Après des siècles de flammes
(Celui à qui ce livre est dédié)
Etirant ses pattes
Le chaton noir se roule sur le dos
Puis rebondit déjà, ce détail
Qu'il est dans le monde de toute son importance
OUVERTURE
Ouverte, la trappe
La petite danseuse sort sa tête
Avant,
l'ombre seule était son foyer
Un pied se risquait, tendu fort,
Une blancheur
Puis, revenu dans le noir, n'était plus
Avant, le passé était dans le passé
Elle étire un bras, l'autre, elle l'étire aussi
Et le premier encore
En se touchant la nuque
Il y a une boucle dans un carré
Le magicien n'agira plus
Elle se hisse, elle a le temps,
Devant son visage toutes les jambes
Qui passent sont les jambes des danseuses
Elle veut le faire
Traverser autant qu'elles l'obscurité
Si on les renversait, leurs pointes ne seraient
Qu'appels qui cherchent l'air, mais redressées
Un peu de lumière coule le long d'elles
Les pieds se tendent et les bras se balancent
Et trois se déplacent en tournant, calmes
Chacune rose des vents
La petite danseuse sort, couverte de craie
Se hissant
Par toutes les lignes de son corps pâle
Qu'un bruit tombe, qu'une forme de femme hurle
Se relève en robe immense d'autrefois
Le cou raidi sous la chevelure tordue
Que de cette femme on voie les cuisses, toutes froides
Ses mains remontant l'étoffe splendide en un tas sur son ventre
Pour arriver plus vite, frapper en pleurant quelque chose
Bouche immobile, la petite danseuse
Gonfle ses poumons de musique intérieure
Et passe, intangible
Devant la chanteuse malheureuse et folle
Repasse et continue
Hurlements, vieux rubans lancés loin
Ses mains ne sont pas fatiguées
Elle les fait tourner devant son visage
Aucune trace, ni devant ni plus bas
Ses coudes se plient et se déplient
Une boucle succède à une boucle
Des beaux torses silencieux
Elle sent le clair-obscur labyrinthe
Fait de corps vivants s'ouvrir
[IV. Avant le soir]
pp. 111-2
SUR L'OREILLER
Ne la voulant pas si près, ni qu'elle se blesse,
Je fais glisser une feuille sous ses pattes
Et vite, fenêtre ouverte,
Je lance l'araignée
Plutôt que mon visage, qu'elle aille saisir l'herbe
S'y accrochant, grimpant vite :
Il faut agir avant de s'étoiler
Et moi, si je ferme les yeux, si j'attends vraiment
Une main me versera-t-elle dans la prairie des endormis ?
J'ouvrirais mes mains et ma bouche bien mieux qu'en le voulant
Tant de petites blessures qui n'empêchent pas de vivre
Circuleraient toutes seules
Loin je n'en sais rien
Elles iraient
Un enfant près de sa mère, les yeux tournés vers la vitre,
Attend le départ du tram
Souvent je voudrais n'avoir rien d'autre à faire
Faire le silence, comme auprès d'un feu
Un seul sac pour eux deux
Pas bien rempli
Il bouge à peine, très sage,
Maman est très fatiguée
Il ne le dit pas, je le vois
C'est beau un visage
Quand la tristesse n'arrive pas à se poser
J’écris parce que je vais disparaître
C’était là,
Ma fille assise dans l’escalier, je la regarde entre les barreaux
Ne bouge pas
J’aime continuer
L’importance de se regarder
Sans doute
Le visage en veut un autre
Les tout petits, ne plus rien dire
Ainsi la nuit si j’entends le chat manger enfin,
Lui si maigre, je sais qu’il bouge son menton aux os fins
Il a besoin de manger, nous oubliant
Pendant que la nourriture craque entre ses dents
Les craquements, si on voulait, on saurait où c’est
Passer entre les barreaux, les frôler
Sans se faire peur
Surtout quand un animal tourne sa tête, hésite,
Puis retourne à son bol où il reste de la solitude