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Albin Michel (01/01/1900)
3.67/5   3 notes
Résumé :
1 vol. (338 p.) ; in-8
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Véritable best-seller des années 1870, traduit en cinq ou six langues, "Monsieur, Madame Et Bébé" est une oeuvre essentielle du XIXème siècle, quoique plus pour des raisons historiques que littéraires.
Rejeton d'une famille d'artistes, Gustave Droz fut d'abord peintre, un peintre étonnamment peu académique à une période où la peinture l'était encore beaucoup, et qui affectionnait les scènes de genre avec quelquefois des détails assez humoristiques. Homme heureux, vertueux mais bon vivant, époux modèle et père d'une famille nombreuse, Gustave Droz était un homme plutôt conformiste, quoique d'une nature tout à fait conciliante et conviviale. Sa personnalité ressemble sur bien des points à celles de Jean-Charles, le grand collecteur des "perles de cancre" qui connût un succès presque comparable un siècle plus tard.
"Monsieur, Madame Et Bébé" n'avait rien au départ pour être un grand succès littéraire. Ce n'est même pas à proprement parler un vrai livre, juste une anthologie de petites saynètes ou de petits contes sur la vie quotidienne, déjà publiés dans divers journaux durant les années 1850-1860. Tout le génie de Gustave Droz fut de classer ces petites scènes selon l'ordre chronologique des étapes de la vie qu'elles abordent, afin d'en faire les différents chapitres d'une démonstration élogieuse au sujet du couple et de la famille, non sans toutefois se livrer à des réflexions très audacieuses pour l'époque sur une certaine libération sexuelle, spécifiquement pour les femmes.
"Monsieur, Madame Et Bébé" a aussi contribué à démocratiser le mot "bébé ", qui existait avant dans le langage courant mais était considéré comme relevant de ce vocabulaire charmant mais débilitant que l'on utilise envers les enfants en bas-âge, mais qu'il était hors de question de faire entrer en littérature. Gustave Droz l'y a pourtant gravé au burin avec un naturel parfait.
Gustave Droz a divisé son recueil en trois parties, rassemblant chacune une douzaine de petits récits indépendants les uns des autres, quoique certains personnages soient communs à plusieurs récits. La première partie, sans titre, évoque l'enfance, l'adolescence, les premiers émois sentimentaux ou charnels, et les premiers flirts. La seconde partie, "En Ménage", aborde des anecdotes de mariage, les premiers mois de la vie de couple, puis des saynètes ou des dialogues montrant des couples plus vraiment amoureux, mais partageant encore une tendre complicité. La dernière partie, "En Famille" s'attarde sur la naissance du premier enfant, et de tout ce que cela bouleverse dans les âmes et dans les habitudes du couple.
Gustave Droz a su, avec une grande habileté, harmoniser ses récits, de manière à ce qu'ils tendent vers une sorte d'état des lieux de la vie sentimentale tout au long de l'existence, avec bonhomie mais sans éviter certaine âpretés de la réalité. Cette rigueur et ce souci de démonstration sont pour beaucoup dans l'intérêt que suscite encore ce volume.
En effet, Gustave Droz se veut un homme qui écrit pour les femmes (la préface est intitulée "A ma lectrice"), et il tient à la fois à leur prouver qu'il comprend leurs points de vue, qu'il partage leur sensibilité mais que ceux de l'homme se défendent aussi, et il explique longuement pourquoi et comment. Ses récits sont d'une inspiration inégale, quoique d'une grande variété dans les formes narratives ce qui ôte toute monotonie, mais chacun de ses récits apporte, à sa manière, une pièce au puzzle qui, petit à petit, se dessine sous nos yeux.
L'un de ses contes est fort audacieux, "Conférence d'Introduction". Il s'agit effectivement du texte imaginaire d'une conférence tenue par un prêtre à ses paraoissiennes, mais dans un esprit très éloigné du sermon de base : Gustave Droz, sous cet apparât visible de prélat progressiste, y défend l'idée qu'un bon mariage est avant tout un mariage sensuel, et que l'incompatibilité au lit est le seul véritable obstacle au bonheur du couple. Certes, l'homme est certainement coupable de bien trop penser à la chose, mais les femmes sont pareillement coupables de ne pas y penser suffisamment, et aussi de trop chercher des extases désincarnées fort illusoires au sein de la pratique religieuse. le Père Droz est formel : l'homme va voir ailleurs seulement parce qu'il n'y a pas chez lui ce qu'il lui faut. C'est donc aux femmes de retenir leurs maris volages grâce à ces appas donnés par Dieu à la seule fin que nous en fassions usage.
Alors évidemment, le débat est quelque peu dépassé, encore que l'incompatibilité sexuelle entre hommes et femmes reste un problème qui, désormais, va bien au-delà des liens du mariage. Mais il faut être conscient que tenir en 1866 de tels propos, et les placer en plus dans la bouche d'un homme d'église, c'était tout de même d'une singulière audace. D'ailleurs, le sujet revient ponctuellement tout au long du recueil, avec une certaine subtilité, car Gustave Droz sait faire de son invitation à la licence une simple question de bon sens. Il n'est pas question pour lui de combattre les valeurs morales chrétiennes. Bien au contraire, il les exulte. Mais d'autre part, il estime que rien de ce qui relève de l'intimité entre un mari et sa femme ne saurait être condamnable, puisque précisément l'union est consacrée par Dieu et le devoir conjugal chaudement recommandé par les Saintes-Ecritures. Il y a selon Droz un temps pour tout : un temps pour la messe, un autre pour la fesse, et bien des femmes selon lui sont victimes d'un a priori sur le sexe qui leur ôte beaucoup de joie.
Un autre exemple en est donné avec l'un des meilleurs récits de ce recueil, "Le Cahier Bleu", récit d'une jeune épouse qui s'apprête à vivre sa nuit de noces. En ce temps-là, on n'osait pas s'appesantir sur des détails pourtant cruciaux : une jeune épouse arrivait au mariage sans trop savoir ce qu'un homme et une femme sont censés faire dans un lit. Au sortir du dîner d'un mariage un peu trop arrosé, des cousines, des tantes, entourent la jeune mariée, et en la regardant de manière vaporeuse, avec le sentiment de supériorité de celles qui savent sur celle qui ne sait pas encore, se répandent en allusions grivoises, en félicitations ironiques, en complicités sybillines, et la jeune mariée comprend qu'une dernière épreuve l'attend, une épreuve au cours de laquelle elle pourrait être humiliée. Mais de quoi s'agit-il ? Pourquoi ne lui en a-t-on pas parlé avant ?... Sa propre mère, si elle n'est pas moqueuse, ne l'abandonne qu'après lui avoir dit, avec le visage grave et affligé d'une femme qui sait que sa fille ne sera plus une enfant d'ici quelques heures, de faire tout ce que son mari lui demandera, quoi qu'il lui en coûte. On devine donc avec quelle anxiété cette jeune femme, qui se faisait une joie de dormir enfin avec l'homme qu'elle aime, attend désormais que son mari rejoigne le lit, comme s'il était soudain devenu un ennemi qui cachait un poignard. L'étreinte d'abord la terrifie, et puis écoutant son corps, celui-ci lui sussurre que tout va bien, que tout va même très bien, et avec le plus grand soulagement, elle s'abandonne au ravissement de sa chair...
Là aussi, on peut juger que nous sommes loin des moeurs rigides de ce temps-là, et qu'une jeune femme arrive désormais au mariage fort bien informée de ce qu'il implique, et en ayant même beaucoup d'avance sur ces leçons. Mais outre que Gustave Droz dépeint avec beaucoup de subtilité, d'intelligence ce moment de vie, avec une connaissance précieuse et enamourée de l'esprit féminin, on comprend aussi aisément en lisant cette nouvelle à quel point la peur que certaines femmes ont des hommes ou de la sexualité est toujours un peu induite par d'autres femmes, souvent amères, jalouses ou insatisfaites. Cela, hélas, n'a pas beaucoup changé.
Si l'harmonie sexuelle est un élément important de ce recueil, et qui l'empêche de paraître aujourd'hui trop moisi ou trop paroissial, il y a heureusement bien d'autres thèmes qui font de "Monsieur, Madame Et Bébé" un véritable tutoriel, comme l'on dirait aujourd'hui, pour affronter tout ce que la vie de couple réserve comme contrariétés, mais aussi comme bonheurs simples et essentiels à côté desquels il ne faut pas passer.
Bien que son style soit volontiers onctueux, positif, caressant, Gustave Droz n'est pas précisément un romantique : si la fièvre amoureuse des premiers temps est une joie saine qu'il faut vivre pleinement (décrite dans le très touchant "Encore le Cahier Bleu" qui fait suite au précédent récit), l'amour fou, selon Droz, ne saurait résister au temps qui passe et à la force de l'habitude, spécifiquement là aussi en ce XIXème siècle qui manquait singulièrement de divertissements. Mais ce qui demeure entre un homme et une femme unis depuis vingt ou trente ans, et qui relève plus de la tendresse, de la complicité ou même de l'amitié, n'est cependant pas à négliger et fait pleinement partie du bonheur de la vie de couple, même lorsque le coeur ou la chair ne sont plus frémissants. La deuxième partie du recueil, "En Ménage", en ce sens, est vraiment la plus réussie et la plus émouvante.
Lorsque l'enfant parait, les choses évidemment se compliquent, puisque d'un binôme, on passe à un bien étrange trio, et qu'en ce siècle où la mortalité infantile était très importante, un enfant était à la fois le membre le plus important de la famille et un petit être fragile auquel il ne faut pas trop s'attacher durant ses premières années de vie, car elles peut lui être ôtée à tout moment. Un des récits dissèque avec un réalisme assez franc cette tragédie alors fort répandue qu'était la mort d'un enfant, frappé par une maladie incompréhensible et venue de nulle part, qui fait dépérir lentement le bébé, quels que soient les soins du médecin qui, bien souvent, s'en remet surtout à la résistance naturelle de l'enfant. "Il Aurait Quarante Ans", dont je déconseille aujourd'hui encore la lecture aux âmes sensibles, narre toutes les étapes non seulement de l'agonie de l'enfant, mais de ce chagrin épouvantable et inexprimable que les parents traînent une vie durant, qui se manifestent par le fétichisme de jouets, de vêtements que par superstition on n'a pas donné à ses autres enfants, par les anniversaires du petit défunt que l'on continue à part soi de marquer, en se disant qu'aujourd'hui, s'il n'était pas mort, il aurait vingt ans, trente ans, quarante ans... le chagrin causé par la mort d'un enfant était d'autant plus terrible qu'il s'agissait là d'un évènement très répandu : une infection virale aujourd'hui disparue, appelée le "croup", apparentée à la diphtérie, fit d'épouvantables ravages dans des centaines de milliers de berceaux français au XIXème siècle, avant d'être éradiquée par la vaccination en 1895. Avant cela, perdre un enfant était un drame profond mais courant, contre lequel on ne pouvait rien, sauf y voir la volonté divine, qu'il n'y avait pas lieu de remettre en question. Gustave Droz, sans surprise, incite à la fois à la résignation et à l'entretien du souvenir, avec un détachement qui, fatalement, nous apparait un peu odieux aujourd'hui, mais qui était la sagesse même face à une fatalité qui n'autorisait même pas l'éventualité d'un traitement ou d'une hospitalisation.
Cependant, s'il évoque sans filtre ces moments tragiques, Gustave Droz n'en est pas moins dythirambique sur les joies de l'enfantement, et sur les angoisses et les plaisirs d'être père. Un sujet rarement abordé en littérature, même si Gustave Droz y exprime une certaine fatuité là aussi très contextuelle, car au XIXème siècle, l'enfant était la propriété stricte et exclusive de ses parents jusqu'à sa majorité : il n'était pas question de "teenage culture" ou de bandes de copains. L'adolescent ne sortait du cercle de famille que pour fonder à son tour une nouvelle famille. En ce sens, et c'est là le message de Gustave Droz, la famille est à la base de tout, la société elle-même ne pourrait exister sans que le peuple ne soit structuré en familles, et fonder une famille heureuse, être bon et attentionné pour sa femme et ses enfants, ce devait être la préoccupation première de tout homme, attendu que malgré cela, ce n'était pas si facile qu'on pouvait se l'imaginer.
Le succès phénoménal de "Monsieur, Madame Et Bébé", qui permit même à Gustave Droz de s'acheter le Château de Guyon, s'explique en partie par cette alternance de morale conservatrice et d'audaces philosophiques et sociales, qui condensait, en un volume exhaustif aux allures de guide amoureux, des préoccupations essentielles et des questionnements modernes. Ce livre fut publié en 1866, soit quatre ans avant la chute du Second Empire, et il apparut durant les décennies qui suivirent comme une sorte de phare dans la tempête de l'Histoire, mais aussi comme une sorte d'album souvenir de la société bourgeoise sous Napoléon III. Tout cela fit qu'il y eu plus de 160 réimpressions de ce livre jusqu'au début du XXème siècle.
Le grand succès commercial que connût Gustave Droz lui valut l'hostilité farouche de toute la scène littéraire, à l'exception de Jules Claretie qui lui conserva une amitié profonde jusqu'à sa mort.
Longtemps décrié, y compris par Emile Zola, célèbre pour avoir qualifié l'oeuvre de Droz de "merde à la vanille", Gustave Droz n'était peut-être pas un immense écrivain, il ne cherchait probablement même pas à l'être, mais il est cependant meilleur que ce que l'on a coutume d'en dire. Sur bien des points, cette volonté de décrire avec une complaisance attendrie mais réaliste les petits faits du quotidien, annonçait une certaine littérature du XXème siècle, et a mieux vieilli que bien d'autres oeuvres prétendues cruciales à leur publication. Gustave Droz est certes un auteur aimable, soucieux de ne pas brutaliser ses lectrices, mais son style ne manque pas de précision, de détail, d'un sens de la description bien amené et d'une très grande acuité de la sensibilité féminine. Aux yeux de Zola, Droz avait surtout le tort de ne s'intéresser qu'à la bourgeoisie et de représenter l'insouciance positive du Second Empire. Avec le temps, "Monsieur, Madame Et Bébé" s'est inscrit comme un excellent témoignage sur la psychologie de son époque, et qui retranscrit fort bien les valeurs, les joies et les peines sous Napoléon III. Son message s'est fatalement un peu dilué dans le temps, il nous fait volontiers sourire par sa naïveté mais cela ne veut pas dire non plus qu'il est dépourvu d'intérêt. Certains arguments se défendent, d'autres n'ont plus aucune pertinence, d'autres encore sont à l'opposé des valeurs de notre siècle, mais dans l'ensemble il y a bien des choses à apprendre et bien des connaissances à picorer dans ce tutoriel du coeur et de ses raisons, imaginé par un homme heureux et épanoui, désireux de partager ses émotions et son expérience. Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce livre, peut-être plus comme un voyage dans le temps que comme un guide sentimental, mais l'émotion et la catharsis par delà les siècles étaient tout de même bien présents, à suffisamment de reprises pour que je ne me sente jamais vraiment un étranger face à ces lointains ancêtres.
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L'auteur place au coeur de ses nouvelles façon « scènes de la vie quotidienne » quelques jolies formules accrochantes qui réveillent l'esprit.
Il faut être attentif pour dénicher ces petites merveilles car les nouvelles (hormis quelques unes) n'ont aucuns intérêts, au mieux ce n'est pas désagréable à lire.
C'est tellement niais qu'on se demande si c'est une caricature. A supposer que ce soit réellement une caricature, ce n'est même pas drôle, donc à mon sens c'est un peu raté des deux côtés.
- Qu'est ce que les périls de la vie d'un jeune garçon sortant d'une éducation catholique ? Oh mais c'est de voir une marquise en tenue de bain légère dont la démarche excessivement coquette provoque l'évanouissement du jeune garçon, boulversé de ces moeurs trop légères. Voilà, fin d'une nouvelle.
- Qu'est-ce qu'une folie d'un cercle de copains adultes ? C'est observer avec passion tous ensemble une jeune dame dans son intimité, seule dans son appartement.
- Qu'est-ce qu'un vilain péché ? La gourmandise d'une comtesse qui mange trop de pâtisseries - ou encore celle dont l'époux ne peut s'empêcher de manger de la viande en plein Carême… On est tenu en haleine n'est-ce pas ?!
- Qu'est-ce qu'une dispute dans une relation conjugale ? Un époux pas suffisamment dévot et qui critique la couleur de la tapisserie brodée par son épouse … Rassurez-vous, suite à cette tempête, la nouvelle se termine par un bisou mignon des époux (ouf ! Heureusement, on aurait été traumatisé sinon)
Forçons-nous à voir les subtilités dans l'anecdotique et pas d'anachronisme de jugement… Oui bien sûr, mais même sans jugement, les nouvelles sont globalement fades. Il s'agit en réalité de nouvelles d'ambiance : on traduit les petites émotions de la vie quotidienne. Surtout ne pas s'attarder sur les faits, les dialogues, non, lisez rapidement car il n'y a peu de choses à comprendre. le style léger, vivant et qui pétille aide à cette lecture rapide qui n'analyse rien. Il est vrai que ce n'est pas désagréable à lire mais c'est tout de même lourd au bout de quelques centaines de pages.

Heureusement, il y a de bonnes formules. L'auteur est d'une parfaite et rare lucidité pour l'époque quant à la condition des femmes et le statut du mariage :

« Ils veulent (la société) faire du mariage une maison de retraite dont vous serez (les femmes) les anges » Il reproche aux maris de ne vouloir que le calme et d'imposer l'ennui au ménage. Ce qu'il nous faut, c'est des petites folies, de l'enthousiasme !
C'est aussi les parents qui brident la personnalité des filles, à vouloir les marier quand elles sortent tout juste du couvent ou quand elles se nichent encore à l'âge adulte dans le cocon familial.
« vous (les femmes) êtes vernis trop tôt, comme de mauvais tableaux qui se craquent et se fendillent 6 mois après l'achat ».
Une bonne indépendance familiale de 5 ou 6 années après l'âge adulte leur assurerait un réel caractère ferme.
Sans compter l'éducation tout court « Songez que, sous prétexte d'éducation, on vous empaille ».

Après la théorie, il en décrit les conséquences : la lourde célébration du mariage semble enchainer et étouffer la jeune femme qui est assommée par les évènements. Les époux sont maladroits entre eux dans les premiers temps, le mari doit faire preuve de diplomatie pour approcher sa propre épouse… avant d'établir une réelle et saine confiance entre eux au fil du temps (si cela se passe bien).

Les hommes sont également directement visés, notamment à l'apparition du nouveau-né où il dresse un tableau comparatif entre l'amour maternel, inné, intuitif et parfait chez les femmes ; imparfait et devant se construire en ce qui concerne l'amour paternel.
Il déplore que l'amour paternel soit totalement absent chez certains pères ou que d'autres imposent une ridicule distance entre eux et leurs enfants, comme si leur dignité d'homme en prendrait un coup en s'intéressant à leur enfant :
« Pitié pour les pères qui ne savent point être papas le plus souvent possible, qui ne savent point se rouler sur le tapis, jouer au cheval, faire le gros loup, déshabiller leur bambin, imiter l'aboiement du chien et le rugissement du lion »
« Pitié sincère pour ces infortunés ! Ce ne sont pas seulement d'agréables enfantillages, qu'ils négligent là, ce sont de vrais plaisirs, de délicieuses jouissances ; ce sont les parcelles, les miettes de ce bonheur qu'on calomnie si fort, qu'on accuse de ne point exister, parce qu'on attend qu'il tombe du ciel tout d'une pièce, sous forme de lingot, alors qu'il est à nos pieds, réduit en poussière fine. »
Belle et douce éloquence.
Il souligne aussi avec subtilité cette manière détestable des parents et en particulier du père, à voir dans l'enfant qu'une pure possession, un objet. On ne rêve pas pour l'enfant mais pour soi-même au travers de l'enfant « Dans ses lauriers à venir, on se ménage une petite couronne »

La famille est la colonne vertébrale de toute une société et personne ne devrait la négliger. C'est la conclusion de l'auteur qui au passage ironise sur les maris carriéristes « Qu'un homme auquel la carrière sourit considère sa femme et son enfant comme deux bâtons placés entre ses jambes » et qui sont bien contents plus tard de trouver appui sur une famille ignorée en cas de désastres « ramasse ces deux bâtons qu'il a maudits pour s'en faire deux béquilles ». C'est beau, c'est charmant, il n'y a rien à dire.

Dommage toutefois, mais ce serait trop en demander, qu'il soit à ce point pour l'indissolubilité du mariage. Quand la femme se trouve prisonnière du mariage, il lui préconise de se réinventer, de plaire à son mari, d'être aimable, de faire des petites folies… Il compatis sincèrement avec les femmes, dénigre assez souvent les maris puis donne cette solution bêtement sexiste… Il refuse de tirer les conséquences de sa lucidité, il a le défaut d'être un peu trop enraciné à mon goût dans les traditions catholiques de son époque. Question de censure aussi bien évidemment compte tenu de l'époque de publication du livre (1866).
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Découvert dans « Le voyage d'hiver et ses suites ».
Reine Haugure (je vous laisse chercher qui est derrière ce pseudonyme) parle longuement de Gustave Droz, admiré par Henry James :
« Zola traita son oeuvre de « merde à la vanille »
« L'attaque de Zola énerva James qui dans une lettre répliqua ainsi : « je préfère un pouce de Droz à un kilomètre de Daudet. le cercle des flaubertiens ne l'aiment pas. C'est leur affaire. J'entends dire que Zola qualifie son oeuvre de merde à la vanille. Je t'envoie par la poste le dernier Zola – de la merde au naturel. Tout simplement hideux. » »

Reine Augure raconte ensuite un chapitre de Monsieur, Madame et bébé, moral et amusant.

Oui moral, car à part dans les premiers chapitres, parlant d'émois adolescents, il est impossible de trouver une allusion grivoise, un soupçon de non-conformité, une faiblesse pardonnable. C'est donc recommandable aux jeunes filles (de l'époque), on n'y trouvera même pas les paroles que leur mère devait leur susurrer le soir de leurs noces.

Si je n'ai pas été impressionné par la construction vantée par l'Oulipienne Haugure, j'ai tout de même passé un moment de lecture légère et agréable, bien vanillée mais sympathique et parfois spirituelle.

Le texte intégral est disponible sur Gallica, où je l'ai lu, un peu vite peut-être.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L'amour paternel n'est pas de l'amour pour rien : il a ses folies, ses faiblesses, il est puéril ou sublime, il ne s'analyse pas ni ne s'explique : il se ressent et je m'y laissais aller délicieusement. Que le papa sans faiblesse me jette la première pierre, les mamans me vengeront.
[...] Pitié pour les pères qui ne savent point être papas le plus souvent possible, qui ne savent point rouler sur le tapis, jouer au cheval, faire le gros loup, déshabiller leur bambin, imiter l'aboiement du chien et le rugissement du lion, mordre à pleine dents sans faire de mal, et se cacher derrière les fauteuils en se faisant voir.
Pitié sincère pour ces infortunés! Ce ne sont pas seulement d'agréables enfantillages qu'ils négligent là, ce sont de vrais plaisirs, de délicieuses jouissances ; ce sont les parcelles, les miettes de ce bonheur qu'on calomnie si fort, qu'on accuse de ne point exister, parce qu'on attend qu'il tombe du ciel tout d'une pièce, sous forme de lingot, alors qu'il est à nos pieds, réduit en poussière fine. Ramassons-en le menus fragments et ne nous plaignons pas trop ; chaque jour amène son pain et sa ration de bonheur.
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[...] il récita avec précipitation plusieurs passages du Code, en indiquant les numéros des paragraphes, et je compris confusément qu'on me menaçait des gendarmes si je n'obéissais pas aveuglément aux ordres et aux fantaisies de mon époux, si je ne le suivais pas partout où il voudrait me conduire, serait-ce rue Saint-Victor au sixième étage ; vingt fois je fus sur le point d'interrompre le maire et de lui dire :
"Permettez, Monsieur, voila des paroles qui ne sont guère polies pour moi, et vous devez savoir par vous-même qu'elles n'ont pas le sens commun..."
Mais je me retins, dans la crainte d'intimider le magistrat qui me parût avoir hâte de finir. Il ajouta cependant quelques mots sur les devoirs des époux... la société... la paternité, etc. etc. ; mais toutes ces belles choses, qui m'auraient peut-être fait pleurer ailleurs, me semblaient grotesques [...]
"Monsieur Georges***, vous jurez de prendre pour épouse Mlle... " dit le maire en se penchant.
Mon mari s'inclina et répondit oui fort bas. Il m'a avoué depuis qu'il n'avait jamais éprouvé de plus vive émotion qu'en prononçant ce oui.
"Mademoiselle Berthe, ajouta le magistrat en se tournant vers moi, vous jurez de prendre pour époux ..., etc. "
Je m'inclinai en souriant et je disais à part moi : "Mais oui, parbleu, c'est évident puisque je suis venue pour cela, tout exprès !"
Ce fut tout. J'étais mariée, à ce qu'il paraît.
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Vous avez éprouvé, n'est-ce pas, cette première joie de l'enfant qui devient homme lorsqu'il a sa maîtresse au bras? Il tremble de sa fredaine et pressent pour le lendemain une correction paternelle ; mais toutes ces craintes s'effacent devant le moment présent qui est ineffable. Il est affranchi, il est homme, il aime, il est aimé, il se sent un pied dans la vie. Il voudrait que tout Paris le vît ainsi et il tremble d'être reconnu ; il donnerait son petit doigt pour avoir trois poils de barbe, une ride au front, pour que le cigare ne lui fît plus mal au cœur et pour qu'un verre de punch ne le fît plus éternuer...

(Texte disponible sur Gallica)
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