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Critique de cathcor


Dès les premières pages le malheur fait son entrée, avec une lettre anonyme lourde de menaces. Max Jacob, le mage, l'ami d'Apollinaire, le compagnon de frasques de tant d'artistes, se cache à Saint-Benoît-sur-Loire. Il a 68 ans, a été décoré de la légion d'honneur, mais n'a plus le droit de publier: il est né de mère juive. Et, de page en page, l'étau se resserre.
D'abord, sur le carnet bleu, de novembre 43 à février 44, c'est l'horreur de l'hécatombe familiale: Gaston, le frère, Julien Lévy, le beau-frère, et surtout Mirté Léa, la petite soeur tant aimée, arrêtée et conduite à Drancy, et pour qui Max cherche à intervenir auprès de Jean Cocteau et de Sacha Guitry.
Puis, le 24 février, à 11h du matin - le jour de la Saint Modeste, note-il avec humour - trois hommes en civil et une Traction Avant noire. C'est à lui d'être transféré à la prison d'Orléans. Et c'est le carnet jaune (est-il toléré parce qu'on pourra toujours y découper des étoiles, si le tissu venait à manquer ?), et Drancy, où "Monsieur Max" n'est plus qu'un chiffre le matricule 15872, qui mourra le 5 mars 1944, dans l'infirmerie n°5 du camp.
Avec une immense empathie, avec des mots simples comme ceux du doux poète, Bruno Doucey, poète lui-même et éditeur, dont la plume se consacre aux poètes assassinés ( Victor Jara, le chilien, Federico Garcia Lorca ), nous rend proche et fraternel le vieux poète, dont il imagine que Simon, jeune codétenu devenu l'ami et le fils qu'il n'a pas eu, a sauvé les derniers écrits. Mais tout n'est pas imaginé : trois lettres bouleversantes, à Jean Rousselot, commissaire de police à Orléans, à Jean Cocteau et au curé de Saint-Benoît-sur-Loire sont authentiques, ainsi que plusieurs passages de ce livre.
Et Bruno Doucey communique l'envie de serrer dans ses bras le doux vieillard qui, malgré l'horreur, continue à croire au Verbe, à conseiller les jeunes poètes, à créer des mots-valise ( La " torticolitalie"), à plaisanter et à utiliser l'humour comme seule arme ( J'suis le bouquet,
j'suis le bouquet, j'suis l'bouc émissaire...), à soutenir fraternellement ses compagnons de cellule, en chantant Offenbach et en affirmant que la poésie est nécessaire à la vie et que l'amitié et la prière sont plus fortes que l'enfer créé par les hommes.
Ce livre émouvant et simple devrait être conseillé aux lycéens et étudiants: peut-être leur donnera-t-il le désir d'aller plus loin et d'aborder l'oeuvre de l'un des plus grands poètes du XXème siècle.
Merci à Babelio, aux Editions Bruno Doucey et à Bruno Doucey lui-même.
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