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Critique de Dez54


Dostoïevski publie Carnets du sous-sol en 1864, une époque bien particulière pour notre écrivain (j'y reviendrai), il s'agit d'un monologue amer d'un homme méchant et déplaisant, petit fonctionnaire déchu de Saint Pétersbourg au milieu du XIXème siècle. On retrouvera dans ce texte beaucoup de points qui seront repris et davantage développé dans les grands romans qui le suivront (et notamment dans Les frères Karamazov, Crime et Châtiment).


Ici, Fiodor Dostoïevski utilise l'astuce littéraire des carnets retrouvés dans un souterrain pour débuter un roman. le narrateur explique s'être retiré depuis 20 ans dans son souterrain, il se vante de sa méchanceté, de sa bassesse, la façon dont il trouve son plaisir dans le malheur, dont il hait et méprise ses semblables (qui le lui rendent bien). le style est impeccable, le propos intrigant, la première partie du roman ne dure qu'une cinquantaine de pages. La seconde partie, qui représente les deux autres tiers du roman revient sur un diner donné en l'honneur d'un ancien camarade où, désagréable et encombrant il est méprisé par ses acolytes d'un soir puis sur sa rencontre manquée avec une prostituée qu'il rejettera alors qu'elle pourrait lui apporter réconfort et rédemption.


Un bon roman repose généralement sur de bons personnages, bien construits. Dans celui-ci, le roman EST le personnage : ses diatribes haineuses et décousues, ses actes méprisables et contradictoires dressent le portrait d'un homme, misérable, seul, dont l'esprit vagabonde à la frontière de la folie et sans autre qualité que, par moments, une troublante lucidité sur sa condition et celle de ses semblables. Un être méprisable certes, qui ne connait aucun sentiment altruiste, incapable d'amour mais avant tout pitoyable. J'avoue avoir éprouvé de l'empathie pour ce pauvre hère à la fois malheureux et abjecte. Autour de lui, les autres personnages masculins, plus adaptés à la vie en société semblent égoïstes et frivoles et seule Lisa, la prostituée parait vraiment capable d'humanité. La fenêtre ouverte sur l'espoir d'un amour et d'une rédemption sera, on s'en doute, vite refermée par le narrateur qui préfère courir à sa perte.


Difficile ici, de ne pas faire quelques liens avec la vie de Dostoievski. Ce dernier a connu un simulacre d'exécution, quatre années de bagne en Sibérie, la honte de devoir demander grâce au Tsar même dont il souhaitait le renversement ainsi que des années d'un amour déchirant et unilatéral pour Maria Dmitrievna qu'il finira néanmoins par épouser, avant de connaitre également les affres de la maladie : sept ans d'un mariage malheureux s'achèveront avec une tuberculose pulmonaire qui emportera sa femme en 1864 : son agonie et son décès coïncidant avec la rédaction et la publication de ce court roman. Après cela il faut bien admettre que notre écrivain connait mieux que quiconque le malheur et la cruauté de la condition humaine qui sont reflétés dans son roman. le texte est aussi un condensé des grands thèmes sur lequel l'écrivain n'aura de cesse de revenir les années suivantes : Perte des repères moraux à une époque où les idées de l'occident libéral infusent les sphères intellectuelles (on pense à Crime et Châtiment ou au personnage d'Yvan dans Les frères Karamazov), propension humaine à rechercher son propre malheur (Le Joueur, Les possédés), amour manqué, solitude, bassesse humaine et avilissement de l'âme par la pauvreté et la recherche d'argent.


Les Carnets du sous-sol n'ont sans doute pas l'ampleur d'autres oeuvres de Dostoïevski mais contiennent dans un espace resserré la plupart des ingrédients qui font la particularité et la force de cet auteur. Pour cela, Les Carnets du sous-sol constituent, avec le roman le Joueur, des portes d'entrée qui me paraissent idéales pour qui veut découvrir l'oeuvre de cet auteur. Pour tous ceux qui ont déjà gouté et apprécié celle-ci, les carnets restent un roman hautement recommandable et j'ai, moi-même, grandement apprécié mes « retrouvailles » avec l'écrivain.
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