Citations sur La Douce (Une femme douce - La timide) (13)
En l’amenant dans ma maison, je voulais arriver à conquérir son entière estime, je voulais la voir s’incliner devant moi et me plaindre de mes souffrances. Je pensais que je valais cela. Ah ! Toujours mon orgueil ; toujours il me fallait tout ou rien, et c’est parce que je ne suis pas un admetteur de demi-bonheurs, c’est parce que je voulais tout, que j’ai été forcé d’agir ainsi. Je me disais ; « mais devine-moi donc et estime-moi ! » Car vous admettez que si je lui avais fourni des explications, si je les lui avais soufflées, si j’avais pris des détours, si je lui avais réclamé son estime, ç’aurait été comme lui demander l’aumône… Du reste… du reste, pourquoi revenir sur ces choses-là ?
Car pourquoi est-elle morte?
La question est toujours là.
La question me vrille.
Elle me vrille le cerveau.
Je l'aurais bien laissée comme ça.
- Moi qui croyais que vous alliez me laisser comme ça... Soudain, cette phrase lui était sortie de la bouche, sans qu'elle le veuille, tellement sans qu'elle le veuille, peut-être, qu'elle n'a même pas remarqué ce qu'elle venait de dire, et, néanmoins, c'était le plus essentiel, sa parole la plus fatale, celle que je pouvais le mieux comprendre ce soir-là, et c'était comme un coup de couteau tout le long du cœur !
« Comprends toi-même et apprécie.»
Pourquoi, dès le début avons-nous adopté le silence ? Il n'y avait pourtant pas de disputes au début ; mais, toujours ce silence... Je me souviens qu'elle avait constamment une certaine façon de me regarder en dessous ; lorsque je m'en aperçus, je renforçais encore le silence. C'est moi, il est vrai, et non pas elle, qui insistais sur ce silence.
La générosité de la jeunesse était une chose charmante, mais elle ne valait pas un sou. Pourquoi ? Parce qu'elle ne lui coûte rien, parce qu'elle existe sans avoir vécu [...] Cette générosité bon marché, elle est toujours facile - même donner sa vie, ça ne coûte qu'un sou, car même là, c'est sang qui bout et forces qui débordent, on cherche la beauté avec passion !
Routine ! Oh, la nature ! Les hommes, sur la terre, ils sont seuls - voilà le malheur ! "Est-il homme qui vive en cette plaine ?" crie le preux russe de nos légendes. Je crie aussi, et je ne suis pas un preux, et personne ne répond. On dit que le soleil ranime l'univers. Le soleil se lèvera et - regardez-le, il n'est pas un cadavre ? Tout est mort - des cadavres partout. Rien que les hommes, autour d'eux, le silence - voilà la terre ! "Hommes, aimez-vous les uns les autres" - qui a dit ça ? de qui est-ce que c'est la parole ? Le balancier qui bat, insensible, détestable. La nuit. Deux heures. Ses petits souliers, là, devant son lit, on dirait qu'ils l'attendent... Non, sérieusement, quand ils l'emporteront, demain, qu'est-ce que je serai ?
Et maintenant cet affreux souvenir...
Je m'éveillai le matin vers huit heures, je pense:
il faisait déjà presque grand jour dans la chambre.
Je me réveillai d'un coup, en pleine conscience et ouvris brusquement les yeux.
Elle se tenait debout près de la table, le revolver à la main.
elle n'avait pas vu que j'étais réveillé et que je la regardais.
Parce que je suis un expert pour parler en silence, toute ma vie je l’ai parlée en silence, j’ai vécu en silence, au fond de moi-même, des tragédies entières
certaines idées, dès lors qu'on les prononce, si on les dit avec des mots, ça fait d'une bêtise terrible. Ça fait qu'on en rougit soi-même. Et pourquoi ? Pour rien. Parce que nous sommes tous de la saleté, que nous ne supportons pas la vérité, ou je ne sais pas pourquoi.