courir sur la mer
Je suis déjà parti tant de fois
sans songer au retour.
Je cours,
je chevauche
je navigue et divague
sur la vigueur des algues
afin de repousser toute immobilité
jusqu'à demain.
Jean-Yves Tayac
La véranda
Dans l'air tiède du couchant
De vives libellules
Dessinent frémissantes
D'élégantes arabesques
Tableau parfait
Jamais achevé
D'un abstrait consommé
Et pendant que nos corps fourbus reposaient
Goûtant ces instants
De répit accordé
Nos esprits s'évadaient
Et suivaient nos pensées
Virevoltant de spirales
En ellipses
Lignes sinueuses
Que laissaient suspendues
Un instant fugitif
Dans leurs jeux fascinants
Ces demoiselles d'un soir
Pour l'enfant solitaire
Sur la véranda
Flora Aurima Devatine.
Écoute
le chemin qui s'ouvre
dans ton cœur et ta main
cherchant une autre main
remue les mots
jusqu'à ce qu'ils s'ouvrent
comme une onde
Il est temps de sonder à nouveau l’Ephémère. De ne pas attendre à demain. De questionner ici et maintenant la part la plus fragile, la plus secrète, la plus inouïe de nos existences. (Sophie Nauleau)
J’ai rêvé de vous l’espace d’un instant
Mais quel espace dans cet instant
(Christophe Hercé -
prix spécial du concours RATP de poésie 2021)
L'instant éternellement présent
Épingle ses éclats
Propulse les écueils
Habite les saisons
Efface peu à peu
Mon texte jamais écrit
Et pas un seul mot
Rien ne le retiendra
Encre sur la paume au creux du temps.
Acrostiche réalisé à partir de fragments de poèmes du recueil.
Bruno Doucey
Bureau des longitudes
Entre ton nord
ton sud
ton est
ton ouest
à la confluence de nos imaginaires
entre l'ubac et l'adret
dans l'équilibre de nos choix
s'exerce une géographie physique de la tendresse
nous y marchons
nous vivons
nous aimons
sans craindre
l'érosion des sols
la combustion des jours
( extrait)
Alexis Bernaut
Traducteurs
J'interroge
du regard l'arbre qui interroge
le ciel
et je vois à leur dialogue
que je ne comprends pas
que le ciel répond à l'arbre
que cette réponse est simple
et peut-être l'est-elle
simplement
parce que la question
est bien posée
Parler la langue de l'arbre
traduire la pluie le nuage
les idiomes d'azur et de vent
encore nous faudrait-il
nous défaire des mots comme il se
défait des feuilles
Laisser l'arbre
lui laisser le papier
laisser au nuage à la neige
la blancheur
Jeanne Benameur
Le pas d'Isis ( Extrait)
Les mots nous habitent
nous sommes leur logis éphémère
parlés par d'autres bouches
ils auront un sens nouveau
ce seront toujours les mêmes mots
comme nos empreintes sur le sable
mais le mot pensé
le mot écrit
le mot lu
ne sont pas les mêmes
comme aucun pas jamais
ne peut-être semblable
à la trace qui le précède
A changer si souvent d'Orianne Papin
A changer si souvent
de pointure
et de dents
nous le savions
enfants
ce que c'est
d'être
éphémères.
On s'écrivait
partout
sur les mains
croyant
à l'envers
par ce geste
nous rendre indélébiles.
Quand la vraie vie
n'était pas tout à fait
comme on l'aurait voulue
après coup
on avait cette parole formidable :
c'était pour du beurre.