J’ai baptisé le feuillage, les mains posées sur les perfections éphémères.
Journal de Belfort (1993-1994)
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Mots humides
Ô baiser manquant
Bras qui n’étreignent
Des barques loin du bord
Au ventre ceint de miel
Pour des scories de lune
Marécages
Aux yeux ouverts
Saules bougés d’un vent
Silencieux
Je me rappelle
Une marche au bord des bois voûtés
Avec au coeur une liberté
Des mains de fougères
Aux terminaisons ondoyantes.
‘Sur un sol insensé’, 1994.
à B. H.
Les mains demandaient d’être prises
Qui éclairaient, conscientes, plus que les mots
On eût dit qu’une neige
Embuait les paumes
Soulevait quelquefois un doute transparent
Les mains demandaient, au monde, d’être prises
À la voix déposée, au souffle qui maintient
Mais le temps ne les touchait pas
Qui les tenait ardentes près de nous.
‘Soleils courts’, 1991.
L’été nocturne
Dans les herbages jaunes de cet été
Te souviens-tu, nocturne était notre tristesse
Cet été-là, au baiser de la boue
Au chant furieux mêlé au rien
A ces palais de feuilles tombées irrévélées
Et c’est là que ta voix se posait, tremblant
Sous mille fleurs conquises des arbres éternels
S’émeuvent autour de toi ces fleurs qu’on dit sans nom
Mais les fleurs ont un nom mais ta voix s’y absente
Ces fleuves labourés de barques qui s’achèvent
Perdues merveilleusement sur l’écume étagée
Des accords se poursuivent en leur exil noir
Sur ces eaux si amères où je parle en ton nom.
J'ai pris tes mains de silencieux, et j'ai fermé ta corolle, j'ai louangé ton front secret.
'Journal de Belfort, 1993-94'
p. 171
Au commencement regard, mon amour j'aimais
La clarté, tiède éclose un matin à tes yeux,
Ma barque ivre de nuit malgré l'appel du port.
Étrangère, native des anges las, je navre les regards.
L’on me vêt de feuilles, de forêts, de virginalités.
Souvenez-vous qu'aux rives souveraines
Heurte le vent, enfants, heurte le vent.
extrait de DEHORS, AVEUGLEMENT
...
Et d'autres pas se perdent sur la mer
D'autres mains, doucement infinies
J'ai l'âge travesti des forêts, mais je danse.
L’alluvion
Au fer de ta métamorphose
Au pont d’acier de tes deux fleuves
Je t’ai nommée
La souveraine vive
Et je t’avais conviée
Parmi les nids
(L’oiseau de proie descend, calme et livide)
Parmi les nids et les gravats
Et les combes herbeuses
D’où venait que j’aimais l’ordre improbable de ton sang
Ta voix d’ivresse entre les feuilles
Et les feuillages de ton nom
J’ai aimé
J’ai vécu
Dans la circulation rêvée de ton passage
Et j’aimais que tes mains se répandent
Dans l’alluvion où l’autre preuve est la rosée.
Murailles
Perdue
Les mains cherchant l’extase sous une herbe
Se maintenaient plus belles que le matin où toi
Tu te cherchais encore et c’était les murailles
Qui enserraient ton nom, ta preuve, qui te chassaient
Montre-toi, anime-toi, précède l’aube
Je suis le feu, tu es la fin, toi qui m’écartes
Entrouvre le chemin de tes doigts délaissés
Sous la soie d’un soleil disque pur, dissipe-moi
Mais demeure au seuil défendu, je te rejoins
Car j’ai fait vœu
J’ai grand besoin d’une herbe dans les yeux
Et de ton nom pareil aux feuilles de mes mains
J’ai besoin de m’asseoir à ton pied défendu
D’un fruit qui rendrait ta bouche plus belle encore
Et de rire
Perdue
Sur un chemin du doigt des grilles sans retour.