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Critique de Fabinou7


Le doux zéphyr du romantisme a-t-il conduit sa brise jusqu'à la glaciale Pétersbourg ?

En ce milieu du XIXème siècle, Dostoievski semble gagné par la fièvre romantique et imagine une rencontre intense, où deux solitudes abyssales sont soudain débordées par un comblement inouï : gare au choc thermique (et aux pics de variations de l'électrocardiogramme.)

“Nuit Magique, nuit de hasard on se sépare sans trop y croire”….Je nous rassure, ce n'est pas de Fiodor, même dans sa très spontanée traduction d'André Markowicz, mais finalement y a un peu de ça dans Les Nuits Blanches, court roman paru en 1848. 

On retrouve cette saccade, ce style pressé, presque oral de Fiodor Dostoievski, si bien retranscrit par Markowicz, “j'ai d'autres soucis que le beau style” souligne le narrateur et plus loin “pardonnez moi si je parle encore de travers…je suis un rêveur.”

Un Rêveur. du libéralisme politique à la rédemption christique, l'immense auteur orthodoxe transpire derrière son avatar qui “a si peu de vie réelle”. L'ombre de l'écrivain plane au-dessus des personnages, et comme un Olympien il se révèle parfois à son “ami lecteur” ou insuffle son don de la narration à son personnage “vous êtes un conteur magnifique”, “vous parlez comme dans un livre” s'exclame ainsi Nastenka.

A l'Ouest, nous sommes habitués au monologue intérieur, à ces sentiments décortiqués du dedans, tout en essayant de faire sens, de se comprendre, de frotter notre langage contre l'autre, comme si tout ce que nous disions avait évidemment un sens équivoque, par des phrases anodines, des intonations, quand on dit il fait beau, il est tard, en fait on se dit je t'aime, tu comptes pour moi, je te pardonnes… c'est une sorte de convention souterraine bien établie et dont l'âme slave de Dostoievski ne s'embarrasse pas, ce qui est proprement désarmant : exprimer les choses les plus profondes, les plus graves, sans dérision, sans avatar, sans pudeur maladive, sans orgueil, ce que résume bien Nastenka “je ressens la moindre chose comme de trop près. Mais bon assez parlé de sentiments, suffit !”

Pourtant Dostoievski n'a rien d'un auteur mièvre ou premier degré, Michel del Castillo, dans sa Postface, souligne cette pitié ignoble de l'auteur qui “verse des larmes d'attendrissement en égorgeant lentement un enfant innocent”, déclinant ainsi la critique acerbe de Milan Kundera pour qui Dostoievski lui rappelait les tankistes russes qui tiraient sur les pragois en versant des larmes des compassion. Dostoeivski est implacable, impitoyable, il donne pour mieux reprendre, il sait par quelles ignominies, désespoirs ses personnages et son lecteur s'apprêtent à passer mais dans un dolorisme messianique il ne peut que les accompagner.

Ces nuits boréales, “nuits de conte” comme l'écrit l'auteur dès les premières lignes, ne peuvent-t-elles arriver que dans la candeur de la jeunesse comme conclut d'entrée de jeu le narrateur ? La jeunesse a-t-elle la primeur de l'amour véritable ?

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