Machinalement, j'ouvre la porte, sans me rappeler qui se trouve derrière, plus rien n'est naturel, tout est mécanique, je suis une chose sans nom, sans valeur, un corps sans tête, je n'apporte aux hommes que des souvenirs éphémères.
Machinalement, je me lève et m’éclipse à mon tour. Telle la comète, je fuis. Je la laisse seule, s’éteindre. Je traverse la pièce et recroquevillée sur son grand lit, en position foetale, je prends sur moi et l'espace d'un instant, je me contrôle. Je ne laisse rien paraître de mon désarroi, je me sens juste vide, vide de tous sentiments...
Tel un oisillon abandonné, j'attends que l'on me nourrisse, que l'on me pousse du nid, que l'on m'apprenne à voler. J'attends. Je suis celle qui attend, mais personne ne voit que dans cet appartement, il fait nuit pour toujours. On me répète que le temps soigne toutes les blessures, que seule la patience est le remède. J'écoute sans conviction. Avec le temps je me persuade.
Je le perds de seconde en seconde et lorsque ma voix retentit, lorsque je veux le ramener à la vie, la comète explose en éclats, me persécute, me projette hors de son univers. La pression m’oppresse. Durant quelque temps, je disparais, je m'éloigne, je m'éteins à mon tour, puis l'attraction terrestre nous ramène à ce dont on ne peut plus se passer, à notre présence.
Je suis debout, figée, je fixe ses mains, ses mains d'homme qui peuvent, d'un seul geste, tout construire ou bien tout détruire. Elles sont à la fois rêches et douces. J’admire ses mains qui ont dû, dans le passé, toucher tant de femmes, tant de corps, tant d'âmes. Ses mains fatiguées, ses mains exposées aux blessures, au temps, aux saisons.