Citations sur Le cabaret de la belle femme (12)
Dans le premier élan, nous enlevâmes deux lignes de tranchées, mais sur la position de repli le combat devint atroce. Les rafales de mitrailleuses et les salves de 105 faisaient de tels ravages qu'il fallut se blottir dans un boyau allemand. Seul, Boucard voulut se nicher à son idée et préféra un entonnoir, qu'il jugeait mieux garanti. La nuit s'écoula, mouvementée, et quand l'aube parut, nous aperçûmes ce pauvre sourcier inerte dans son trou, la tête fracassée.
- Pauvre gars, soupira Lousteau. Je l'avais bien dit qu'on avait tord de lui refiler une capote neuve.
Et ce fut là toute l'oraison funèbre de Boucard, le braconnier, que j'ai laissé quelque part en Artois, sur la terre à personne où les ronces sont de fer rouillé et les terriers creusés à coups d'obus.
...elles prenaient des mines importantes, se pavanaient dans la grand’rue, tortillaient de la croupe comme un paon fait la roue et acceptaient tous les hommages comme de la petite monnaie, convaincues que leurs charmes n’en méritaient pas moins.
Personne ne pense à la guerre. Pas de grands mots :gloire, victoire, evanche… On dit simplement : « On va se battre » ; et pas un ne comprend tout ce que cela veut dire.
Comme la guerre sera jolie, racontée dans cent ans !
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N’est-ce pas atroce de penser, devant ce jeune mort étend, que la guerre terminée, des milliers de sacrifices pareils tomberont dans l’oubli et que rien, jamais rien, ne paiera les héros : pas même un souvenir.
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Les hommes ont cela dans la peau, c’est leur bêtise, leur cruauté qui ressort, et lorsqu’ils se tiennent tranquilles, c’est simplement que la peur parle plus fort que leur instinct. Le malheur, c’est qu’avec la méchanceté, Dieu leur ait donné l’intelligence, sans cela on se battrait encore à coups de trique, et cela vaudrait tout de même mieux…
Leurs jupes, surtout, nous faisaient envie, abondantes,gonflées aux reins comme des sacs de grains, et l’on regardait goulûment leurs lèvres, ouvertes sur un sourire où il manquait des dents. Ces grosses filles,nées pour deux passades brutales de campagne et finir bonnes épouses dans les bras d’un charron, n’étaient pas du tout éblouies de se voir poursuivies par ces centaines d’hommes qui, civils, ne les auraient jamais regardées.
La vérité, la triste vérité, c’est qu’il n’y avait pas d’amour, qu’il n’y avait pas de femmes au front, pas plus que de beurre à la cuisine roulante ou que de carpettes dans les gourbis. Parfois, sans doute –oh ! bien rarement – on entrevoyait une femme, une vraie femme, qui emportait dans le vent parfumé de sa jupe tous les désirs d’un bataillon.
Mais je ne vous en veux pas, petite réfugiée. Ce que nous allions chercher chez vous, ce n’était pas des lunettes, pas de l’amour non plus, car vous étiez honnête. C’est un rien qu’on ne vend pas, une illusion…
C’était la joie fabuleuse, au sortir des tranchées, la capote brossée et les mains nettes, d’échapper un instant à cette vie brutale et de parler, de vivre un peu comme autrefois, d’oublier les obus, la boue, le riz froid, la vermine,les rats, tout ce morne tourment…
On s’entretient de la mort avec la tranquille indifférence des fossoyeurs : elle a, d’un coup, perdu tout son prestige…
C’est étonnant ce qu’il faut faire de démarches pour avoir le droit d’aller se faire casser la gueule
Le capitaine Tarasse, dit "Tracasse", qui commandait ma compagnie détestait par-dessus tout la contradiction, l'indépendance d'esprit, la fantaisie et tout ce qui pouvait rappeler de loin ou de près la liberté, forme déguisée de l'insubordination. Un ordre, quel qu'il fût, devait s'exécuter sur-le-champ, sans chercher à comprendre et surtout sans discuter. Demi-tour et rompez...
Il se méfiait des gens trop instruits, qui sont généralement "raisonneurs", et ne faisait exception que pour les instituteurs, déjà pliés à la discipline.