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EAN : 9782808300568
80 pages
Cosmos (20/02/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
Janvier 2016 : Charleroi, Belgique.
En vertu d’un contrat connu partout en Belgique sous le nom Article 60, Cosmos est mis en insertion professionnelle au sein du Service Action Migrants, un service public du CPAS de Charleroi. Hop ! C’est donc parti pour deux ans. Et tout semble bien commencer dans une ambiance aux apparences ô combien conviviales.
Seulement voilà : tout juste quelques semaines après, cet homme doit déchanter, car il se rend vite comp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Moi j'ai déjà lu un bouquin écrit par cet auteur, ON NE MEURT QUE DEUX FOIS. Alors quand j'ai vu un poster sur son nouveau livre au bureau d'une asbl à Tournai, j'en ai été très intéressé. J'ai donc lu le livre, sur prêt. J'ai pris le temps de l'analyser, et j'ai le plaisir de publier mon analyse approfondie et détaillée.
J'vais d'abord parler de la forme. Il y a défaut comme il y a qualité. le principal défaut du livre est de ne pas présenter de Table des matières. Ce livre n'étant pas une fiction, étant un vécu de l'auteur, il devait avoir une Table des matières qui ressorte les différents thèmes correspondant à chaque chapitre. Plutôt, c'est au lecteur lui-même de deviner les thèmes du livre et les chapitres qui s'y rapportent. J'crois que c'est maladroit pour un auteur qui a déjà publié cinq livres, donc expérimenté, je suppose !
À part ce défaut, le style est impeccable. Ce qui surprend agréablement, c'est que pour un récit de vie qui narre des événements réels, la narration n'est pas plate comme on pourrait s'y attendre. Oui, l'auteur fournit des informations, mais il se préoccupe de le faire dans un style poétique, imagé et soutenu qui rend la lecture très agréable. C'est tellement agréable que j'ai lu le livre à trois reprises en quatre jours !
Pour ce qui est du fond, c'est un puits aux trésors !
J'ai répertorié de nombreux thèmes. le premier chapitre (le prologue) met en relief la formulation même du contrat article 60. Une formulation pour le moins bizarre, équivoque. Mon épouse a travaillé sous ce contrat en 2015. Vous avez comme entête un contrat à « durée indéterminée » puis, en bas, une petite note à peine visible qui dit « avec clause résolutoire ». Et cette clause résolutoire dit que votre contrat est résolu dès que vous travaillez pour un certain nombre de jours. Au fait, c'est comme une démonstration par l'absurde, puisque de toutes les façons vous n'avez pas le choix, vous devez forcément travailler pour un certain nombre de jours.
Le deuxième chapitre a trait au statut du travailleur sous article 60, un curieux statut qui semble jeter la personne en état d'infériorité vis-à-vis de ses collègues, du moment où de nulle part on ne lui reconnait un statut de travailleur normal : on l'appelle « Article 60 », on ne lui donne pas des clés, etc. Pire encore on a sur lui des idées stéréotypées, on le voit comme une personne n'ayant pas de compétences professionnelles réelles, d'où l'expression de surprise elle-même révélatrice : « un Article 60 qui écrit bien ! » Ce genre de contrat, les mauvaises gens l'appellent "travail alimentaire".
Le troisième chapitre évoque, comme on en voit souvent dans les services publics, l'acharnement de collègues d'une part et l'abus de pouvoir du Chef d'autre part. Pour une futilité, on se plaint au Chef, on revient confronter le collègue sur le même sujet alors qu'on en avait déjà laissé le soin au Chef, et on se permet une troisième fois de le jeter par écrit aux yeux de ce collègue. le Chef, lui, se permet de dire des choses désagréables au monsieur tout juste parce qu'il avait sollicité une petite aide en fin de journée. Mais là, moi personnellement je ne crois pas que le statut d'Article 60 y soit pour quelque chose. Je pense c'est la personnalité de l'auteur (comme il la décrit lui-même) qui l'a rendu écrasable : quand on fait l'enfant poli dans un service public, on se fait écraser ! Ce que ce monsieur a vécu ce n'est pas du harcèlement : c'est l'écrasement, pire que le harcèlement.
Les chapitres 4, 5 et 6 donnent une idée de ce que peuvent être l'inégalité des rapports de pouvoir, les tactiques subtiles d'écrasement, et le ressenti des victimes sur un lieu de travail. Deux faits narrés m'ont particulièrement interpellé. D'une part c'est la tactique de deux poids deux mesures. Si une rapportrice évite de mentionner dans un PV que par oubli des invitations avaient été formulées sans date ni l'heure, on peut comprendre que cette rapportrice ait pu considérer que l'erreur est humaine, et que ça ne sert à rien de culpabiliser l'auteur de cette erreur en affichant cela dans un PV. Mais alors pourquoi le même principe ne s'applique pas pour le collègue article 60 ? C'est donc raisonnable de croire qu'il y avait là une malveillance subtile, bien raffinée, avec pour but inavouable de jeter le discrédit sur ce collègue.
D'autre part, c'est cet incident rapporté à la page 71. Si des bénéficiaires d'un projet expriment leurs mécontentements pour des horaires qu'ils trouvent inappropriés, la démarche la plus naturelle c'est de les écouter pour renégocier les horaires. C'est une question de bon sens. Je ne vois pas en quoi, pour avoir proposé cette démarche, un travailleur devait répondre de cet acte. En tant que travailleur social, j'pense que cette histoire peut faire cas d'école, car elle évoque une réalité qui fait froid dans le dos.
En effet, l'une des obligations sacrées pour les opérateurs de projets qui reçoivent des subsides, c'est de privilégier l'implication des publics cibles dans toutes les phases du projet : planning, déroulement, évaluation, etc. Mais souvent c'est un vaste marché de dupe. Pour recevoir des subsides, on remplit les formulaires dans le sens des exigences des bailleurs de fonds, mais dans les faits les publics cibles ne sont impliqués que sur le papier, tout juste pour jeter la poudre aux yeux des bailleurs de fonds. Cela veut dire que dans la réalité, ils n'ont pas leurs mots à dire, ils sont assujettis aux programmes sans avoir le moindre droit de parole. Quand ils manifestent des mécontentements, on préfère leur dire d'aller se faire foutre que de les écouter. C'est malhonnête.
Le chapitre 7 est plutôt pathétique. Il faut être un sans-coeur pour ne pas avoir des frissons devant le drame émotionnel d'un homme au bord du suicide, et comme si cela ne suffisait pas, qui se voit accusé de dramatiser les choses, de « faire de petites choses des montagnes ». C'est ignoble, surtout quand on se rend compte que ça se passe dans un service public à vocation sociale.
Le chapitre 8 démontre l'élégance intellectuelle de cet auteur. Il fait table rase de ses propres douleurs et se préoccupe plutôt de ses anciens collègues, en prônant toute formation susceptible de leur faire acquérir des compétences relationnelles, de quoi restaurer une atmosphère paisible sur les lieux de travail. Cette préoccupation sublime, l'auteur nous en donne un avant-goût dès les premières pages du livre sous une citation percutante de Chrétien Guillaume :
« Ce n'est pas faux de dire que le temps guérit toutes les blessures. Au niveau physique, la guérison commence instantanément, et c'est notre corps qui fait le travail. Mais lorsqu'il s'agit des relations humaines, certaines blessures se cicatrisent en une journée, d'autres restent vives pendant toute notre vie. Parfois nous devons nous guérir nous-même, et parfois notre vraie tâche c'est de guérir les autres ».
Jean-Claude SAUREL
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Rien qu'à lire l'extrait envoyé par Marclaud, on apprécie bien le style de cet auteur. Ce sont des phrases dorées, comme on n'en voit que chez les spécialistes de l'écriture.
Je dois acheter ce livre à tout prix!

Car il évoque deux problèmes majeurs qui me tiennent à coeur: le problème des gens mis sous contrat article 60, dont moi (sous-estimation, manque de respect, etc.), et le problème du harcèlement moral sur les lieux de travail.
Le harcèlement psychologique est un problème réel, mais qui se manifeste par des tactiques tellement subtiles, tellement adroites et mesquines qu'il est difficile de le détecter. Seules les victimes savent ce dont elles souffrent, et seuls les harceleurs savent ce qu'ils font.
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Un ami m'a prêté un exemplaire reçu de l'auteur. C'est un livre super, un récit bien triste moulé dans une rhétorique formidable, avec des phrases comme je n'en ai jamais lues!
Sur le fond, c'est très pertinent ce sujet d'actualité car les travailleurs sous article 60 sont souvent vus comme des desperados, on les appelle Article 60, alors qu'on a jamais présenté une personne comme "voici notre CDI". En plus, la question du harcèlement moral au travail n'est plus à démontrer: c'est une question de lutte pour le pouvoir, une lutte souterraine qui se fait au-dessous des bises, des sourires, des embrassades et des tutoiements.

Merci, et congratulations, Cosmos.
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Bonjour,
D'abord pour répondre à Sylviron, tu écris que le récit de ce livre peut faire cas d'école pour les experts de la "communication comportementale". Je crois que tu veux dire plutôt les experts de la "comportementologie". Car la communication comportementale c'est la manière de tenir un discours devant un public, alors que la comportementologie étudie les comportements humains et les traits de caractère qui y sont liés.
Je suis entrain de lire ce livre, il ne me reste que quelques pages pour terminer. Mais déjà je trouve que c'est chef-d'oeuvre! le style est riche et éloquent. Quant au sujet, ce sont des problèmes qui existent mais dont on ne parle jamais ou peu. Je suis d'accord avec les autres internautes, oui, pourquoi appeler une personne "Article 60"? Ces personnes sont souvent considérées comme des gens qui ont raté le "parcours normal" et qui n'ont pas grande chance sur le marché de l'emploi. La plupart du temps ces personnes sont envoyées vers le nettoyage ou au mieux agents d'accueil. C'est comme des passagers encombrants ou en surplus. On ne les respecte pas, on les sous estime, on les considère comme apprentis, des subordonnés. je connais beaucoup de gens dans ce cas. Mais comme l'a bien écrit un internaute, moi non plus je ne crois pas que ce soit seulement le statut d'Article 60 qui soit à l'origine des maux de cet auteur. C'est plutôt une combinaison du statut Article 60 et sa personnalité. Dans le récit, je vois qu'il s'est laissé faire pendant trop longtemps. Son inertie donnait des ailes aux personnes qui l'embêtaient.
Moi je pense qu'un travail d'éducation publique doit être entrepris pour éradiquer ces préjugés qui entachent les personnes sous Article 60. Pourquoi ne pas appeler ce contrat simplement un CDD?
La page 71 du livre m'interpelle aussi. La réaction du monsieur fut professionnelle, et surtout la sérénité dont il fit preuve, et vous voyez là encore que son approche est dévalorisée tout simplement parce qu'on le considère comme Article 60, un apprenti qui ne doit pas prendre d'initiatives. Ce statut d'Article 60, c'est comme un symbole d'infériorité, à tel point que même quand le monsieur se plaint des agissements néfastes de ses collègues, on préfère l'ignorer jusqu'à ce qu'il en devienne malade. Quel vilain comportement de la part du Chef!
Diane FABUS
Charleroi
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Un livre super bien écrit. On y voit toutes les sales manigances possibles sur les lieux de travail.
De plus, cette question d'Article 60 est bien pertinente. Les travailleurs en CDI sous estiment leurs collègues Article 60, et croient avoir une ascendance morale sur eux/elles. Pourquoi appeler des personnes "Article 60" ?
Congratulations à cet auteur!
La seule chose qui me donne des soucis, c'est l'appellation de "rapporteuse". Est-ce "rapporteuse" ou "rapportrice"?

Jean-Jacques BUISSON
Charleroi
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le travail, cette force vive qui, en principe, devait nous unir et nous faire interagir en parfaite symbiose, au contraire, jouait la carte de nos égoïstes et, dans une logique mathématique, apportait sur un plateau d’or la zizanie dans nos cœurs. Nous étions en plein Régime de Vichy ! Oui, les uns semblaient être sources d’épouvante, les uns semblaient être des loups garous pour les autres. D’ailleurs, il nous fallait très peu d’efforts pour que nous nous rendissions compte que dans cet Armageddon, nous ne comprenions pas tous le même langage.
Ainsi, quand d’aucuns parlaient de collaboration, d’entraide et de solidarité, sitôt tout ce qu’ils gagnaient en retour, c’étaient de profondes morsures dans la chair et dans l’âme, morsures caractéristiques du code de conduite de leurs interlocuteurs. Tenez. Une collègue confia ses écrits à une autre collègue, sollicitant ainsi l’assistance de cette dernière pour relecture et correction de fautes éventuelles. L’autre s’empressa d’aller montrer ces fautes au Responsable de service…
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Le passage du livre qui m'a plu le plus, le voici:

Ce visage aux traits fins d’Emmanuel Macron venait
de virer carrément au visage épais de Donald Trump !
Commenter  J’apprécie          50

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