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Critique de HordeDuContrevent


Les fondements du Hallyu…

La Corée fascine de plus en plus d'occidentaux. J'en veux pour preuve les très nombreuses séries coréennes visionnées en Europe, les fameux k-dramas dont le célèbre Squid Game, certains films retentissants comme le superbe et étrange Parasite, le succès de certains groupes de K-pop tel ce groupe féminin des Black Pink ou les plus connu BTS, les arts martiaux (le taekwondo ) et même le nombre d'inscrits au cours de langue coréenne, en pleine explosion ; sans oublier la cuisine avec notamment le kimchi, sorte de chou fermenté, assorti de poulet pané, les fameux Bubble-thé qui font fureur dans les centre-ville, ou encore la cosmétique coréenne à base d'ingrédients tout à fait étonnants (oeufs, citron, caviar, entre autres) pour éclaircir le teint et dont les marques commencent à s'imposer faisant pâlir nos marques traditionnelles.
Et bien sûr la littérature coréenne. Je suis moi-même très attirée par les auteurs coréens qui nous permettent d'aborder certaines thématiques, notamment la quête d'identité, selon un angle d'approche très différent du nôtre, plus décalé, plus onirique aussi. C'est ainsi que j'ai eu un coup de coeur l'an dernier pour La vie rêvée des plantes de Seung-U Lee, que j'aime tout particulièrement Sok-Yong Hwang dont le vieux jardin fut une belle découverte pour aborder l'histoire de ce pays, ou que j'ai ri aux éclats avec l'étonnant Placard de Un-Su Kim.
Nous avons cru à une tocade, à une mode mais cet engouement international pour la culture coréenne, qui porte le nom de Hallyu (soit, la vague coréenne) ne cesse de croitre, et si elle rassemble surtout des jeunes, elle a déjà emporté plusieurs générations. le made in Seoul est partout et concerne tout le monde !

En creusant par ailleurs le sujet de la fascination exercée par la Corée, nous trouvons pas mal d'articles et de podcast à ce sujet, ce fut l'objet d'une émission sur France Inter il y a encore quelques jours. Nous pouvons noter que certaines personnes pensent que cela proviendrait d'une stratégie coréenne bien rôdée. Comme l'explique Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l'IRIS, en charge du pôle Asie-Pacifique, ce mouvement serait la rencontre d'un engagement de l'Etat dans la promotion de l'industrie culturelle coréenne et des chaebols, ces grands groupes industriels coréens. « Leur force de frappe - des chaebols - permet de concentrer la production culturelle, la promotion, la diffusion, mais également de générer d'importantes retombées dans d'autres activités, comme les cosmétiques, la mode, le tourisme…C'est donc une stratégie commerciale qui est venue se greffer aux productions culturelles. »

Alors, orchestrée ou pas, pourquoi ne pas revenir aux fondements, aux légendes et contes de la culture coréenne pour tenter de comprendre cette fascination ou, du moins, pour l'aborder sous un autre angle ?

C'est ainsi avec un réel intérêt que j'ai choisi, durant cette période de fêtes, parmi la Masse Critique jeunesse, ce livre « Fables et légendes coréennes ». Constitué des grandes fables constitutives de la culture coréenne, c'est un recueil qui devrait plaire à tous les curieux désireux d'approcher cette culture, de se cultiver tout en rêvant et peut-être de comprendre l'engouement actuel suscité par ce pays, le pays du matin calme…

« Si vous regardez dans le ciel, de chaque côté de la voie l'actée, vous aurez peut-être la chance d'apercevoir les étoiles de l'amour. Cette histoire magique est le fruit d'une rencontre entre un garçon de ferme venu de la terre et une tisserande venue du ciel. Une fois par an, le septième jour du septième mois de l'année lunaire, ont lieu leurs intenses retrouvailles, un événement qu'on nomme Chilseok. Mais que s'est-il passé pour que l'on assiste à une séparation aussi tragique des deux âmes soeurs ? ».

Pour un livre de fables et de légendes, notons que l'objet en tant que tel n'est pas adapté je trouve. Contrairement à ce que laisse penser la belle couverture, il manque de dessins, il manque de couleurs, il manque de magie. Il a un abord relativement austère et ne donne pas envie de se plonger dedans, surtout lorsqu'on sait qu'il est avant tout destiné à un jeune public. Cela est d'autant plus important que les multiples noms coréens peuvent nous paraitre confus. Il n'y a que pages de texte sur pages de texte, ce qui n'est pas une invitation à la rêverie, à l'échappée belle, au surgissement des images évoquées par ces contes.

Ceci étant dit, ce livre ne manque pas d'intérêt pour découvrir le folklore coréen. Dans cet ouvrage en effet, nous nous immergeons dedans de façon claire et simple : nous y apprenons notamment dès les premiers contes comment Yulryeo, déesse et mère du cosmos, serait à l'origine du monde… C'est un nom à retenir, car elle est « l'une des divinités les plus importantes de la mythologie chamanique prébouddhiste de Corée ».
Nous avons également un chapitre sur Cheongryong, le dragon bleu faisant partie des quatre gardiens de la mythologie coréenne, sur Dangun, le père fondateur de la Corée, sur la géante de Jeju ou encore sur Gumiho la femme-renarde aux neuf queues.
Nous avons une explication éminemment poétique, ni religieuse ni scientifique, de la formation des montagnes, des volcans, des cratères, des fleuves.

« Il y a bien longtemps vivait une géante légendaire, Seolmundae Halmang. Elle créa un jour l'île de Jeju. Pour ce faire, elle avait rassemblé de la terre dans son tablier pour la semer au sud de la Corée et façonner alors une nouvelle île à son image. Elle l'avait nommée Jejudo.
Si elle était insatisfaite de sa qualité, elle jetait parfois quelques poignées de terre au milieu de l'océan, ce qui créait de nombreuses îles aux alentours. Elle avait cependant oublié qu'il y avait un trou dans son tablier : de la terre s'en échappait alors et tombait sur l'île, formant de petites montagnes volcaniques appelées oreum. Pour donner vie à l'archipel, Seolmindae chantait aussi des chansons en patois ».

Ces contes et légendes du calme matin, en plus de faire rêver ou de faire sourire, ont le don de transmettre certaines valeurs comme le courage, le dévouement, la bienveillance et bien entendu la sagesse.
A noter que chaque conte est suivi d'un petit chapitre faisant un focus sur le personnage mentionné précédemment, son apparition dans l'histoire coréenne, la géographie concernée, l'importance du conte en question et comment on peut en trouver encore des traces, cet aspect-là est très intéressant et permet de contextualiser chaque conte. C'est sans doute ce qui fait la richesse de ce recueil. le tout est complété par un glossaire en fin d ‘ouvrage, un arbre généalogique des personnages de ces contes, ainsi qu'une frise chronologique de l'histoire coréenne. C'est riche et on sent que l'auteure, Anne-Claire Duval, a eu à coeur de proposer de quelque chose de complet et de bien contextualisé.


Au final ces contes, à la base des légendes les plus populaires de Corée, sont très intéressants et riches. C'est une invitation au voyage, au dépaysement et à une découverture originale de la culture coréenne, dans ses fondements mêmes. Cependant, le livre en lui-même ne fait pas rêver et est assez austère, et c'est bien dommage car ce livre s'adresse a priori plutôt aux jeunes.
Quant à savoir si la fascination actuelle pour la Corée, l'Hallyu, est orchestrée ou pas, ce livre ne donne pas vraiment de clés mais ce n'est pas non plus son objectif. Approcher la culture coréenne suivant l'angle de ses légendes est déjà un bien joli objectif, brillamment atteint par Anne-Claire Duval ici !

Je remercie chaleureusement Babélio et les éditions Ynnis !


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