De Gaulle l'album inattendu

J'ai un immense respect pour le courage de ces hommes qui ne se sont jamais résignés. Dès l'annonce de l'armistice, ils ont décidé de résister. Ce sont des hommes d'âge mûr, expérimentés, avec une vraie conscience de la nation et de l'Etat, de son rôle, de ses valeurs.

François Baroin

Sur le chemin du Roy, le long du Saint-Laurent, on en parle encore!
Quarante ans plus tard, de Québec à Montréal, de village en village, à bicyclette, j'ai refait la route avec quelques amis québécois.
Jusqu'à l'hôtel de Ville de Montréal et son balcon d'où fut lancé, le 24 juillet 1967, à l'adresse d'une foule en délire, l'appel inoublié : "Vive le Québec... libre!".

Alain Juppé

Bouleversant est le regard que porte De Gaulle sur sa petite Anne. Et touchant est celui de sa fille, comme ancré dans celui de son père. Elever une enfant handicapée transforme forcément de l'intérieur. On sent cet homme attentif, ému et aimant.

Hervé Gaymard

Si l'appel du 18 juin ne toucha qu'un petit nombre d'auditeurs, De Gaulle fut d'abord une voix. Longtemps on ne connut de lui que ce timbre singulier qui semblait venir des profondeurs de l'Histoire de France. Le Général était-il de droite? Etait-il de gauche? La question n'est pas là. Devant le micro de la BBC, il affirmait la permanence d'un pays en proie à la servitude, la nécessité du combat, l'espoir surtout de la Libération et de la victoire. Cela suffit à beaucoup pour se rallier à la France Libre.

Eric Roussel

"Il suffisait de le voir pour comprendre pourquoi nous étions avec lui." Cette réflexion est celle d'un jeune résistant qui eut 20 ans en 1940. Que faut-il en retenir? Qu'il est difficile, et peut-être impossible, de parler de De Gaulle sans avoir vu la haute silhouette et la démarche qui signent l'allure, créent le style, et expliquent l'homme qui s'était donné à la France, ne se sentait chez lui que dans l'action, de préférence héroïque, et ne transigeait ni avec la grandeur ni avec la liberté. Mais pour répondre vraiment à la question, ne faut-il pas apprendre à voir Charles de Gaulle?

Cette allocution du 23 avril 1961, c'est un grand moment politique. Ma génération avait connu jusque là un De Gaulle civil, qui organisait l'Etat, refondait les institutions, réglait politiquement la crise algérienne. Et là, soudain, ce 23 avril 1961 à 20 heures, on voit à la télévision le Général en uniforme, un véritable chef de guerre. On le devine à la fois solitaire, drapé dans sa dignité et solennel. Il ne s'adressait pas à nous les citoyens mais à l'armée, pour mettre fin à une sédition et mater "un quarteron de généraux en retraite".

Jean de Boishue

Je suis fasciné par cette rencontre, et par cette photo. Au-delà de leurs tailles respectives, ce sont deux géants de l'Histoire. Ils ont sauvé leur peuple et leur nation. Ils ont libéré leur territoire, créé ou recréé un Etat. Et ils partagent une conviction : un Etat, c'est d'abord une armée. Pour eux, un Etat sans armée n'est pas un Etat, une nation sans armée n'est pas une armée. Et ils ont eu le même courage dans l'épreuve. En juin 40, De Gaulle a été le seul officier français à avancer réellement face aux Allemands. Et Ben Gourion étonnait son état-major par le goût qu'il avait de la bataille et de l'offensive. De Gaulle et Ben Gourion, c'est également la même solitude, celle qui entoure leurs décisions et celles qu'ils connaissent après leur départ.

François Léotard

Cette photo témoigne d'un événement diplomatique mémorable : du 5 au 8 avril 1960, la reine d'Angleterre reçoit en visite d'Etat le général De Gaulle et son épouse. Pour Elisabeth II, il s'agit d'honorer le courage de celui qui a refusé la défaite, et d'évoquer l'association franco-britannique pendant la guerre, parfois complexe et tendue, mais essentielle dans la victoire.

Jean des cars

A travers cette photo, je lis l'émotion de ces deux hommes de se retrouver face à face. Leurs regards plongés l'un dans l'autre comme pour se dire ce qu'aucun mot ne pourrait traduire. Mais ce qui me bouleverse le plus, ce sont ces quatre mains qui se tiennent, qui s'accrochent. On y devine toute l'admiration, oserais-je dire la tendresse, que le grand Général et le prix Nobel ressentent l'un pour l'autre. Le sauveur de la France, face à celui qui est toujours resté exemplaire aux heures les plus sombres. Ces mains... En regardant cette image, j'aimerais y apposer les miennes, pour y puiser de leur force, de leur courage.

Léa Wiazemsky

1952, c'est une période intermédiaire pour De Gaulle. Depuis l'appel du 18 juin, in incarne la liberté et la Résistance. C'est, avec Churchill, l'un des deux grands hommes du siècle. Mais six ans plus tôt, en 1946, il a démissionné du gouvernement, refusant le jeu des partis. Il a quitté le pouvoir et les honneurs, mais ses fidèles sont encore innombrables. Il est là, en famille, plus droit encore que d'habitude. Il semble apaisé. Il a pour sa famille un regard doux et généreux.

François Baroin