Vous avez sans doute reconnu le visage de
Yannis Ritsos et peut être le poème qui donne le titre du livre
"
Ne pleure pas sur la Grèce, quand elle est prête de fléchir avec le couteau sur l'os, avec la laisse sur la nuque,"
Si le poète emprisonné est le sujet du livre de Doucey ce n'est ni une biographie, ni une étude littéraire mais un roman d'amour aux temps des colonels.
Après un prologue mettant en scène des réfugiés yézidis débarquant sur l'île de Leros, le livre commence le 21 avril 1967, le jour du Coup d'état des colonels.
Antoine arrive à Paris avec le projet de gagner un peu d'argent pour rejoindre son amoureuse, Fotini à Heraklion. Fotini, étudiante en littérature, a choisi Ritsos comme sujet d'étude. Antoine doit faire une revue de presse quotidienne. Il consacre l'essentiel de ses recherches à la
Grèce. Rapidement il perd le contact avec Fotini qu'il espère retrouver.
S'étant distingué par son dossier de presse grec, il rencontre des intellectuels grecs exilés à Paris :
Clément Lépidis et
Aris Fakinos qui publient un journal en exil et préparent le Livre noir de la Dictature en
Grèce. A la suite de cette collaboration, Antoine intègre une délégation du CICR, la Croix Rouge, pour visiter les lieux de détention des prisonniers politiques. Il espère retrouver Fotini au cours de cette mission.
Parallèlement, nous suivons
Yannis Ritsos sur ses lieux de détention, sur l'île de Yaros - l'île du Diable -" un gros rocher battu par les vents. Pas d'arbres. Pas d'eau. Pas d'habitants". Ce n'est pas son premier emprisonnement , Ritsos est un vétéran qui sait gérer la condition de prisonnier. Mais surtout
Yannis Ritsos est poète et sait s'évader par les mots :
"La valise serrée contre ses jambes, il avait laissé ses pensées prendre le large pour apaiser l'angoisse que faisait monter en lui la présence des militaires. pas un carnet dans sa valise, pas un crayon qu'on lui aurait immédiatement confisqué. Non mais des
poèmes par centaines, dans la tête et dans le coeur, que personne ne parviendrait à lui enlever. Quelle chance après tout d'avoir choisi la poésie et non la peinture ou le piano! Dans les camps où on les jette, le peintre privé de ses toiles et de pigments vit un enfer, le musicien sans piano se voit amputé de la meilleure part de lui-même, mais moi, poète sans stylo ni papier, de quoi me prive-t-on que je ne puisse trouver en moi?"
Doucey évoque les interrogatoires, les cris, la douleur des prisonniers. On peut être incarcéré pour n'importe quoi, un disque de Théodorakis, même les cheveux longs ou les mini-jupes sont proscrits. L'écriture de Doucey est aussi poétique. Des vers de Ritsos entrecoupent le récit.
Ritsos est ensuite transféré dans le Dodécanèse, sur l'île de Leros où sont installés deux camps et un asile d'aliénés
Malgré l'isolement, la maladie, la poésie ne quitte pas le poète. Il rêve de vaisseau-fantôme, il compare son sort à celui des malades internés à l'asile
Si je suis ici, se répète-t-il, c'est parce que mes
poèmes ressemblent au pollen que transporte le vent. on brûle mes livres, on m'interdit d'écrire, on enferme mon corps dans une prison, on me retient loin des lieux où ma parole se fait entendre. mais cela n'empêchera pas ma poésie d'atteindre d'autres rivages. on n'arête pas le vent. on n'enferme pas le vent...
J'aimerais recopier les
poèmes, les apprendre par coeur, en lire d'autres....et lire les livres que Doucey a consacré à
Pablo Neruda, Lorca,
Max Jacob, Jara...A suivre...
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