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Citations sur Le neveu de Rameau et autres dialogues philosophiqes (4)

On est dédommagé de la perte de son innocence, par celle de ses préjugés.
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On avale à pleine gorgée le mensonge qui nous flatte, et l'on boit goutte à goutte une vérité qui nous est amère.
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LUI. Mais je crois que vous vous moquez de moi ; monsieur le philosophe, vous ne savez pas à qui vous vous jouez ; vous ne vous doutez pas que dans ce moment je représente la partie la plus importante de la ville et de la cour. Nos opulents dans tous les états ou se sont dit à eux-mêmes ou ne sont pas dit les mêmes choses que je vous ai confiées ; mais le fait est que la vie que je mènerais à leur place est exactement la leur. Voilà où vous en êtes, vous autres. Vous croyez que le même bonheur est fait pour tous. Quelle étrange vision ! Le vôtre suppose un certain tour d'esprit romanesque que nous n'avons pas ; une âme singulière, un goût particulier. Vous décorez cette bizarrerie du nom de vertu ; vous l'appelez philosophie. Mais la vertu, la philosophie sont-elles faites pour tout le monde. En a qui peut. En conserve qui peut. Imaginez l'univers sage et philosophe ; convenez qu'il serait diablement triste. Tenez, vive la philosophie ; vive la sagesse de Salomon : boire de bon vin, se gorger de mets délicats, se rouler sur de jolies femmes, se reposer dans des lits bien mollets. Excepté cela, le reste n'est que vanité.
MOI. Quoi, défendre sa patrie ?
LUI. Vanité. Il n'y a plus de patrie. Je ne vois d'un pôle à l'autre que des tyrans et des esclaves.
MOI. Servir ses amis ?
LUI. Vanité. Est-ce qu'on a des amis ? Quand on en aurait, faudrait-il en faire des ingrats ? Regardez-y bien, et vous verrez que c'est presque toujours là ce qu'on recueille des services rendus. La reconnaissance est un fardeau ; et tout fardeau est fait pour être secoué.
MOI. Avoir un état dans la société et en remplir les devoirs ?
LUI. Vanité. Qu'importe qu'on ait un état, ou non ; pourvu qu'on soit riche ; puisqu'on ne prend un état que pour le devenir. Remplir ses devoirs, à quoi cela mène-t-il ? A la jalousie, au trouble, à la persécution. Est-ce ainsi qu'on s'avance ? Faire sa cour, morbleu ; faire sa cour ; voir les grands ; étudier leurs goûts ; se prêter à leurs fantaisies ; servir leurs vices ; approuver leurs injustices. Voilà le secret.
MOI. Veiller à l'éducation de ses enfants ?
LUI. Vanité. C'est l'affaire d'un précepteur.
MOI. Mais si ce précepteur, pénétré de vos principes, néglige ses devoirs ; qui est-ce qui en sera châtié ?
LUI. Ma foi, ce ne sera pas moi ; mais peut-être un jour, le mari de ma fille, ou la femme de mon fils.
MOI. Mais si l'un et l'autre se précipitent dans la débauche et les vices.
LUI. Cela est de leur état.
MOI. S'ils se déshonorent.
LUI. Quoi qu'on fasse, on ne peut se déshonorer, quand on est riche.
MOI. S'ils se ruinent.
LUI. Tant pis pour eux.
MOI. Je vois que, si vous vous dispensez de veiller à la conduite de votre femme, de vos enfants, de vos domestiques, vous pourriez aisément négliger vos affaires.
LUI. Pardonnez-moi ; il est quelquefois difficile de trouver de l'argent ; et il est prudent de s'y prendre de loin.
MOI. Vous donnerez peu de soins à votre femme.
LUI. Aucun, s'il vous plaît. Le meilleur procédé, je crois, qu'on puisse avoir avec sa chère moitié, c'est de faire ce qui lui convient. A votre avis, la société ne serait-elle pas fort amusante, si chacun y était à sa chose ?
MOI. Pourquoi pas ? La soirée n'est jamais plus belle pour moi que quand je suis content de ma matinée.
LUI. Et pour moi aussi.
MOI. Ce qui rend les gens du monde si délicats sur leurs amusements, c'est leur profonde oisiveté.
LUI. Ne croyez pas cela. Ils s'agitent beaucoup.
MOI. Comme ils ne se lassent jamais, ils ne se délassent jamais.
LUI. Ne croyez pas cela. Ils sont sans cesse excédés.
MOI. Le plaisir est toujours une affaire pour eux, et jamais un besoin.
LUI. Tant mieux, le besoin est toujours une peine
MOI. Ils usent tout. Leur âme s'hébète. L'ennui s'en empare. Celui qui leur ôterait la vie, au milieu de leur abondance accablante, les servirait. C'est qu'ils ne connaissent du bonheur que la partie qui s'émousse le plus vite. Je ne méprise pas les plaisirs des sens ; j'ai un palais aussi, et il est flatté d'un mets délicat, ou d'un vin délicieux ; j'ai un cœur et des yeux ; et j'aime à voir une jolie femme. J'aime à sentir sous ma main la fermeté et là rondeur de sa gorge ; à presser ses lèvres des miennes ; à puiser la volupté dans ses regards, et à en expirer entre ses bras. Quelquefois avec mes amis, une partie de débauche, même un peu tumultueuse, ne me déplaît pas. Mais je ne vous dissimulerai pas, il m'est infiniment plus doux encore d'avoir secouru le malheureux, d'avoir terminé une affaire épineuse, donné un conseil salutaire, fait une lecture agréable ; une promenade avec un homme ou une femme chère à mon cœur ; passé quelques heures instructives avec mes enfants, écrit une bonne page, rempli les devoirs de mon état ; dit à celle que j'aime quelques choses tendres et douces qui amènent ses bras autour de mon col. Je connais telle action que je voudrais avoir faite pour tout ce que je possède. C'est un sublime ouvrage que Mahomet ; j'aimerais mieux avoir réhabilité la mémoire des Calas. Un homme de ma connaissance s'était réfugié à Carthagène. C'était un cadet de famille, dans un pays où la coutume transfère tout le bien aux aînés. Là il apprend que son aîné, enfant gâté, après avoir dépouillé son père et sa mère, trop faciles, de tout ce qu'ils possédaient, les avait expulsés de leur château, et que les bons vieillards languissaient indigents, dans une petite ville de la province. Que fait alors ce cadet qui, traité durement par ses parents, était allé tenter la fortune au loin, il leur envoie des secours ; il se hâte d'arranger ses affaires. Il revient opulent. Il ramène son père et sa mère dans leur domicile. Il marie ses sœurs. Ah, mon cher Rameau ; cet homme regardait cet intervalle, comme le plus heureux de sa vie. C'est les larmes aux yeux qu'il m'en parlait : et moi, je sens en vous faisant ce récit, mon cœur se troubler de joie, et le plaisir me couper la parole.
LUI. Vous êtes des êtres bien singuliers !
MOI. Vous êtes des êtres bien à plaindre, si vous n'imaginez pas qu'on s'est élevé au- dessus du sort, et qu'il est impossible d'être malheureux, à l'abri de deux belles actions, telles que celle-ci.
LUI. Voilà une espèce de félicité avec laquelle j'aurai de la peine à me familiariser, car on la rencontre rarement. Mais à votre compte, il faudrait donc être d'honnêtes gens ?
MOI. Pour être heureux ? Assurément.
LUI. Cependant, je vois une infinité d'honnêtes gens qui ne sont pas heureux ; et une infinité de gens qui sont heureux sans être honnêtes.
MOI. Il vous semble.
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LUI. — Quel âge a votre enfant?
MOI. — Et que diable, laissons là mon enfant et son âge, et revenons aux maîtres qu'ele aura.
LUI. — Pardieu, je ne sache rien de si têtu qu'un philosophe. En vous suppliant très humblement, ne pourrait-on savoir de Monseigneur le philosophe, quel âge à peu près peut avoir Mademoisele sa file. MOI. — Supposez-lui huit ans.
LUI. — Huit ans! il y a quatre ans que cela devrait avoir les doigts sur les touches.
MOI. — Mais peut-être ne me soucié-je pas trop de faire entrer dans le plan de son éducation, une étude qui occupe si longtemps et qui sert si peu.
LUI. — Et que lui apprendrez-vous donc, s'il vous plaît?
MOI. — A raisonner juste, si je puis; chose si peu commune parmi les hommes, et plus rare encore parmi les femmes.
LUI. — Et laissez-la déraisonner, tant qu'ele voudra. Pourvu qu'ele soit jolie, amusante et coquette.
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