La soirée passe à toute vitesse et c’est une fois de plus sur un petit nuage que je regagne mes pénates, les yeux pleins de rêves et des papillons partout dans le ventre. Julien m’envoie un message pour me souhaiter de nouveau bonne nuit et je m’endors avec son visage gravé à l’intérieur des paupières et la caresse de sa voix dans les oreilles.
La douleur familière passe dans ma poitrine, s’installe quelques instants. Je l’accueille, sans chercher à l’éviter. Je la connais bien, je sais qu’elle repartira, pour revenir, et ainsi de suite. Il y a des choses dont on ne guérit jamais. On apprend juste à vivre avec.
Je n’ai pas le loisir de finir ma phrase. Cliché ultime, qui pourrait presque passer pour prémédité auprès de quiconque ne connaîtrait pas ma maladresse légendaire, mon pied dérape sur une plaque de verglas et je perds l’équilibre. Aussitôt, Julien me rattrape, tel le héros d’un film romantique (ou de l’un de ces dramas coréens que j’aime et que j’adore), et me serre dans ses bras pour m’empêcher de tomber. Rouge de honte, je relève les yeux vers lui et mon cœur s’affole dans ma poitrine. Là, tout de suite, nos visages sont si proches l’un de l’autre que, l’espace d’une poignée de secondes, j’ai l’impression qu’il va m’embrasser – et j’en ai vraiment, vraiment très envie.
L’espace d’un instant, je prie pour que le temps s’arrête et que je puisse rester ainsi, blottie contre lui, pour toujours.
N’importe quoi, pourvu que je puisse l’impressionner, l’éblouir autant qu’il m’éblouit, moi. Mais il me regarde avec un air si charmant, si ouvert, que mon cerveau semble s’être soudain vidé, mes neurones sont aux abonnés absents et j’ai un mal fou à aligner deux pensées cohérentes. Discuter, même de la pluie et du beau temps, me paraît tout à coup hors de ma portée.
Le soleil brillait, ce matin, et pourtant, la journée est soudain devenue sombre. Le métro est bondé et pourtant, il me semble vide.
Comment quelqu’un à qui l’on n’a jamais parlé, avec qui l’on ne partage que quinze minutes de sa journée, peut-il nous manquer à ce point ? Comment cette personne peut-elle avoir pris autant d’importance dans notre vie sans même en faire réellement partie ?
- C'est justement parce que je l’ai attendue toute ma vie que je ne veux plus perdre une seule seconde.
- Bien sûr que je l'ai acheté!
- Mais... c'est une histoire d'amour!
La remarque m'échappe avant que je ne pense à la retenir.
- Et alors? Qui a dit que les hommes ne pouvaient pas lire et aimer les histoires d'amour?
« Mais c’est une histoire d’amour ! s’exclama-t-elle, éberluée.
— Et alors ? Qui a dit que les hommes ne pouvaient pas lire et aimer les histoires d’amour ? »