AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Bruno Doucey (Autre)
EAN : 9782362293436
228 pages
Editions Bruno Doucey (07/01/2021)
4.25/5   14 notes
Résumé :
21 avril 1967, Athènes : des chars et des bruits de bottes, le coup d’état de la junte des colonels instaure une dictature militaire en Grèce. Les camps de concentration sont rouverts pour y jeter les opposants. Parmi eux le célèbre poète Yannis Ritsos.
Pendant ce temps à Paris, un jeune homme perd la trace de l’étudiante grecque dont il est amoureux. Plongé au cœur de la préparation d’un Livre noir de la dictature, Antoine prend conscience de l’horreur fas... >Voir plus
Que lire après Ne pleure pas sur la GrèceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Il est tellement important de ne pas oublier et surtout de rappeler ces événements terribles qui se sont produits en Europe, près de chez nous, en Grèce, il n'y a pas si longtemps, en 1967. Avec Ne pleure pas sur la Grèce, Bruno Doucey le fait en mettant d'abord l'accent sur la poésie sans négliger le tragique.
Avec un immense talent, Bruno Doucey fait donc revivre l'instauration d'une dictature, celle des Colonels, le 21 avril 1967. Il faudra attendre 1974 pour que cesse le cauchemar.
En quelques jours, des milliers de personnes sont arrêtées, emprisonnées, torturées, éliminées pour une part d'entre elles, parce qu'elles sont communistes, socialistes ou simplement favorables aux idées prônant la liberté, le partage des richesses et un égal accès pour tous à la culture.
Au même moment, à Paris, un jeune homme originaire de Lyon, Antoine, est recruté par Claude Durand, éditeur, pour travailler avec Aris Fakinos et Clément Lépides, à l'élaboration de ce qui sera le Livre noir de la dictature en Grèce.
Antoine est amoureux de Fotini qu'il a connue lors de vacances en Crète, l'année précédente. Elle lui a parlé de Yannis Ritsos (1909-1990), un poète dont elle étudie l'oeuvre. Avec ces éléments, plus un subtil lien avec tous ces réfugiés qui se retrouvent aujourd'hui sur l'île de Leros, au large des côtes turques, Bruno Doucey m'a captivé et sérieusement bouleversé en faisant partager le sort de ces hommes et de ces femmes brutalement arrêtés puis traités de façon ignoble.
Les gouvernements européens sont restés apathiques devant un tel déferlement bafouant tous les droits de l'Homme. L'OTAN n'avait pas réagi non plus. Tant d'hommes et de femmes ont souffert une fois de plus à cause d'une dictature militaire qui enferme, déporte sur des îles rocailleuses sans la moindre hygiène. Des vies sont brisées, d'immenses souffrances sont causées et les dégâts sont irréparables.
Pour ne pas sombrer totalement, il y a donc la poésie, même si papier et crayons sont confisqués. le texte est jalonné de vers signés Yannis Ritsos. L'auteur parle aussi de Mikis Théodorakis, le fameux compositeur de la musique de Zorba le Grec, lui aussi incarcéré, pour qui Yannis Ritsos va écrire « Dix-huit petites chansons de patrie amère. 1968. »
Antoine, parti en mission pour la Croix-Rouge internationale, parviendra-t-il à rencontrer Yannis Ritsos, retrouvera-t-il Fotini, son amoureuse ? Je laisse à chacun le plaisir ou la douleur de le découvrir.

Un petit peuple qui lutte
sans les sabres ni les balles
pour le pain du monde entier,
pour la lumière et la chanson. Yannis Ritsos

Prisons, pénitenciers, camps de détention, effrayante psychiatrie grecque, avec des touches pleines de force et de douceur, Bruno Doucey m'a plongé dans une atmosphère si douloureuse dont émergent heureusement les poèmes de Yannis Ritsos et de son ami Nâzim Hikmet, le poète turc.
C'est avec beaucoup d'émotion que je remercie Babelio (Masse Critique) et les éditions Bruno Doucey pour ce livre unique et tellement fort.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          12710
« Ce matin-là les enfants ont rendez-vous avec le vent »

Sur une petite île grecque, ils font ce que tous les enfants du monde font : ils explorent, avant que les années et les désillusions les fassent abandonner leur quête vagabonde. Et pourtant le voyage ne fut pas sans péril. Sur l'île, un bâtiment abandonné est le dernier rempart de l'aventure, mais faut-il s'y risquer ?

Flash-back : avril 1967, les militaires s'emparent du pouvoir à Athènes.

Le narrateur revient de Crête, séduit par l'île et surtout par une jolie crétoise férue de poésie. Pour son premier job à Paris, il est chargé de collecter des articles pour la revue de presse d'une maison d'édition. le tri très sélectif qui en résulte est remarqué par un de ses employeurs qui en soupçonne l'origine. Et qui l'envoie sur place avec un prétexte humanitaire, pour qu'il tente de retrouver sa belle qui a disparu après quelques messages laconiques.


C'est ainsi que l'auteur nous remet en mémoire les heures sombres et pas si lointaines qui ont vu la Grèce sombrer sous le joug d'une dictature immonde, alors que tout était prétexte à enfermer toute personne suspecte de s'acoquiner avec les gauchistes.

L'enquête menée nous entraine sur les traces de la belle mais aussi de son poète élu, Yannis Ritsos lui aussi prisonnier.

Très belle évocation historique doublée d'une histoire émouvante et portée par les mots du poète.
Commenter  J’apprécie          610
Ce roman nous replonge dans une période troublée de l'Histoire de la Grèce, celle de la dictature des colonels (1967-1974) qui commence par le coup d'état du 21 avril 1967 où une junte dirigée par le colonel Georgios Papadopoulos prend le pouvoir, supprime les libertés publiques et emprisonne dans des camps les opposants au nouveau régime.

Antoine est tombé amoureux d'une jeune étudiante crétoise l'été d'avant, Fotini. Par l'intermédiaire de l'éditeur Claude Durand pour lequel il travaille, il va faire la connaissance de deux intellectuels grecs réfugiés en France, Aris Fakinos et Clément Lepidis. de fil en aiguille, Antoine va se faire recruter par le CICR (le Comité International de la Croix-Rouge) pour participer à une mission chargée d'inspecter les camps de prisonniers de la junte grecque. Il espère ainsi retrouver la trace de Fotini dont il n'a plus de nouvelles depuis plusieurs mois et peut-être aussi celle du poète Yannis Ristos qu'on suppose être dans un camp situé sur une des îles du Dodécanèse, ce poète révolté que Fotini lui a fait connaître.

Ce roman est bien sûr un hommage au poète Yannis Ritsos dont plusieurs strophes jalonnent l'ouvrage. Je ne connaissais pas ce poète et je suis heureux de l'avoir découvert grâce à ce roman particulièrement émouvant.

La collection "Sur le fil" des Editions Bruno Doucey retrace des épisodes de la vie de poètes qui ont été confrontés à l'arbitraire, au totalitarisme, à la dictature. C'est le troisième ouvrage que je lis de cette collection et j'ai été à chaque fois emporté par ces fictions qui nous permettent de comprendre ces poètes mieux que ne le ferait une biographie. Ici c'est l'éditeur Bruno Doucey lui-même qui tient la plume – pour les 2 autres livres, il s'agissait d'Ysabelle Lacamp pour Robert Desnos et de Fabienne Jouhel pour Tristan Corbière – et j'ai été totalement conquis ! Je vous recommande chaudement ces ouvrages sous leur bizarre jaquette orange.
Commenter  J’apprécie          200
Vous avez sans doute reconnu le visage de Yannis Ritsos et peut être le poème qui donne le titre du livre

"Ne pleure pas sur la Grèce, quand elle est prête de fléchir avec le couteau sur l'os, avec la laisse sur la nuque,"


Si le poète emprisonné est le sujet du livre de Doucey  ce n'est ni une biographie, ni une étude littéraire mais un roman d'amour aux temps des colonels. 

Après un prologue mettant en scène des réfugiés yézidis débarquant sur l'île de Leros, le livre commence le 21 avril 1967, le jour du Coup d'état  des colonels.

Antoine arrive à Paris avec le projet de gagner un peu d'argent pour rejoindre son amoureuse, Fotini à Heraklion. Fotini, étudiante en littérature, a choisi Ritsos comme sujet d'étude. Antoine doit faire une revue de presse quotidienne.  Il consacre l'essentiel de ses recherches à la Grèce. Rapidement il perd le contact avec Fotini qu'il espère retrouver.

S'étant distingué par son dossier de presse grec, il rencontre des intellectuels grecs exilés à Paris : Clément Lépidis et Aris Fakinos qui publient un journal en exil et préparent le Livre noir de la Dictature en Grèce. A la suite de cette collaboration, Antoine intègre une délégation du CICR, la Croix Rouge, pour visiter les lieux de détention des prisonniers politiques. Il espère retrouver Fotini au cours de cette mission. 

Parallèlement, nous suivons Yannis Ritsos sur ses lieux de détention, sur l'île de Yaros - l'île du Diable -" un gros rocher battu par les vents. Pas d'arbres. Pas d'eau. Pas d'habitants". Ce n'est pas son premier emprisonnement , Ritsos est un vétéran qui sait gérer la condition de prisonnier. Mais surtout Yannis Ritsos est poète et sait s'évader par les mots :

"La valise serrée contre ses jambes, il avait laissé ses pensées prendre le large pour apaiser l'angoisse que faisait monter en lui la présence des militaires. pas un carnet dans sa valise, pas un crayon qu'on lui aurait immédiatement confisqué. Non mais des poèmes par centaines, dans la tête et dans le coeur, que personne ne parviendrait à lui enlever. Quelle chance après tout d'avoir choisi la poésie et non la peinture ou le piano! Dans les camps où on les jette, le peintre privé de ses toiles et de pigments vit un enfer, le musicien sans piano se voit  amputé de la meilleure part de lui-même, mais moi, poète sans stylo ni papier, de quoi me  prive-t-on que je ne puisse trouver en moi?"

Doucey évoque les interrogatoires, les cris, la douleur des prisonniers. On peut être incarcéré pour n'importe quoi, un disque de Théodorakis, même les cheveux longs ou les mini-jupes sont proscrits. L'écriture de Doucey est aussi poétique.  Des vers de Ritsos entrecoupent le récit. 

Ritsos est ensuite transféré dans le Dodécanèse, sur l'île de Leros où sont installés deux camps et un asile d'aliénés  
Malgré l'isolement, la maladie, la poésie ne quitte pas le poète. Il rêve de vaisseau-fantôme, il compare son sort à celui des malades internés à l'asile

Si je suis ici, se répète-t-il, c'est parce que mes poèmes ressemblent au pollen que transporte le vent. on brûle mes livres, on m'interdit d'écrire, on enferme mon corps dans une prison, on me retient loin des lieux où ma parole se fait entendre. mais cela n'empêchera pas ma poésie d'atteindre d'autres rivages. on n'arête pas le vent. on n'enferme pas le vent...

J'aimerais recopier les poèmes, les apprendre par coeur, en lire d'autres....et lire les livres que Doucey a consacré à Pablo Neruda, Lorca, Max Jacob, Jara...A suivre...
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
Commenter  J’apprécie          110
J'ai lu deux recueils de poésies des Editions Bruno Doucey et je voulais connaître cet éditeur qui est aussi écrivain. C'est chose faite. « Ne pleure pas sur la Grèce » est un roman de fiction qui revient sur une période troublée de l'histoire contemporaine de la Grèce, celle de la junte des Colonels (1967-1974). le roman s'ouvre est se ferme sur un camp de réfugiés syriens et irakiens sur une île grecque où se trouve une immense bâtisse condamnée. Des familles avec enfants survivent sous des tentes fournies par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Chaque matin, un vieux couple arrive dans une camionnette blanche avec de la nourriture et d'autres fournitures indispensables. Entre cette scène d'ouverture et celle de fermeture, Bruno Doucey raconte l'histoire d'Antoine, un jeune étudiant parisien tombé amoureux d'une étudiante grecque pendant un séjour dans ce pays qu'il a appris à aimer. Son nom est Fotini. Elle vit en Crète. Elle lui a fait découvrir son pays à travers les poèmes de Yannis Ristos, un grand poète grec. Antoine est à Paris lorsque le coup d'Etat des Colonels a lieu en avril 1967. Il rencontre à Paris des exilés grecs et participe avec eux au soutien du peuple grec. Yannis Ristos, figure emblématique de la résistance est interné dans un premier camp à Makronissos où il tombe malade. Soutenu par la communauté internationale, Yannis Ristos est rapidement transporté dans un hôpital d'Athènes pour des soins avant d'être renvoyé dans un camp sur l'île de Leros où se trouve un hôpital psychiatrique. Tous ces lieux vont devenir pour Antoine d'une importance particulière. Engagé par le Comité international de la Croix-Rouge, il part en mars 1963 afin d'inspecter les prisons grecques. Fotini a disparu. Antoine n'a plus de nouvelles depuis plusieurs mois. Son inquiétude est grande et pour se rapprocher de Fotini par la pensée et le coeur, Antoine espère rencontrer son poète préféré. Un poète dont elle connait la poésie par coeur.
C'est un très beau texte sur la Grèce et son peuple. Les inégalités mobilisent. A travers ce roman, Bruno Doucey exprime ses croyances et le rayonnement de l'héritage de la Grèce dans le monde occidental. L'histoire et la culture sont des ressources essentielles pour l'homme et la société. le titre est poétique.
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Si je suis ici, se répète-t-il, c’est parce que mes poèmes ressemblent au pollen que transporte le vent. On brûle mes livres, on m’interdit d’écrire, on enferme mon corps dans une prison, on me retient loin des lieux où ma parole se fait entendre, mais cela n’empêchera pas ma poésie d’atteindre d’autres rivages. On n’arrête pas le vent. Demain, lorsque la dictature tombera, comme tombe un fruit pourri de l’arbre, je serai à nouveau un homme libre… (pages 122-123)
Commenter  J’apprécie          471
Qu’ils s’estiment heureux de n’avoir pas été abattus comme des chiens pour entrave au bon fonctionnement de l’État. Le nouvel ordre grec leur offre une occasion unique de changer. Yaros n’est pas un bagne mais un camp de purification sociale.
Un lieu de dératisation de l’esprit.
Un centre de décoloration idéologique. (page 48)
Commenter  J’apprécie          280
Vivre traqué comme un bête, ah ça, non, jamais ! s’était dit le poète. La guérilla urbaine, l’action clandestine, il faut un tempérament pour cela, une santé de fer, une énergie de félin prêt à bondir pour sauver sa peau. Mais quand on a charge de famille, quand on écrit, quand la plume a remplacé le fusil, on évite les plans hasardeux qui pourraient mettre la vie des autres en danger. (page 78)
Commenter  J’apprécie          210
Ce qui avait sauvé Yannis Ritsos, cette nuit-là comme toutes les autres, c'était le chuchotement du poème dans la prison du cœur. Écrire, non, il ne pouvait en être question quand tant de bruits atroces venaient déchirer la nuit. Mais dire, murmurer, susurrer le poème comme une source susurre entre les herbes, le psalmodier avec une ferveur presque religieuse, laisser les mots emplir toutes les zones caverneuses de l'oreille et de l'âme, entendre claquer leurs voiles quand le vent fait avancer la frêle embarcation des mots, monter jusqu'aux étoiles et descendre au fond de la mer, trouver le coquillage de l'amnésie et le porter à son front, se souvenir de la bouche qui disait "Je t'aime", des mains qui remontent la couverture jusqu'à l'épaule endormie, percevoir encore la chemise fraîche d'un sourire qui ne s'entrouvre que pour soi, et puis trouver un apaisement dans la transparence mystérieuse des sons, en faire sa houle et son refuge, sa tempête et sa crique, ce port si petit que les caïques s'y tiennent à l'abri des vents - ah ! ça oui, il en était capable. Et rien alors ne pouvait réduire la digue que le long poème de sa vie avait édifiée, pierre à pierre, pour faire barrage aux déferlantes de la nuit.
Commenter  J’apprécie          60
On ne vous montrera que ce qu’on veut vous montrer. Vous n’aurez pas accès à tous les centres de détention. Vous ne serez libres ni de vos mouvements ni de vos paroles. Mais les inspections, même partielles, que vous effectuerez sur le terrain permettront peut-être d’adoucir la vie des détenus. Pragmatisme, engagement humanitaire et discipline, messieurs, voilà les maîtres mots de votre mission ! (page 138)
Commenter  J’apprécie          190

Videos de Bruno Doucey (187) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bruno Doucey
VLEEL 300 Rencontre littéraire avec Bruno Doucey, Indomptables, Éditions Emmanuelle Collas
autres livres classés : grèceVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (31) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1220 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..