience quasi mystique. Bref, un anti- héros bien loin des Super-men musclés et invincibles.

Beaucoup d'autres thèmes traversent ce roman, la captation de notre «temps de cerveau disponible » par une télé abrutissante, l'émotion suscitée par l'oeuvre d'art, la question du bien et du mal, et bien d'autres que vous découvrirez en lisant ce beau et subtil récit. J'espère ne vous en avoir pas trop dit.

A noter qu'il y a une postface passionnante d'Etienne Barillier, un spécialiste de l'oeuvre de Philip K. Dick.
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