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Citations sur Le peu de monde (suivi de) Je te salue jamais (57)

Pierre périphrase


Parle,
Dis quelque chose, n’importe quoi.
Mais ne reste pas là comme une absence en acier.
Choisis ne serait-ce qu’un mot,
qui te liera plus étroitement
à l’indéfini.
Dis :
« en vain »,
« arbre »,
« nu ».
Dis :
« on verra »
« impondérable »,
« poids ».
Il y a tant de mots qui rêvent
d’une vie brève, sans liens, avec ta voix.

Parle.
Nous avons tant de mer devant nous.
Là où nous finissons
la mer commence.
Dis quelque chose.
Dis « vague », qui ne tient pas debout.
Dis « barque » qui coule.
quand trop chargée d’intentions.
Dis « instant »,
qui crie à l’aide car il se noie,
ne le sauve pas.
dis
« rien entendu ».

Parle.
Les mots se détestent les uns les autres,
ils se font concurrence :
quand l’un d’entre eux t’enferme,
un autre se libère.
Tire un mot hors de la nuit
au hasard.
Une nuit entière au hasard.
Ne dis pas « entière »,
dis « infime »,
qui te laisse fuir.
Infime
Sensation,
tristesse
entière
qui m’appartient.
Nuit entière.

Parle.
Dis « étoile », qui s’éteint.
Un mot ne réduit pas le silence.
Dis « pierre »,
mot incassable.
Comme ça, simplement
pour mettre un titre
à cette balade en bord de mer.
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LE OU EXCLUSIF
  
  
  
  
La pluie m’a enfermée
je me retrouve dépendante des gouttes.

Mais comment savoir si c’est de la pluie
ou des larmes du ciel intérieur d’un souvenir?
On ne peut plus nommer à mon âge
les phénomènes sans réserves,
ici la pluie, ici les larmes.

Je reste sèche entre
deux éventualités : pluie ou larmes,
et deux ambiguïtés :
pluie ou larmes,
amour ou effet de l’âge,
toi-même ou petit balancement d’adieu de l’ombre
de la dernière feuille.
Chaque dernier,
je le nomme dernier sans réserves.

Et puis j’ai trop avancé en âge
pour que cela mène aux larmes.
Larmes ou pluie, comment savoir ?
Et je reste dépendante des gouttes.
À mon âge

on ne s’attend plus à deux poids deux mesures
selon qu’il pleut ou non.
Des gouttes pour tout.
Gouttes de pluie ou larmes.
Tombées des yeux d’un souvenir, ou des miens.
Moi ou le souvenir, comment savoir ?
À mon âge on ne sépare plus les temps.
Pluie ou larmes.
Toi-même ou petit balancement d’adieu de l’ombre
de la dernière feuille.


/Traducteur Michel Volkovitch
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CRAVATE NOIRE

[…]

Écris que je pleure à cause des mères.
De mes mères plus anciennes.
Des fines et belles
amantes aux fenêtres,
que le mort a surprises inabouties
et qui traînent leurs journées, maternelles
sur les photographies d’un salon
et les broderies.

Je pleure à cause des lumières qui s’allument
et de dimanche ce chat pelotonné
à ma fenêtre.
La peur met ses beaux habits
et attend.
Écris.
Que je pleure à cause des cyclones,
du peu de nourriture,
de tous les Peu,
des séismes
qui ne préviennent pas.

Je pleure car elle est venue en vain,
la nouvelle qu’hier tu as vu
le premier papillon.
je pleure car l’éphémère n’est pas une nouvelle.

Écris. Je pleure
car le hasard s’est enfermé chez lui,
le sursis est arrivé au bourreau,
la gourde est arrivée au désert,
la Jeunesse est arrivée à la photo.
Je pleure car qui sait qui fermera
les yeux de mes jours.

Arrose toi-même la plante
et laisse-moi pleurer car…


/Traducteur Michel Volkovitch
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Mégot à la bouche des cheminées
extrait 2
  
  
  
  
Je ne dois garder qu’une ou deux lettres certifiant
– mon départ doit gagner sa croûte –
que je sais pouponner l’inefficacité
accompagner les oublis vieillards sur les bancs
les places et les points-limite, où précisément
viennent les cars-tunnels
déverser les enfants des écoles.
Que je travaillais volontiers aux côtés de l’aquarelle.

Ma préférence évidemment sera d’embarquer
comme soutier du souvenir
et devenir le temps très lent des bateaux du fleuve
quand nous contemplions leurs parlotes
sous des ponts mordus, rongés
que le brouillard jetait sur les rives.



/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Mégot à la bouche des cheminées
extrait 1
  
  
  
  
Je progresse vers le moins.
Le bail avec notre naissance expire un jour,
Tant qu’elle vécut notre mère l’a renouvelé,
nous habillant comme des enfants jusque dans son regard,
voués par elle à l’immuable.

Peu à peu je vide ce que j’ai pu – des chiffons,
Pour m’en aller plus légère. Je déchire
le calendrier où s’inscrivait l’issue,
à quoi bon trimballer des pierres ?
Malles pleines de haut-parleurs, brevets de pirate de l’air
petits cadeaux qu’on échange avec son plus cher mensonge
- ce qu’on donne est donné
qui le reprend meurt dans l’année –
vaisselle dans le buffet
des douzaines de piles d’invités
tant pour la viande et tant pour le dessert
pour le thé le café le cafard.



/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Choses nouées



Excursion
extrait 2

Dans le rétroviseur se regarde
un puits à sec.
La terre ici et là fraîchement creusée.
Le même soin
pour les morts et les graines.
La terre frémit.
Mettons que tu existes.

À Mycènes exclamations et tombeaux.
Pierre tourmentée par la célébrité.
Passions de bonne famille, dignes de mémoire.
Nos passions à nous
n’auront pas le moindre visiteur,
l’oubli les attend, affamé toujours.
Mettons que tu existes.



/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Photo 1948


Extrait 1

Je tiens une fleur, je crois.
Bizarre.
On dirait qu'un jour dans ma vie
un jardin est passé.

Dans l'autre main
je tiens une pierre.
L'air gracieux, arrogant.
Sans me douter qu'il y a là pour moi
l'annonce d'altérations,
et l'avant-goût de résistances.
On dirait qu'un jour dans ma vie
une ignorance est passée.

Je souris.
La courbe du sourire,
le creux de cette humeur,
semble un arc bien tendu,
fin prêt.
On dirait qu'un jour dans ma vie
une cible est passée.
Une aptitude à la victoire.
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