Nous étions quatre amis, aussi disparates que l'amoncellement hétéroclite d'un brocanteur du Marais.
Nous étions quatre amis, aussi disparates que l'amoncellement hétéroclite d'un brocanteur du Marais : Germain était un moderne, toujours bien vêtu et toujours au fait des nouveautés en matière de tenue et de conversation ; Charles avait le cachet et la patine de l'Ancien Régime, montait à cheval et considérait que la redingote était encore la mode prédominante des années 1920 ; Sacha glanait divers styles d'habillement glanés a gré de ses pérégrinations tout au long de son exil : une cravate en cuir de Bavière, des bretelles excentriques de Poznan, des couvre-chefs de part et d'autre qui le singularisaient à chaque fois ; et moi, Keller, j'étais futile dans mon habillement, essayant d'imiter - de loin, de très loin - les uns et les autres par des oripeaux sans cesse remis au goût du jour par une couturière et des colifichets pour rehausser le tout : des boutons de manchette en or - l'or ne se démode pas - qui représentaient l'essentiel de ma fortune, du cuir n peu élimé aux pieds, certes, mais aussi une montre à gousset qui me donnait la contenance pour paraître, et caetera.