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Critique de boudicca


Parmi les nombreuses bandes dessinées réalisées par Xavier Dorison, j'avais surtout été bluffée par sa tétralogie consacrée au personnage de « Long John Silver » dans lequel l'auteur reprenait l'une des figures les plus emblématiques du roman de Robert Louis Stevenson. La démarche est un peu différente ici, mais c'est tout de même un classique de la littérature qui a également inspiré le scénariste puisque sa nouvelle série emprunte énormément à la fameuse fable « La ferme des animaux » de Georges Orwell. Il ne s'agit toutefois pas d'une simple retranscription, mais plutôt d'un hommage : l'histoire se déroule bien dans une ferme, les personnages sont bien des animaux et les humains ont bien été chassés, mais les protagonistes ne sont pas les mêmes, et le propos non plus. Là où Orwell utilisait la fable animalière pour mettre en avant les contradictions du stalinisme et narrer l'instauration progressive d'un régime totalitaire, Dorison livre ici un beau plaidoyer en faveur de la révolution non-violente. Tout commence dans un château perdu au milieu de la forêt et transformé en ferme par les hommes. Ces derniers sont toutefois partis depuis longtemps, et la République a succédé à la dictature des humains, les animaux exploitant désormais seuls les lieux. L'enthousiasme du début s'est toutefois sacrément effrité depuis qu'un animal en particulier a pris l'ascendant sur les autres après s'être assuré du soutien des membres les plus dangereux de l'exploitation : les chiens. Les autres bêtes en sont réduites à travailler d'arrache-pied sous la supervision des féroces canidés, le tout en vivant dans une misère de plus en plus insoutenable et dans la frayeur d'attirer la colère du président Silvio, qui fait régner la terreur tout en prétextant agir au nom de l'intérêt général. C'est dans ce contexte que l'on fait la rencontre de Miss Bengalore qui donne son nom à ce premier volume : une chatte (la seule de la ferme) qui élève seule ses deux petits. Déterminée à assurer une subsistance à ses chatons, la petite chatte blanche se tient à carreau et endure les humiliations, jusqu'à ce qu'une goutte d'eau ne vienne faire déborder le vase. Sa rencontre avec un rat itinérant et conteur de talent va lui donner la force qui lui manquait pour s'élever contre la dictature de Silvio et pousser les autres animaux à la révolte.

L'ouvrage a rencontré un succès important lors de sa parution, et l'une des principales causes qui expliquent l'engouement du public est à chercher dans un premier temps du côté des graphismes. C'est Félix Delep qui est ici aux commandes, et le résultat est absolument magnifique, tant en ce qui concerne les décors que les personnages ou encore la colorisation. Difficile étant donné le sujet de ne pas penser à LA bande dessinée qui vient à l'esprit de tout le monde dès lors qu'il est question d'animaux anthropomorphisés (« Blacksad »), mais les dessins soutiennent ici fort bien la comparaison. La force des illustrations réside principalement dans le contraste énorme entre la mise en scène de ces chats, poules, oies et lapins d'une mignonitude à faire fondre, et la violence dont ces derniers sont victimes et qui se manifeste sans aucun fard dans certaines planches à couper le souffle. Les animaux sont pour leur part extrêmement bien représentés, leurs postures ou expressions empruntant tour à tour à l'homme ou à la bête. L'ouvrage ne vaut cela dit pas que pour la qualité de ses dessins mais aussi pour celle de l'histoire dont ne nous est dévoilée ici que la première partie sur les quatre que comptera au total la série. Difficile de rester de marbre à l'évocation des injustices répétées subies par les animaux ou des exactions commises par la milice du président Silvio qui se révèle malgré tout un poil caricatural (mais sacrément impressionnant). La révolution non-violente et tous les débats et questionnements que cela entraîne se trouve ici au coeur du récit et est traitée sans mièvrerie ou idéalisme. On devine sans mal les grandes figures qui ont pu inspirer l'auteur, de Mandela (dont on oublie cela dit un peu trop souvent qu'il a lui-même prôné la lutte armée en raison des limites de l'action non violente) à Marin Luther King en passant par Gandhi (que le vieux rat philosophe n'est d'ailleurs pas sans rappeler). On peut adhérer ou pas à l'idée, la trouver utopiste ou trop encline à fabriquer martyr sur martyr, il n'empêche que les arguments de l'auteur portent, et qu'on a bien envie de voir ce que peut donner une nouvelle révolution menée par des animaux. En espérant qu'elle ne leur soit pas cette fois encore volée par un nouveau Napoléon.

Premier tome d'une nouvelle tétralogie inspirée de la célèbre fable animalière de George Orwell, « Le château des animaux » est un beau plaidoyer en faveur de la révolution et de la lutte non violence. L'élégance des graphismes participe indéniablement au plaisir que l'on prend à tourner les pages de ce bel album mettant en scène des animaux anthropomorphes aux prises avec un abject tyran. le second volume est d'ores et déjà disponible et vous devriez en voir la chronique arriver d'ici peu sur le site.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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