Citations sur Pour exister encore (75)
La lumière était son ennemie. Il était
temps pour lui de rejoindre le souterrain. Il eut un sourire en songeant qu’il ne
s’agissait pas uniquement d’une simple excavation, mais d’un véritable accès au monastère.
L’entrée du souterrain se situait en contrebas du jardin attenant au couvent.
Étienne avait deux fils Bertrand et Serge… C’était la seuleexplication. Une explication pour le moins hasardeuse, mais ça pouvait se tenir. Elle finit par se raisonner. Pourquoi se cassait-elle la tête à vouloir comprendre. Elle était chercher une histoire. Étienne en était le détenteur et il semblait l’attendre pour en devenir le conteur.
Tu vas vivre une vie qui n’est pas la tienne. Chaque instant, tes remords te rappelleront l’horreur de tes actes, mais jamais ils ne devront t’empêcher d’être une mère et une femme aimante. Tu m’entends ?
Je voulais comprendre la déchéance de son corps, la ruine de son cœur. Un jour, je m’emportais contre Étienne, jurant que si c’était lui la cause de son désespoir, je lui casserais la gueule. Ces mots l’avaient fait sourire et l’espace d’un instant ses yeux avaient renoué avec l’insouciance. Ses doigts avaient effleuré mes cheveux dans ce geste de tendresse qu’elle avait pour me consoler. Je lui parlai de cette conversation de 1946,que j’avais surprise.
J’avais trente-cinq ans et je n’étais pas marié, lorsque j’ai retrouvé Émilie, en 1965. Je l’attendais… Oui, mais j’attendais son souvenir… et la jeune femme que j’aimais n’existait plus. D’une maigreur cadavérique, elle était devenue triste, apathique, sa voix s’était éraillée, comme atrophiée par trop de sanglots. Seuls ses beaux yeux bleus avaient gardé une lueur de vie.
Elle aimait ces instants où ces brefs à-coups sonores lui permettaient, après et selon l’heure révélée, de se pelotonner de nouveau sous ses couvertures. Elle se rendormait alors heureuse échappant pour quelques heures encore à ce moment inévitable où il faudrait se lever et se préparer pour rejoindre l’école.
Elle venait de comprendre que cette tristesse, ces maux de tête qu’elle traînait depuis
quelques mois se heurtaient aux murs de la ferme. Une vie y avait posé ses tourments,
ses souffrances. En prenant possession de la bâtisse, Emma s’était fondue dans cette
vie. Elle était devenue prisonnière de ses déchirements.
Le bonheur ne se construit pas sur un mensonge, Florine, il se mérite.
Les hommes de ma vie, d’une vie qui n’était pas la mienne, se seraient effacés. Je les aurais oubliés comme on doit oublier quand on sait que tout est fini, quand on sait que plus rien ne nous retient et que tout n’était qu’imposture. J’aurais vécu
heureuse loin des tourments, loin des remords, avec probablement la nostalgie d’un
regret.
Je n’avais que dix-sept ans et j’étais folle. Folle d’amour pour un homme qui me mentait. Je suis toujours amoureuse d’Étienne… du moins, aujourd’hui je le suis avec raison même si je considère que les mots raison et amour ne sont pas conciliables.