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Critique de Maym


Maym
24 décembre 2021
"L'espoir meurt en dernier"... Sous le coup de crayon de Virgile Dureuil, nous suivons Sylvain Tesson et quatre amis français et russes sur les traces de la Campagne de Russie, et plus précisément de la retraite de Russie - celle qui a anéanti la quasi totalité du demi million d'hommes qui constituaient l'armée impériale de Napoléon en 1812. Voyageant en Oural (ces gros side-car russes) contre vents et verglas de Moscou à Paris, ils roulent dans les pas de nos prédécesseurs, traversant les "hauts lieux" encore hantés par les fantômes du passé. Interrogeant l'Histoire, le sens de l'héroïsme, l'humanité et la déchéance, les aventuriers du froid et de l'hiver s'embarquent dans un périple de plusieurs milliers de kilomètres. Sur place, la nature a gardé ses droits, des stèles ont été érigées par endroits, et l'immensité du vide remplit l'espace-temps. Les dessins servent très bien ce récit et montrent ce que l'imagination ne sait créer : Moscou en flammes, les cohortes de lambeaux vivants se traînant dans la neige, les vastes landes blanches sans fin... et Napoléon, toujours debout pour ramener ce qu'il reste de son armée, bercé par l'illusion qu'il la reconstruira pour prendre sa revanche, et refusant de regarder en face le déclin de son Empire.

Ce qui distingue cette BD de la série "Bérézina" de Frédéric Richaud que j'avais également lue, est la touche savoureuse et géniale apportée par les mots de Sylvain Tesson, ainsi que la remise en perspective de notre existence actuelle face à cette épopée tragique deux cents ans auparavant.

Je remercie Babelio et Casterman pour m'avoir fait gagner cette BD lors d'une Masse Critique, et je vous recommande vivement cette lecture ainsi que le récit original pour prolonger le plaisir.

Et pour finir une des citations les plus marquantes à mon sens : "Un haut lieu, c'est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par un geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. C'est un paysage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant et, soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne-sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un événement qui sourd du sol, comme une onde. Ici, il y a eu une telle intensité de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut-lieu. Alors, il faut la regarder en silence car les fantômes la hantent."
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