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349 pages
Hetzel J. et Cie (01/06/1867)
4.5/5   1 notes
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Après le succès international de « Monsieur, Madame Et Bébé », Gustave Droz publia un second recueil de nouvelles, « Entre Nous », probable collage de nouvelles éparses, laissées de côté lors de la conception du précédent recueil et peut être réécrites partiellement ou agrémentées de quelques nouveaux textes. Fort logiquement, la qualité en est un peu inférieure, encore que Gustave Droz a su conserver pour la toute fin du livre ses récits les plus quelconques. de ce fait, ce second recueil ne souffre pas trop de la comparaison avec le premier. Si on retrouve certains thèmes déjà abordés dans « Monsieur, Madame Et Bébé », il y a aussi quelques récits d'un style et d'une portée très différents.
« Entre Nous », de par son titre, induit l'idée de confession, moins religieuse que psychologique, voire un peu coquine. Toutefois, il n'y a pas dans ce recueil de classements par thèmes, pas de fil conducteur sinon une vague complaisance dans l'étalement public de détails intimes, ce que l'on trouvait cependant déjà dans « Monsieur, Madame et Bébé ».
Le recueil s'ouvre néanmoins avec « L'Omelette », qui compte parmi les récits les plus émouvants de Gustave Droz. Cette histoire fort triste raconte un souvenir de l'auteur avec sa femme, tous deux perdus dans la campagne et sauvés d'une pluie battante par un couple de métayers chez qui ils mangent une délicieuse omelette que l'épouse tient à préparer à elle-même. Hélas, depuis ce souvenir, celle délicieuse épouse est morte, et son inconsolable veuf, éploré, refait sans elle les différentes promenades jadis tendres et partagées, et il revient, tristement, dans les parages de la ferme des métayers. Cependant, l'auteur se contente de regarder ses anciens hôtes de loin, car s'il va les saluer, ils vont forcément lui demander "La petite dame n'est pas avec vous ?", ce qui le ramènera à sa tragédie personnelle. Il sent qu'il vaut mieux préserver la pureté du souvenir, éviter de porter à ces gens cordiaux et généreux la nouvelle d'un drame qui va changer à leurs yeux la nature du souvenir qu'eux-mêmes gardent de cette rencontre. Et puis, parce qu'elle est vivante dans le souvenir de ces gens, l'auteur a sans doute l'impression que sa femme n'est pas totalement morte.
Ce récit, qui ouvre le recueil, est d'une intensité mélancolique qui, heureusement, ne dure pas. Néanmoins, c'est un texte bouleversant, et qui témoigne d'autant plus du talent mésestimé de Gustave Droz que celui-ci, à priori, n'a jamais été veuf, et qu'il s'agit donc d'une fiction.
« Vent du Soir » fait partie des textes qui furent reprochés à l'auteur, quant à sa dignité littéraire. Comme on le devine, il est bien question d'une flatulence lâchée au plus mauvais moment, en l'occurrence par une jeune fille qui interprète une romance au piano pour un groupe d'invités. Evidemment, bien que la jeune femme, rouge de honte, tente de continuer sa chanson comme si de rien n'était, une discrète hilarité s'empare de la plupart des invités, qui parviennent plus ou moins à garder bonne contenance. Quelques minutes plus tard, l'un d'eux aborde le narrateur, jeune soupirant malheureux de la pianiste, en commentant ironiquement l'incident comme le "vent du soir" qui souffle un peu trop fort. Moins ému par la flatulence que par l'humiliation subie par la jeune femme, le narrateur injurie l'invité, et le provoque en duel. Au cours de ce duel, le jeune soupirant est grièvement blessé par son adversaire, mais il a néanmoins conquis le coeur de sa belle en risquant sa vie pour défendre l'honneur d'un pet.
Ce type de sujet graveleux n'était pas si rare au XIXème siècle - le Second Empire n'était pas regardant sur ces choses-là, contrairement à la Monarchie - mais ces sujets étaient plus souvent abordés par des auteurs populaires. Or, Gustave Droz avait des ambitions littéraires plus hautes, et ses pairs jugeaient que c'était le genre de fange dans laquelle un auteur de littérature ne devait pas se rouler. S'il ne s'est jamais expliqué sur ce sujet, Gustave Droz devait néanmoins juger qu'un bon écrivain doit pouvoir écrire sur tout avec le même raffinement. Il y a d'ailleurs une certaine part expérimentale dans son travail, non sur l'écriture elle-même, mais sur le caractère insolite de ses récits. Ainsi, un peu plus loin, « Mon Nouvel Ami » narre l'aventure d'un peintre du dimanche, venu tester son talent devant un étang où barbotent des canards, qu'il reproduit finement sur sa toile, quand soudain l'un d'eux, poussant la hardiesse jusqu'à venir examiner le tableau, et qui déclare : "Vous êtes loin de la nature, mon cher monsieur !".
Et ce miraculeux canard parlant d'expliquer au peintre toute la richesse et l'intensité de la vie d'un canard. Car oui, ce canard parle bien et sagement :
- "Je cause peu d'ordinaire, et la conversation m'altère beaucoup, mais je ne peux boire en cet endroit sans une émotion profonde. C'est là, de cette pierre, que je pris ma volée (mon envol) pour la première fois". Et le peintre écoute cette nostalgie intime de son nouvel ami emplumé, débouchant vite sur une théorie suprémaciste du canard sur l'homme.
Ce type de récit fut aussi jugé farfelu, et pourtant, au final, Droz n'a fait que moderniser le principe de la fable, tout en lui insufflant une ironie plus mordante. Car Droz aime faire rire, il ne voit pas là ce qu'il peut y avoir d'incompatible avec la littérature. Il a parfois raison, et parfois pas : l'humour vieillit très mal, surtout quand il n'est pas grinçant. Et curieusement, en dépit de son goût prononcé pour des sujets licencieux ou insolents, Gustave Droz est un bon vivant, dont l'humour n'a rien de véritablement subversif. C'est surtout la manière souvent décalée dont il l'introduit qui a laissé dubitatif ses collègues hommes de lettres, qui n'ont voulu y voir qu'une absurdité moqueuse et sournoise. Mais le style de Gustave Droz se nourrissait ouvertement de ces prémisses gentillets du dadaïsme. Bien qu'il parle souvent de gens ordinaires, Gustave Droz les place dans des situations surréalistes, et dont l'ironie naît de cette rupture avec la réalité. Mais il s'agit bien là d'une démarche artistique, et non pas d'une maladresse d'amateur. Sans doute que s'il avait fait carrière au XXème siècle, Gustave Droz eût bénéficié d'une plus grande reconnaissance comme écrivain.
Dernière grande nouvelle de ce recueil, « Une Amie de Pension » est un petit chef d'oeuvre de cynisme. Il s'agit d'un récit épistolaire, entre deux adolescentes amies de pensions, Blanche et Anna. On ne lira ici que les lettres de Blanche, aimable fofolle, qui conte avec beaucoup d'impudeur et de frivolités son rapprochement avec un colonel issu de la noblesse. Ces lettres de 1859 s'achèvent sur une dernière lettre très sèche de 1863 ou Blanche, en vouvoyant celle qu'elle tutoyait par le passé, répond froidement qu'elle ne peut donner suite à sa demande d'une place d'institutrice. Devenue baronne et femme, Blanche traîte avec une condescendance hautaine celle qui fut si longtemps sa confidente de coeur.
L'essentiel des autres nouvelles traite de la vie intime de la bourgeoisie de province, des aigreurs et des hypocrisies qui y évoluent, et aussi souvent des incompatibilités des couples qui, dans l'intimité, ne peuvent se faire illusion à eux-mêmes, quand bien même ils y parviennent aux yeux de leur entourage. Si certains de ses récits valent véritablement le détour, le portrait de cette bourgeoisie d'un autre âge ne nous évoque plus grand chose. D'autant plus que Gustave Droz n'est pas un écrivain politique, qui fustige une classe sociale en particulier. Lui-même appartient à la bourgeoisie parisienne -, mais se réclame d'une bourgeoisie conviviale, qui accepte de partager une bouteille et une conversation avec n'importe quel interlocuteur sympathique. Comme bien d'autres écrivains du Second Empire - et même de la IIIème République -, Gustave Droz fustige surtout le snobisme de certains de ses pairs, les ambitions aristocratiques de parvenus qui courent après les achats de particules ou les fréquentations royales, et ne songent qu'à s'élever davantage en mariant leur progéniture à des comtes ou des barons.
Tout cet aspect-là du recueil est singulièrement dépassé, et trop généraliste, trop farce, pour avoir même un intérêt sociologique ou historique. Néanmoins, Gustave Droz reste un conteur sympathique et convivial, que l'on suit volontiers dans ses promenades littéraires les moins palpitantes. L'auteur fait cependant de son mieux, et on le croit sans peine. Gustave Droz désire clairement, avec une foncière honnêteté, faire passer un bon moment à ses lecteurs, et il faut reconnaître qu'il y arrive assez souvent. de plus, « Entre Nous » ne possède pas le caractère initiatique, ni la préoccupation homélique de « Monsieur, Madame et Bébé ». Il s'agit simplement d'un recueil de 21 petits récits, écrits sous différentes impulsions et humeurs, et qui sont autant de facettes du talent de Gustave Droz, avant tout soucieux de présenter un large panel de son travail. L'homme s'efface ici devant l'écrivain qui veut juste démontrer que le succès de « Monsieur, Madame Et Bébé » ne lui a pas tourné la tête, et qu'il n'a d'autre ambition que de distraire à nouveau ceux qu'il a déjà précédemment distraits.
Sur le plan commercial, si « Entre Nous » n'a pas connu le même succès que « Monsieur, Madame et Bébé », il fut quand même réimprimé près d'une trentaine de fois, ce qui implique des ventes tout à fait honorables, du moins en France. Hélas, si « Monsieur, Madame et Bébé » dût beaucoup de sa postérité à son portrait des moeurs amoureuses sous le Second Empire, « Entre Nous » est un ouvrage moins instructif, malgré quelques portraits intéressants de métayers, de paysans et de bourgeois de province. Il est probable que s'acceptant comme un auteur désormais lu dans plusieurs pays du monde, Gustave Droz a plus volontiers signé des récits moins contextuels, moins centrés sur les moeurs françaises. La plupart des récits pourraient se situer dans n'importe quel pays d'Europe. Ce décor flou ajoute beaucoup à la superficialité apparente de certains récits, et ne nous apporte plus d'éléments détaillés sur la société française. Mais il est probable que Gustave Droz lui-même ne croyait pas en une lointaine postérité, surtout pour des récits qui avaient déjà quelques années au moment où il les a réunis en volume.
On appréciera donc d'autant mieux ce recueil si l'on est préparé à ne pas en attendre des révélations cruciales. Cet « Entre Nous » n'est pas un entre-soi, il est au contraire destiné à tous, avec l'idée que chacun y picorera ce qu'il aime. Et il est quand même assez inimaginable de refermer ce recueil sans pouvoir se dire qu'il y a au moins trois ou quatre récits dont on gardera un souvenir ému ou celui d'une aimable plaisanterie. Gustave Droz, je crois, n'en demandait pas plus, et serait sans doute heureux de savoir que 150 ans plus tard, son canard parlant et ses quelques autres fantaisies continuent à faire naître le sourire sur des visages de lecteurs nostalgiques.
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