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Critique de fulmar


« Mon coeur est en repos, mon âme est en silence;
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu'affaiblit la distance,
À l'oreille incertaine apporté par le vent ».

J'ai l'âme artine, je la sens excellente, empreinte de sérénité.
Ce requiem va me permettre de trouver le repos, quiétude mélodieuse aux notes hypnotiques. Trouver de la chaleur au pays de la glace, transposer les sons du quotidien en phrases musicales, voici un écrivain on ne peut plus original. Son personnage de roman désire créer une oeuvre singulière à partir de la pluralité de tout ce qu'il entend dans son environnement, tache exaltante, faite de tous petits riens. Un requiem qui ne serait presque que rien. Oui, c'est ça, requiem et que rien, c'est presque les mêmes lettres. le requiem célèbre la mort, celle qui n'exprime plus rien.
N'y aurait-il donc rien à en dire ? Voici l'incipit.

« Je suis venu dans la maison pour composer de la musique. Pourtant, entendons-nous bien, je ne suis pas compositeur, mais j'aime mettre de la musique sur papier. (…) Il me semble le plus souvent que ces petits airs que je « compose » proviennent de l'extérieur. Stricto sensu je ne serais donc même pas leur auteur, mais ça m'est bien égal ».

Tout ce qu'il entend, il le consigne sur un carnet. L'assemblage des sons mémorisés devient un griffonnage de notes. Des bribes de vie, des instants fugaces, ce besoin de noter pour se souvenir, oui, mais pas des mots, des sons, qui font parfois un drôle d'air, histoire de s'arranger avec le réel, de se donner le droit d'embellir sa vie, qui part en sucette, acidulée mais fondante, et qui ne correspond plus avec ce qu'il est, un être en retrait du monde, qui fuit la société car il ne la comprend pas, passif plus qu'actif, qui observe et écoute mais ne communique pas ce qu'il ressent.

« Je n'arrive pas à entretenir d'échange avec personne, pas même avec les oiseaux. Tous me fuient à tire-d'aile. Ou serait-ce le contraire, est-ce moi qui me défile toujours » ?

Il ne participe qu'en écrivant des slogans publicitaires, phrases qu'il doit trouver pour gagner sa vie, un taf alimentaire qui ne remplit pas son existence. Il est contraint par une obligation de mots alors qu'il n'a juste qu'un désir de sons.
La musique adoucit les moeurs, et tout ce qu'il entend de l'extérieur, parfois loin d'être mélodieux, comme tous ces objets du quotidien qui nous abreuvent les oreilles, il souhaite les transformer en notes de musique, pour que la trépidation du monde devienne harmonie.

« 𝑱𝒆 𝒑𝒓𝒆́𝒇𝒆̀𝒓𝒆𝒓𝒂𝒊 𝒔𝒂𝒏𝒔 𝒅𝒐𝒖𝒕𝒆 𝒕𝒐𝒖𝒋𝒐𝒖𝒓𝒔 𝒍𝒆𝒔 𝒔𝒐𝒏𝒔 𝒂𝒖𝒙 𝒎𝒐𝒕𝒔, 𝒔𝒊 𝒍'𝒂𝒍𝒕𝒆𝒓𝒏𝒂𝒕𝒊𝒗𝒆 𝒔𝒆 𝒑𝒓𝒆́𝒔𝒆𝒏𝒕𝒆. »

Le problème, c'est qu'il oublie. Pas vraiment connecté le gars, tête en l'air, à côté de la plaque (tectonique), la lave coule et il a la fièvre.
Il égare et perd son carnet en moleskine, celui où il consigne.

« Or, ce qui rend la vie supportable, c'est de pouvoir oublier ».


Terrible dilemme, noter pour transformer, mais oublier pour supporter.
Il écrit des mots pour subsister, il essaie de composer de la musique pour divaguer. Mais le monde est triste, de quoi se retrouver en plein désarroi, et il se trouve incapable de transcrire sur une portée tous les sentiments qui l'assaillent. Comme l'allegro du même nom, assai, ça se bouscule dans sa tête, à toute vitesse, alors qu'il aurait espéré un mouvement lent, mais il n'a d'agios que les frais qu'il s'octroie, sans intérêt pour ce marginal qu'il est devenu.

« Je suis adepte du petit format en musique, bien que j'aie essayé l'autre. Satie est mon phare. Quand je pense à lui, c'est comme si une ampoule s'allumait - et en un tournemain s'éveille l'idée d'un petit air pour violon et boîte de café. La boîte devra être vide, je le préciserai dans la description, et la cuillère qui frappera en mesure son couvercle sera en argent ». 

Et sa fuite à l'Est du pays, dans ce petit village où il espère composer l'oeuvre ultime, loin de sa femme envers qui il a lui-même créé la distance irrémédiable qui les sépare désormais, ce repli devient sa décrépitude, sa chute, le requiem est bien trop imposant pour lui, inaccessible, il ne ressortira de ses notes qu'une marche funèbre.

« Je ferme donc le carnet, acceptant de terminer la création musicale du jour sur des notes sombres, dans l'attente que le soleil resurgisse de ces nuages musiciens. »

Quand j'écris ces mots, dehors j'entends la ritournelle lancinante du serin cini, arrivé déjà depuis deux semaines. le temps change, la sève monte dans mes veines, je me laisse happer par les sons, la SOLitude iSOLe, comme à l'écoute du concerto en SOL, majeur, de Ravel, adagio assai, la paix retrouvée.
Lamartine, Ravel, Eliasson, un trio qui détonne, la sérénité intégrale.
Je n'irai sans doute pas « Au bord de la Sanda », mais j'ouvrirai « La fenêtre au Sud » pour apprécier « Les excursions de l'écureuil », « Entre les arbres ».

Terre de feu et de glace, l'Islande aime les contrastes.
Gyrdir Eliasson est à l'image de son pays, esprit torturé qui exprime son désarroi par des petits riens.

Gainsbourg l'avait compris.

« Mieux vaut ne penser à rien que ne pas penser du tout, rien c'est déjà, rien c'est déjà beaucoup.
On se souvient de rien et puisqu'on oublie tout, rien c'est bien mieux, rien c'est bien mieux que tout.
Ce sont ces petits riens que j'ai mis bout à bout ».
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