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Critique de migdal


En 1970, Michel Audiard immortalise une époque où « elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais elle cause ».

En 2030, Ilan Duran Cohen nous plonge dans une dystopie où « elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, et elle cause surtout pas » car toutes les conversations sont enregistrées, les déplacements filmés, les communications enregistrées, et le moindre propos peut dégrader votre mapping (réputation sociale), mener en justice et condamner à une castration chimique.

Alain Conlang, polémiste employé par une chaine pour commettre « des textes qui ne dérangent pas mais qui apparaissent comme subversifs », fragilisé par l'annonce de la « transition » (mutilation) de son frère Benjamin malgré l'opposition de ses enfants, dérape lors d'un diner et lâche une remarque aussi sotte que misogyne.

Ses « amis » le dénoncent, la justice l'assigne, Alain perd son emploi et attend son procès. Sa nièce Adèle fugue et le rejoint (détournement de mineur). La police les poursuit dans un pays asservi par les écolos et les vegans, où alcool, viande, tabac sont prohibés, la nourriture chichement mesurée (tickets de rationnement), l'obésité interdite, cuisines et salles de bain collectifs, les transports en communs crasseux.

Le moindre écart est verbalisé grâce au progrès de la vidéo surveillance et de l'intelligence artificielle. le politiquement correct imposé avec d'autant plus d'aisance que le débat est interdit.

Le lecteur constate que 2030 c'est 2023 en (à peine) pire est qu'après la vitesse limitée à 80 km/h, le passeport sanitaire, la vignette Crit'air, l'interdiction des casseroles, la vidéo surveillance imposée par les Jeux Olympiques à Paris, la taxe carbone en 2025, nous sommes en bonne voie vers le meilleur des mondes.

Mais l'autre évidence, c'est qu'en niant la différence homme/femme, la différence humain/animal, c'est l'identité qui est niée et que cette fluidité, ces identités provisoires, agiles et réversibles, nous assignent à devenir transgenre, transnational, transculturel, et nous condamnent à ne plus penser et être (Descartes : « cogito ergo sum »). C'est ce que la mère d'Alain constate en se confessant au fil des pages. Fonctionnaire, et donc assujettie contractuellement à servir l'inquisition « décarbonée », elle se révolte intérieurement et partage la rébellion d'Alain et d'Adèle.

Le petit polémiste enchaine au fil des chapitres des scènes tragi-comiques et des contes philosophiques. C'est drôle, ravageur et révoltant.

Mais une série de nouvelles constitue-t-elle un roman ? Là est ma réserve, car l'ensemble m'a semblé manquer de fil directeur, d'architecture et la confession maternelle insérée en tête de chaque chapitre contribue à cette errance.

Comme Alain Conlang, je préfère « être un homme libre dans un monde pollué plutôt qu'un esclave respirant de l'air pur », mais j'entends déjà Benjamin(e) m'asséner « tu pues le facho conservateur et libéral. L'humanité change, frérot. Tu suis ou tu dégages».

Pire mon mapping va encore plus se dégrader 😉
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