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Citations sur Vie des martyrs 1914-1916 (11)

En dépit de toute protestation de sympathie, l'être, dans sa chair, souffre toujours solitairement, et c'est aussi pourquoi la guerre est possible...
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Naguère la mort ne faisait pas partie de la vie. On parlait d'elle à mots couverts. Son image était une chose aussi pénible qu'inconvenante, capable de troubler les projets et les plaisirs de l'existence. Elle opérait autant que possible dans l'ombre, le silence et la retraite. On la déguisait par des symboles ; on l'annonçait avec des périphrases laborieuses et empreintes d'une sorte de pudeur.
Aujourd'hui, la mort est intimement mêlée aux choses de la vie. Et cela est vrai, moins encore parce qu'elle fait quotidiennement une besogne immense, parce qu'elle choisit les êtres les plus jeunes et les mieux formés, parce qu'elle est une espèce d'institution sacrée, mais surtout parce qu'elle est devenue une chose trop commune pour suspendre, comme elle le faisait autrefois, les actes de la vie : on mange et on boit à côté des morts, on dort au milieu des mourants, on rit et on chante dans la compagnie des cadavres.
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« La mort, qui s'était étendue sur tout le corps comme sur un pays conquis, s'est retirée, cédant peu à peu le terrain ; mais voilà qu'elle s'arrête : elle s'accroche aux jambes, elle ne veut plus les lâcher ; elle réclame quelque chose en partage ; elle n'entend pas être frustrée de toute sa proie. »

« Je n'ai pas peur, mais j'aime mieux mourir.
Alors, je parle comme si j'étais l'avocat de la vie. Qui m'a donné ce droit ? Qui m'a donné l'éloquence? Les choses que je dis sont, juste, celles qu'il faut dire, et elles viennent si bien que j'ai parfois peur de trop promettre cette vie, que je ne suis pas sûr de conserver, de trop promettre cet avenir qui n'est pas aux mains des hommes. »

« Alors je lui disais des choses qui voulaient être douces, et qui étaient inutiles, parce qu'il n'y a pas de conversation possible entre l'homme roulé par les flots d'un torrent et celui qui demeure assis dans les roseaux de la rive. …Il n'avait plus besoin de nous ni de personne; il ne mangeait plus, ne buvait plus, et se souillait au gré de la bête, sans exiger assistance ni soins. »

« Tous les médecins ont pu remarquer l'atroce succès remporté, en si peu de temps, par le perfectionnement des engins de dilacération. Et nous admirions amèrement que l'homme pût aventurer son fragile organisme à travers les déflagrations d'une chimie à peine disciplinée, qui atteint et dépasse en brutalité les puissances aveugles de la nature. Nous admirions surtout qu'une chair aussi délicate, pétrie d'harmonie, créatrice d'harmonie, supportât, sans se désagréger aussitôt, de tels chocs et de tels délabrements.»

« Mais Grégoire n'est connu de personne ; il regarde le mur, il maigrit, et la mort seule semble s'intéresser à lui.
Tu ne mourras pas, Grégoire ! Je fais le serment de m'attacher à toi, de souffrir avec toi et de supporter ta mauvaise humeur avec humilité. Puisque tu es malheureux pour tout un monde, tu ne seras pas malheureux tout seul. »

« Puis il a hoché la tête en ajoutant :
— Deux genoux ! Deux genoux ! Quel avenir. C'est une chose bien pénible que de porter le fardeau de l'expérience. C'est toujours une chose pénible que d'avoir assez de mémoire pour discerner le futur. »
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Qui donc parle de bonheur ici ?
Je reconnais les accents de la vie généreuse et opiniâtre. Je reconnais tes accents, chair naïve ! Toi seule sais parler, ose parler de bonheur entre la douleur du matin et celle du soir, entre l'homme qui gémit à droite et celui qui, à gauche, agonise.
Vraiment, même au plus profond de l'enfer, les damnés doivent confondre leur besoin de joie avec la joie même.
Je sais bien qu'ici il y a l'espoir.
mais en enfer aussi, il y a certainement l'espoir.
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Il n'y a rien de plus offensant pour l'âme ni de plus douloureux que d'entendre délirer et souffrir ces hommes blessés au cerveau, ou encore de voir un adolescent de vingt ans se souiller comme un vieillard. Que de fois, me consumant devant ces spectacles honteux, j'ai souhaité que l'on admît à les contempler ceux qui tiennent dans leurs mains les destinées des peuples. Mais laissons cela, hélas! On ne prêtera pas d'imagination à ceux qui n'en ont guère.
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C'est un bien naïf besoin d'égalité qui nous fait dire que les hommes sont égaux devant la souffrance. Non ! non ! les hommes ne sont pas égaux devant la souffrance. Et, comme nous ne connaissons de la mort que ce qui la précède et la détermine, les hommes ne sont même pas égaux devant la mort.
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Grégoire ne sait pas souffrir comme on ne sait pas parler une langue étrangère. Seulement, il est plus facile d'apprendre le chinois que d'apprendre le métier de la douleur.
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La première fois que la chose est arrivée, je ne comprenais pas très bien ce qui se passait. Il répétait sans cesse la même phrase : " oh ! la douleur du genou ! ", et peu à peu, j'ai senti que cette lamentation devenait une vraie musique et, pendant cinq grandes minutes, Carré a improvisé une chanson terrible, admirable et déchirante sur la " douleur du genou " ! Depuis, il en a pris l'habitude et il se met brusquement à chanter dès qu'il ne se sent plus maître de son silence.
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Sous leurs pansements, il y a des plaies que vous ne pouvez imaginer. Au fond des plaies, au fond de la chair mutilée, s'agite et s'exalte une âme extraordinaire, furtive, qui ne se manifeste pas aisément, qui s'exprime avec candeur, mais que je souhaiterais tant vous faire entendre.
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Avais-tu rêvé pareil martyre, ô frère, alors que tu poussais ta charrue sur ton petit bout de terre brune?
Te voici, agonisant d'une agonie de cinq mois, enfoui dans ce linge livide, vierge même des récompenses que l'on donne.
Il faut que ta poitrine, il faut que ton suaire soient purs de la moindre récompense que l'on donne, Carré !
Il faut que tu aies souffert sans but et sans espoir.
Mais je ne veux pas que toute ta souffrance se perde dans l'abîme. Et c'est pourquoi je la raconte très exactement.
(in Histoire de Carré et de Lerondeau)
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