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Critique de Arakasi


Troisième opus de la trilogie des Mousquetaires d'Alexandre Dumas, “Le vicomte de Bragelonne” est le petit (gros) mal-aimé de la portée. L'écrasante majorité des amoureux du romancier romantique ont lu et relu “Les trois mousquetaires”, beaucoup se sont plongés avec délectation dans “Vingt ans après”, mais relativement peu sont ceux à avoir tenté leur chance avec ce dernier tome dont la longueur effarante - 1800 pages et quelques en grand format - avait de quoi effrayer les moins timorés. Personnellement, je garde un souvenir ambigu de ma première lecture à l'adolescence. D'un côté, “Le vicomte de Bragelonne” est le premier roman sur lequel j'ai pleuré, vraiment pleuré, versant des torrents de larmes à la mort de chaque mousquetaire. D'un autre côté, je me souviens de m'être copieusement ennuyée pendant des chapitres entiers, tournant les pages machinalement en espérant qu'enfin - enfin ! - ce cuistre de Louis XIV allait réussir à se taper cette petite mijaurée de la Vallière. Jusqu'à cet été, “Le vicomte” restait le seul roman de la trilogie des Mousquetaire que je n'avais pas relu une demi-douzaine de fois, voire même une seule.

Il fallait bien y remédier un jour et j'ai profité d'un retard monumental dans mes critiques littéraires pour m'y atteler enfin. Trois semaines et demi plus tard - presque un record de durée, en ce qui me concerne - je sors de ma lecture un peu essoufflée mais pas aussi déçue que je le craignais. Commençons par les défauts. Ils sont nombreux. Trop de délayage, trop d'anecdotes, trop de descriptions peu inspirées, des nouveaux personnages insipides au possible et beaucoup trop présents, pas assez d'aventure, pas assez d'épique, définitivement pas assez de mousquetaires… Pas besoin de chercher midi à quatorze heures : Dumas n'aime pas la période qu'il décrit dans “Le vicomte de Bragelonne” et cela se sent. Il n'aime pas Louis XIV, il n'aime pas sa cour trop policée, il n'aime pas l'ennui rigide et ordonné qui imprègne son règne, il n'aime pas Raoul de Bragelonne, il n'aime pas cette nouvelle génération de jeunes gens trop courtois, trop civilisés, qui ne veulent plus se battre et savent mieux conter fleurette que manier la rapière. Car Dumas parle énormément de romance dans “le vicomte” et, soyons francs, il en parle assez mal. Rien d'étonnant à cela d'ailleurs puisque, excellent ami, le bon Alexandre a toujours été un amant désastreux…

Que nous reste-t-il alors à nous mettre sous la dent ? Mais nos mousquetaires, pardieu ! Toujours nos mousquetaires ! Ils ont vieilli, hélas, surtout Athos dont la quasi-absence se fait tristement sentir dans ce dernier volume, mais on les a aimés pendant si longtemps, on les aime tant encore, qu'on ne peut que se réjouir de faire ce dernier bout de chemin à leurs côtés. On a vu D Artagnan s'aigrir, se renfermer, perdre peu à peu sa fougue de déception en déception, mais on appréciera d'autant plus son humour noir et son point de vue tranchant sur le monde fastidieux et corrompu où il est forcé à présent d'évoluer. Porthos n'a jamais été aussi adorable et con à la fois et certaines de ses naïvetés nous arracheraient presque des larmes d'attendrissement. Quant à Aramis… Ah, terrible, orgueilleux, malheureux Aramis que sa soif de pouvoir entraînera loin de ses camarades et lui fera commettre le pire des crimes - non pas celui de lèse-majesté, très pardonnable, mais celui de lèse-amitié bien plus grave aux yeux de Dumas… - mais qui offrira aux lecteurs la meilleure partie du roman, l'intrigue flamboyante et passionnante du Masque de fer ! C'est eux qui procurent au “vicomte de Bragelonne” la puissante force émotionnelle qui rend tout le reste pardonnable. Et ouais, j'ai pleuré. Encore. Plusieurs fois. Même pas honte.
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