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Citations sur Quand la parole détruit (23)

La source du mal réside dans le fait de parler d'un homme « alors qu'il n'est pas présent ». Plus que la critique ou la moquerie, c'est la parole prononcée au sujet d'une personne en son absence qui retient l'attention. N'étant pas présente, elle n'est pas informée, ne peut répondre, se trouve en quelque sorte anéantie.
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Pensant que la médisance ou le mépris sont destinés juste à faire rire, ou sourire, un court instant, et qu'ensuite tout s'efface et se dissout. Ce n'est pas le cas. Parce que le mal chemine. De deux manières : au coeur de la personne atteinte, chez qui la souffrance peut s'accroitre et perdurer, et dans la collectivité, où ce qui a été dit une fois se répète et se multiplie. La dynamique de la parole toxique a donc deux faces : l'une interne à l'individu qu'elle touche, I'autre externe par sa diffusion sociale. C'est ainsi que sa nocivité s'intensifie. Avec le temps, la meurtrissure intime et le partage collectif s'approfondissent. La blessure finit par saigner, les injures se transforment en coups. Les mots ne tuent pas seulement comme des couteaux ou des balles. subitement. lIs peuvent faire mourir comme des virus, multipliant leurs effets dans un corps, se répandant dans une population, finissant provoquer des hécatombes. Génocides, massacres de masse, épurations ethniques sont des effets de la parole toxique, parvenue à sa destructivité ultime.
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Certe dimension imaginaire est d'une tout autre nature que I'utilitaire, la communication pratique. La parole ouvre à des idées, notions et représentations qui mettent en jeu une création sans fin. Mythologies, poésies, littératures et sciences en découlent. Tout l'univers humain - cultures, religions, savoirs et politiques- est rendu possible par les glissements progressifs des notions, dont aucune jamais n'est rivée une fois pour toutes à un usage unique. En ce sens, la parole est créatrice et non descriptive. Elle ne se contente pas de dire le monde. Elle crée des multitudes de mondes. Elle ne décalque pas la réalité, immuable et unique, elle en produit sans cesse de nouvelles. Pour le meilleur comme pour le pire.
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Savoir qui parle, pouvoir répondre, et que chacun reprenne conscience du poids de ses paroles, voilà des axes généraux, simples à formuler, à retenir. Les détailler est moins rapide, les mettre en œuvre plus ardu.
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Au commencement et à la fin, les autres
Les trois pistes ici esquissées n'ont en fait qu'un unique point de départ et d'arrivée. C'est les autres, leur présence et leur parole. L'économie de la parole est une économie circulaire. Si on l'oublie, on parle tout seul, donc on ne parle plus. La responsabilité personnelle des paroles n'a d'existence qu'envers les autres, par et pour les autres. Les décisions que je prends de parler ou de me taire, d'user de certains mots et d'en bannir d'autres, d'adopter telle attitude ou tel ton, n'ont de sens que par rapport aux autres. Un être « parlant» est, en fait, par essence, « parlant aux autres » -et non à lui-même, ni au néant. Il répond aux autres et répond d'eux. Ne plus le savoir revient à s'exposer à la disparition de soi-même, dans la solitude hallucinée et la toute- puissance fantasmagorique, et à provoquer éventuellement la disparition réelle des autres après les avoir effacés symboliquement de l'espace des échanges. L'équilibre entre émotions et raison, lui aussi, part des autres et y conduit.
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Piste 3. Réinventer des formes et des silences

[... ] Parmi les premières choses que l'on apprend à l'école: tout le monde ne peut parler en même temps, attendre son tour est indispensable, ne pas interrompre les autres est nécessaire. II ne serait pas superflu que des équivalents de ces règles soient imaginés pour les réseaux sociaux, et appliqués à grande échelle. L'attention accordée à l'importance et au respect des tours de parole, comme autant de codes sociaux qui structurent nos interlocutions, pourrait être une indication.
[... ]
Et, surtout, qu'on réapprenne à se taire ! Car la parole est par définition discontinue, comme l'écriture a besoin de blancs et d'espaces pour se constituer. Parler tout le temps n'est pas parler. Il est aussi important de savoir quand et comment s'abstenir que de trouver quoi dire au bon moment. L'un ne va pas sans l'autre. L'économie de la parole est aussi une économie du silence. Toutes les traditions l'ont su. Nous l'avons oublié.
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Piste 2. Rééquilibrer la relation émotions-raison
[... ]
Entre parole émotive et parole rationnelle, il ne s'agit pas de choisir. Il faut plutôt sans cesse s'efforcer de les équilibrer : enrichir l'apport de l'une par la force de l'autre, compenser les inconvénients par les vertus sur chaque versant. Ce mouvement est permanent, jamais figé. Lui seul permet à la parole de demeurer sensible et vivante sans être dominatrice, et de garder raison sans se dessécher. Or cette économie souhaitable est fort éloignée de ce qu'on observe à présent.
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Piste 1. Réendosser la responsabilité personnelle de ses paroles
Toute parole a des conséquences. Elle construit ou détruit. Elle n'est jamais sans aucune importance, aucun poids, aucun effet. Presque toutes les traditions du monde I'affirment. Nous l'avons presque oublié, nous n'y pensons plus. Si nous commencions à garder de nouveau cette vérité en tête, nous commencerions peut-être à changer d'attitude, à parler différemment - au sens où nous aurions repris conscience de la richesse de ce patrimoine et de notre responsabilité d'être parlant à son égard.
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La stratégie woke consiste alors à réinvoquer des oppressions historiques, à traquer des injustices encore inaperçues, pour imposer sa parole au nom de victimes jusque-là maintenues dans l'ombre. C'est d'ailleurs pourquoi les collectifs woke se constituent uniquement autour de choix sexuels identiques, d'appartenances ethniques identitaires, de singularités physiques ou psychiques similaires. Ce faisant, ils se retrouvent paradoxalement exposés à l'engrenage, à la fatalité, d'une segmentation infinie. Car la moindre différence peut toujours susciter des risques potentiels de domination et de préséance, donc de tensions et de désunions. Au sein de ces groupes, les individus ne parlent pas véritablement les uns aux autres, mais pensent s'exprimer d'une seule voix, comme un « groupe-individu ». Au jeu des sommations identitaires, I'individu finit par se perdre.
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« Ne pas pouvoir se dérober, voilà le Moi », disait Levinas. En réalité, le moi n'existe et n'est assuré que si on ne se dérobe ni au corps, ni aux autres, ni au collectif, ni à sa propre responsabilité à l'égard de tout cela, une responsabilité qui se décline à travers une parole endossée et canalisée. Il se pourrait donc bien que nous arrivions au bord de cette étrangeté, où le sentiment de soi se dérobe à travers cet ultime délestage, subi ou attisé : le délestage de soi. En se combinant, les délestages successifs que nous avons évoqués conduisent à une série de séparations considérées comme aliénantes. Car d'une séparation à l'autre, l'ancrage corporel distendu, la réalité des autres larguée, le souci réel du collectif estompé, les repères spatiaux et temporels brouillés, que reste-t-il, sur quoi venir buter, pour construire sa propre réalite, son existence à soi? Rien à quoi se heurter pour se construire.
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