"L'ordre qui règne dans les choses matérielles indique assez qu'elles ont été créées par une volonté pleine d'intelligence."
Isaac Newton
Cette fille use du langage des Peuples Anciens, répondit Esdras en passant une main dans sa barbe. Depuis des siècles, seuls les grimoires font perdurer leur souvenir. Les mages du royaume sont dans le vrai : Orglin est bien celle que nous sommes venus quérir.
Talonnée et sans lucidité, Orglin effectua des circonvolutions dans l'obscurité naissante. Bosquet après bosquet, cours d'eau après cours d'eau, son sens de l'orientation vacilla.
Tout à coup une clairière apparut, clairsemée de torches jetant leur éclat sur les hautes broussailles. Au centre, les guerriers. Leurs traits coupés à la hache firent frissonner l'enfant.
La poitrine serrée, Orglin se figea.
Une brise fit onduler l'herbe, des feuilles roulèrent. La puanteur des hommes pervertissait la douce senteur des fougères.
Le sang de ses parents qui circulait dans ses veines, s'exprima. Une bouffée d'orgueil souleva sa poitrine.
Les yeux d'Orglin étincelèrent lorsqu'elle interposa sa lame entre elle et ses adversaires. L'acier damasquiné d'azurite jeta sur son visage des reflets d'un bleu cristallin.
Les pieds plantés dans le sol, elle fit face, préférant tomber l'épée à la main que périr traquée comme une bête.
Tôt ou tard, le destin rattrape ses pantins.
Le cœur prêt à rompre, Orglin cavalait.
Les branches déchiraient ses membres tandis qu’elle fusait le long des sentiers. Le moindre virage lui était
connu. Elle les avait tant cheminés, accompagnée de ses parents.
Protégés d’acier rutilant, ses poursuivants arpentaient la forêt avec la vitesse du vent. Des cris, tels des
chants sinistres, résonnaient dans la vallée. Les cors se répondaient sur les versants des collines.
Sans cesser sa course, Orglin se retourna. La transpiration moins que la peur brouillait sa vue.
Hors d’haleine, ses forces manquaient. La chasse, commencée à l’aube, avait épuisé la jeune fille.