Samuel Dock interroge le syndrome de
L'enfant thérapeute à partir de son vécu et celui de sa mère. A quatorze ans, l'écrivain devient le soutien de sa mère, séparée de son mari pour des faits de violence, et assumant seule l'apparition de la maladie psychique de sa soeur.
Devenu docteur en psychopathologie, immergé dans le milieu de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) et après plusieurs ouvrages,
Samuel Dock réfléchit à cet état en présentant à partir de son témoignage les trois aspects de sa réflexion : la présentation du syndrome au niveau de l'adulte qu'il est devenu, la nature des failles de sa mère et le renouveau de leur relation.
Seulement ce livre n'est ni un essai, ni un mémoire, c'est un roman dont la fiction s'inspire de faits réels et dont le style fauche le lecteur au-delà du prévisible !
La dynamique de consolation naturelle de l'enfant envers son parent devient pathologique lorsque la dépression du parent, venant de son passé en général, est trop envahissante. L'adulte est alors dans l'incapacité d'apporter l'amour nécessaire à l'enfant pour grandir sereinement. du coup, l'enfant veut soulager son parent et même envisage-t-il de le soigner. A l'âge adulte, la personne peut développer le syndrome dit du sauveur dans sa relation à l'autre, poussant certains à devenir professionnels de l'enfance abîmée.
Brins d'histoire
La première partie décrit les symptômes de ce syndrome en racontant les relations pathologiques avec sa mère au cours d'une fête de Noél. L'adulte, qu'il est, redevient pendant quelques heures l'enfant qu'il a été, réclamant la protection et l'amour que sa mère ne peut lui donner. La frustration est amplifiée par la présence de la soeur, que la mère protège, alors que son comportement la rend étrange aux autres et désincarnée à elle-même.
Autant dire tout de suite que
Samuel Dock réussit par ce témoignage à nous faire ressentir de l'aversion pour cette femme qui apparaît comme égoïste, froide, instable, incapable de donner la tendresse à son fils. du coup, comme lui, le lecteur comprend qu'endosser le rôle de
L'enfant thérapeute est voué à l'échec, et que seule la fuite est possible. Mais cet immense besoin de réparation se double de la culpabilité de ne pas y être arrivé et de devoir quémander, encore et encore, l'attention dont on a manqué. Néanmoins, le narrateur comprend rapidement que la violence est au coeur des failles maternelles, même s'il n'en connaît pas la teneur
La seconde partie va renverser cette impression en présentant le journal de sa mère écrit quelques années plus tard, avec l'aide d'un soutien psychologique. Ce dernier lui permet de mettre des mots sur le vécu de sa petite enfance. Retravaillé par
Samuel Dock, ce témoignage est éprouvant à découvrir tant la souffrance qui y est exprimée est indicible. Pourtant des mots sont écrits là, noir sur blanc, qui rendent compte des sévices corporels et psychologiques répétés, de la barbarie avérée, des violences d'un père devenu monstre après avoir été héros et de l'impossibilité à sa propre mère à casser cet engrenage. Dans cette partie,
Samuel Dock parvient aussi à décrire le processus de résilience qui permet à l'enfant de recevoir l'amour nécessaire pour effacer les blessures de la toute petite enfance.
Lorsque les mots sont posés quelque part, on peut se parler ! Et, c'est ce que décrit
Samuel Dock dans sa troisième partie. La souffrance ressentie précédemment s'estompe complètement pour permettre à la mère et son fils de devenir, ni surpuissant comme l'enfant le pensait, ni complètement « nulle », comme le croyait sa mère, mais être justes humains ! L'émotion de ces « trouvailles » (et non « retrouvailles ») envahit le lecteur. Comme pour les personnages, le lecteur, amoureux des mots, découvre leur puissance dans ce processus de soin.
En guise de conclusion,
Ce roman n'est pas un ouvrage pour les professionnels des soins portés à l'enfant. Il a une valeur universelle dans la mesure où chacun peut vivre une situation où l'incompréhension renforce le fossé entre les êtres. de plus, il décrit le plus précisément possible la valeur du verbe pour retrouver le partage.
Je voudrais, ici, saluer le courage de l'écrivain. A la manière d'un
Boris Cyrulnick,
Samuel Dock explore le processus de résilience qui, doit-on le répéter, encore, permet de construire un jardin sur un tas de cendres si l'amour nourrit cette terre. En exposant son vécu, mais en lui donnant une forme romanesque, il signifie à tous que rien n'est irrémédiable et que nous avons chacun un rôle à jouer dans cet amour qui nourrit la terre.
Roman, incontestablement, tant l'écriture est puissante ! Les mots sont ciselés comme les personnages, à vifs. le travail de recherche et de réécriture réalisé autour des témoignages est palpable. Il sert le propos avec intensité pour aider à la compréhension, mais surtout aux ressentis. Car,
Samuel Dock sait réveiller en nous l'intensité de notre humanité.
La lecture de
L'enfant thérapeute est inoubliable par les images qu'il révèle : l'enfant tenant la main de sa mère pour traverser la rue, seul contact d'une femme pour sa fille ! du chien Freddy, sauveur, qui en perdit la vie. D'un livre Blanche-Neige offert par une grand-mère, sorte d'oasis dans l'enfer ! D'une soeur, comme un métal en fusion, qui ne peut que se détruire. Et, la présence si calme, si essentielle du compagnon effacé. Pour moi, dois-je encore le préciser, un moment de lecture intense !
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