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Jean-Jacques Becker (Préfacier, etc.)
EAN : 9782258066847
751 pages
Omnibus (03/02/2005)
4.26/5   33 notes
Résumé :
Août 1914, la guerre commence. pendant quatre ans, elle lèvera un lourd tribut : 1.500.000 morts et un nombre énorme de mutilés. « Il n'est pas une ville française jusqu'où ne viennent saigner les blessures ouvertes sur le champ de bataille. Pas une ville française qui n'ait assumé le devoir de soulager une part de cette souffrance », écrit Georges Duhamel. Mais suffit-il de panser, de guérir, pour éteindre la dette contractée envers ces hommes ? Ceux qui voient les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique

Ce livre est disponible gratuitement sur le site de Kobo. Cherchez Georges Duhamel (édition de 1916).

A priori, j'étais intrigué par la dimension médicale qui prévalait durant cette guerre; l'iode, l'alcool et la liqueur de Dakin, comme antiseptique pour traiter les plaies ouvertes et infectées, pas de pénicilline (découverte en 1928 et utiliser que durant la 2e guerre mondiale), peu d'analgésiques. Ce n'était pas le bon livre. Mais quelle surprise de trouver, dans ce petit livre d'à peine 99 pages, autant de respect et de douceur manifestés par un médecin vis-à-vis ses semblables gravement blessés ou agonisants.

C'est très bien écrit et je dirais que c'est un des meilleurs livres que j'ai lu. de plus, ce qui m'a impressionné, tout au long de ce récit, c'est comment la simplicité de ce texte permet de faire ressortir, avec beaucoup de force, les sentiments et les émotions de l'auteur et des blessés. On ressent avec acuité, au fil des pages, la grande compassion de ce médecin pour ses « poilus » et que, chaque page émerge, d'un vécu qui a profondément marqué Georges Duhamel. C'est un livre qui m'a beaucoup touché. Un jour, une amie, sur Babelio, m'a écrit cette petite phrase « Je suis d'une insatiable curiosité et peux m'intéresser à tout, tout va dépendre de comment on m'en parle. » C'est exactement ce que j'ai ressenti à la lecture de ce livre.

En fait ce grand livre relate plusieurs expériences de vie avec des blessés ou des mourants. Il y a peu de description des plaies, car c'est la dimension humaine qui prime et, à certains endroits, avec humour (une discussion avec un normand m'a fait penser à un roman de Fred Vargas). La souffrance, la peur, l'incertitude du regard, l'angoisse, l'espoir, la mort et la peine sont décrits avec beaucoup de respect et sans jamais aucun jugement.

J'ai pensé rendre justice à cet auteur (aussi pour vous titiller) en ajoutant ces citations.

« Naguère, la mort était l'étrangère cruelle, la visiteuse à pas de laine... Aujourd'hui, c'est le chien fou de la maison.
Naguère la mort ne faisait pas partie de la vie. On parlait d'elle à mots couverts. … Elle opérait autant que possible dans l'ombre, le silence et la retraite. On la déguisait par des symboles ; on l'annonçait avec des périphrases laborieuses et empreintes d'une sorte de pudeur.
Aujourd'hui, la mort est intimement mêlée aux choses de la vie. Et cela est vrai, moins encore parce qu'elle fait quotidiennement une besogne immense… parce qu'elle est devenue une chose trop commune pour suspendre, comme elle le faisait autrefois, les actes de la vie : on mange et on boit à côté des morts, on dort au milieu des mourants, on rit et on chante dans la compagnie des cadavres. »

« C'est un bien naïf besoin d'égalité qui nous fait dire que les hommes sont égaux devant la souffrance. Non ! Non ! Les hommes ne sont pas égaux devant la souffrance. Et, comme nous ne connaissons de la mort que ce qui la précède et la détermine, les hommes ne sont même pas égaux devant la mort. »

« Bien sûr, il n'a pu éviter quelques grimaces. Alors le sergent lui a demandé :
— Veux-tu apprendre la chanson des cochons qui pètent ?
— Comment qu'elle est faite, ta chanson ? le sergent commence, d'une voix suraiguë :
Quand en passant dedans la plai-ai-ne On entend les cochons péter, Cela prouve d'une façon certai-ai-ne Qu'ils n'ont pas l'trôôô du... bouché. »

« Mais je ne voudrais pas me faire passer pour un héros.
— Mon ami, on ne te demandera pas ton avis pour te juger et t'honorer. Il suffira de regarder ton corps. »

« Pas une ride de votre visage ne m'échappe ; pas une de vos angoisses, pas un frémissement de votre chair lacérée. Et j'inscris tout cela, comme j'inscris vos paroles simples, vos cris, vos soupirs d'espoir, comme j'inscris aussi l'expression de votre visage, à l'heure solennelle où l'on ne parle plus. »

« On dit comment vous supportez le tourment des champs de bataille, comment, dans la boue décourageante et le froid, vous attendez l'heure du cruel devoir, comment vous vous portez au devant du coup mortel, à travers l'inouï concert des périls.
Mais vous arrivez ici promis à d'autres souffrances encore; et, celles-là, je sais de quel coeur vous savez les endurer. »

« Grégoire ne sait pas souffrir comme on ne sait pas parler une langue étrangère. Seulement, il est plus facile d'apprendre le chinois que d'apprendre le métier de la douleur.
Quand je dis qu'il ne sait pas souffrir, j'entends qu'il souffre, hélas, beaucoup plus que les autres... Je connais la chair humaine, et il y a des signes qui ne me trompent pas. »

« Dans l'intimité, Léglise m'a confié, avec hésitation:
— Ils ne voudront peut-être pas mêla donner, la médaille...
— Et pourquoi donc ?
— J'ai été puni : il manquait des boutons à la capote d'un de mes hommes.
Ô mon ami, enfant scrupuleux, pourrais-je encore aimer les gens de notre pays s'ils se rappelaient, une seconde, ces malheureux boutons?
Il dit gravement : « mes hommes ! » Alors je considère sa poitrine étroite, son mince visage, son front puéril creusé du pli sérieux qui accepte toutes les responsabilités, et je ne sais comment lui témoigner mon amitié, mon respect. »

« J'entends encore ce petit garçon vidé de sang me dire avec une voix suppliante : « Sauvez-moi, docteur! Sauvez-moi, pour ma mère... » et je pense qu'il faut avoir entendu ces phrases-là dans de tels endroits pour les bien comprendre, je pense qu'il faut tous les jours se faire une idée plus exacte, plus stricte, plus pathétique de la souffrance et de la mort. »

« Oh ! j'ai bien pensé qu'il allait mourir. Mais cette souffrance-là veut être soufferte toute entière ; elle n'étourdit même pas ceux qu'elle accable. »

« Il a mis deux jours à mourir. On lui disait : « Veux-tu quelque chose ? » Et il répondait avec des lèvres blanches : « Je vous remercie. » On s'inquiétait : « Comment vas-tu ? » Et il était toujours satisfait : « Ça va fort bien. » Il mourait avec une discrétion, une espèce de modestie, un oubli de soi-même qui rachetaient tout l'égoïsme du monde. »
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Août 1914 : celle que l'on nommera « la Grande Guerre » débute.
Georges Duhamel, alors docteur en médecine, se déclare volontaire pour porter secours aux blessés comme chirurgien. Il tentera de redonner un peu d'espoir, de chaleur, à ces hommes à qui la vie a laissé un sursis, parfois de quelques jours, parfois seulement de quelques instants.
Ce premier roman de Georges Duhamel est un hommage rendu à ceux que la guerre a marqués au fer rouge. C'est aussi un message qu'il nous adresse : n'oubliez pas ceux qui ont combattu pendant cette guerre. Gardons dans notre mémoire cette période historique qui a meurtri tout un peuple.
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Cette édition chez Omnibus contient principalement 3 textes de l'auteur :
- Vie des martyrs, paru en 1917
- Civilisation, parue en 1918 sous un nom d'emprunt Denis Thevenin et récompensé par le prix Goncourt
- Les sept dernières plaies, paru en 1928

C'est bien sur une très bonne idée d'avoir regroupé sous une édition commune ces 3 textes qui forment une suite cohérente sur le thème de la guerre 14-18 vue du coté des blessés que Georges Duhamel, engagé volontaire comme chirurgien a vécu pendant 4 ans.

Si Vie des martyrs est une sorte de suites de scènes de la vie quotidienne (et de la mort quotidienne) d'un hopital de guerre, avec son lot de souffrances et d'humanité, Civilisation prend une autre dimension en se basant sur ces instantanés de la souffrance pour ériger un pamphlet antimilitariste et très pessimiste sur la nature de la société et de la civilisation. L'ouvrage va crescendo en commençant un peu sur le style de Vie des martyrs pour s'achever sur un rejet total et désabusé de la civilisation qui progresse techniquement tout en permettant de telles horreurs. La bétise de l'armée éclate dans "Chiffres" et dans "Discipline". Une situation ubuesque dans "Un enterrement" associe dans la bétise armée et religion. Au milieu de tout ça, une bouffée d'air pur se dégage avec, dans "Amours de Ponceau" (jeu de mots sur Puceau?), la possibilité d'un traitement humain des blessés dans un contexte cependant assez ambigue d'un hopital "complémentaire" géré par des femmes qui y font en quelque sorte leur action de grâce ("Oh non, docteur, disait-elle, ne nous amenez pas ici d'appendicite, ce n'est pas assez intéressant. Rien que des blessés, nous ne voulons rien que des blessés.")

Concernant "Les sept dernières plaies", je ne l'ai pas encore lu mais je mettrai un commentaire sur un lien spécifique car je constate que l'ouvrage est absent de Babelio.
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J'ai beaucoup aimé la vie des martyrs de Georges Duhamel, devenu bien après académicien. Il nous plonge dans la vie des poilus mutilés et gravement blessés au front à Verdun qui luttent pour ne pas rentrer dans les bras de la mort. Lors de ma lecture, j'ai eu beaucoup d'empathie et de tristesse pour ces pauvres soldats dont la chair est offerte à l'acier. le récit est très bien construit on entre très facilement dans l'histoire. Ce livre est un hommage rendue aux poilus. C'est un roman à ne pas rater pour ceux qui veulent connaître l'horreur que ces soldats ont vécue. Ce roman est bouleversant et surtout très émouvant. L'auteur était jeune chirurgien aux armées sur le front. Bien qu'aguerri à force d'horreurs, il est bouleversé devant le spectacle héroïque des grands amputés, gueules-cassées, ou autres victimes des monstruosités de cette guerre.
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Ces martyrs ce sont ces soldats de 14, blessés, agonisants, mourants et soignés dans les hôpitaux de campagnes par Georges Duhamel, alors jeune médecin. Ce n'est pas un roman, mais un carnet de notes dans lequel Duhamel brosse des scènes comme prises sur le vif. Galerie de portraits émouvants, moments de fraternités que la blessure cristallise, le quotidien qui sent l'éther, le sang et la camaraderie. Ici c'est le frère d'un soldat qui n'a pas survécu ( et soldat lui-même) et qui répète, hébété " pauvre André"devant le cadavre de ce frère, là c'est un autre qui délire, mêlant le combat et la jeunesse amoureuse qu'il abandonne dans les méandres de son esprit perdu. Avec "Le grand Troupeau" de Giono, c'est le meilleur texte sur les recousus, les gueules cassés,...
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
« La mort, qui s'était étendue sur tout le corps comme sur un pays conquis, s'est retirée, cédant peu à peu le terrain ; mais voilà qu'elle s'arrête : elle s'accroche aux jambes, elle ne veut plus les lâcher ; elle réclame quelque chose en partage ; elle n'entend pas être frustrée de toute sa proie. »

« Je n'ai pas peur, mais j'aime mieux mourir.
Alors, je parle comme si j'étais l'avocat de la vie. Qui m'a donné ce droit ? Qui m'a donné l'éloquence? Les choses que je dis sont, juste, celles qu'il faut dire, et elles viennent si bien que j'ai parfois peur de trop promettre cette vie, que je ne suis pas sûr de conserver, de trop promettre cet avenir qui n'est pas aux mains des hommes. »

« Alors je lui disais des choses qui voulaient être douces, et qui étaient inutiles, parce qu'il n'y a pas de conversation possible entre l'homme roulé par les flots d'un torrent et celui qui demeure assis dans les roseaux de la rive. …Il n'avait plus besoin de nous ni de personne; il ne mangeait plus, ne buvait plus, et se souillait au gré de la bête, sans exiger assistance ni soins. »

« Tous les médecins ont pu remarquer l'atroce succès remporté, en si peu de temps, par le perfectionnement des engins de dilacération. Et nous admirions amèrement que l'homme pût aventurer son fragile organisme à travers les déflagrations d'une chimie à peine disciplinée, qui atteint et dépasse en brutalité les puissances aveugles de la nature. Nous admirions surtout qu'une chair aussi délicate, pétrie d'harmonie, créatrice d'harmonie, supportât, sans se désagréger aussitôt, de tels chocs et de tels délabrements.»

« Mais Grégoire n'est connu de personne ; il regarde le mur, il maigrit, et la mort seule semble s'intéresser à lui.
Tu ne mourras pas, Grégoire ! Je fais le serment de m'attacher à toi, de souffrir avec toi et de supporter ta mauvaise humeur avec humilité. Puisque tu es malheureux pour tout un monde, tu ne seras pas malheureux tout seul. »

« Puis il a hoché la tête en ajoutant :
— Deux genoux ! Deux genoux ! Quel avenir. C'est une chose bien pénible que de porter le fardeau de l'expérience. C'est toujours une chose pénible que d'avoir assez de mémoire pour discerner le futur. »
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Naguère la mort ne faisait pas partie de la vie. On parlait d'elle à mots couverts. Son image était une chose aussi pénible qu'inconvenante, capable de troubler les projets et les plaisirs de l'existence. Elle opérait autant que possible dans l'ombre, le silence et la retraite. On la déguisait par des symboles ; on l'annonçait avec des périphrases laborieuses et empreintes d'une sorte de pudeur.
Aujourd'hui, la mort est intimement mêlée aux choses de la vie. Et cela est vrai, moins encore parce qu'elle fait quotidiennement une besogne immense, parce qu'elle choisit les êtres les plus jeunes et les mieux formés, parce qu'elle est une espèce d'institution sacrée, mais surtout parce qu'elle est devenue une chose trop commune pour suspendre, comme elle le faisait autrefois, les actes de la vie : on mange et on boit à côté des morts, on dort au milieu des mourants, on rit et on chante dans la compagnie des cadavres.
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En dépit de toute protestation de sympathie, l'être, dans sa chair, souffre toujours solitairement, et c'est aussi pourquoi la guerre est possible...
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Qui donc parle de bonheur ici ?
Je reconnais les accents de la vie généreuse et opiniâtre. Je reconnais tes accents, chair naïve ! Toi seule sais parler, ose parler de bonheur entre la douleur du matin et celle du soir, entre l'homme qui gémit à droite et celui qui, à gauche, agonise.
Vraiment, même au plus profond de l'enfer, les damnés doivent confondre leur besoin de joie avec la joie même.
Je sais bien qu'ici il y a l'espoir.
mais en enfer aussi, il y a certainement l'espoir.
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La première fois que la chose est arrivée, je ne comprenais pas très bien ce qui se passait. Il répétait sans cesse la même phrase : " oh ! la douleur du genou ! ", et peu à peu, j'ai senti que cette lamentation devenait une vraie musique et, pendant cinq grandes minutes, Carré a improvisé une chanson terrible, admirable et déchirante sur la " douleur du genou " ! Depuis, il en a pris l'habitude et il se met brusquement à chanter dès qu'il ne se sent plus maître de son silence.
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Videos de Georges Duhamel (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Georges Duhamel
Première partie de la conférence sur Georges Duhamel donnée le 25 mai 2016 à l'Institut Henri Poincaré à l'occasion du Festival Quartier du Livre (Paris 5ème) par Philippe Castro.
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