Citations sur Papillon de nuit (87)
Je me demande ce qu’est la vie, ce qu’elle signifie. Peut-être n’est-elle rien de plus qu’une histoire, une histoire chaque fois différente et rare, racontée avec une voix propre. Certaines vies sont riches et grisantes, des odyssées narrées avec une telle ferveur et une telle passion qu’on se perd dans la langue du récit. D’autres foncent vers l’avant avec une telle puissance qu’on se laisse entraîner par le mouvement des événements, sans se soucier de la manière dont elles sont racontées, ni de la langue utilisée. On sait juste qu’elles ont eu lieu, et qu’on était là pour en entendre le récit.
Les gens ne regrettent jamais vraiment ce qu’ils ont fait, seulement ce qu’ils n’ont pas fait.
Kennedy avait un jour dit : Il n’y a pas de stèles blanches ou de couleur dans les cimetières militaires. Et c’était l’impression qu’on avait ce 22 novembre. Aucune division entre Blancs et Noirs dans notre chagrin.
Tout en lui est noué. Je ne sais pas comment l’exprimer autrement. Noué comme les lacets des chaussures du dimanche. Ses manières, ses paroles, ses tenues, tout est précis et méticuleux. Le pli de ses pantalons pourrait couper du papier. Regardez ses chaussures et vous voyez votre reflet. La blancheur de son col est surnaturelle, une blancheur céleste, comme s’il allait chaque soir s’acheter une chemise en ville, puis, une fois rentré chez lui, la frottait jusqu’au matin avec du Lysol et du bicarbonate de soude. Peut-être qu’il croit que la blancheur de son col compense la noirceur de son cœur.
Une fois que vous arrivez ici, vous n’en ressortez jamais. Les couloirs sont suffisamment larges pour trois hommes côte à côte, un au milieu, un gardien de chaque côté. Les murs sont peints en une nuance vague à mi-chemin entre le gris et le vert, et les noms, les dates et les messages d’adieu gravés dessus traversent la peinture jusqu’aux briques en dessous. Ici nous sommes tous innocents. Revenu du Vietnam pour arriver en enfer. Dites à M que je l’aime. Ce genre de choses. Les pensées désespérées d’hommes désespérés.
Et finalement l’odeur. Elle ne vous quitte jamais, même si ça fait une éternité que vous jouez à ce petit jeu. Elle vous saute aux narines chaque fois que vous vous réveillez, comme si c’était la toute première fois. Un mélange de Lysol et de détergent bon marché, les relents de la nourriture en train de pourrir, une puanteur de sueur, de merde et de sperme et, quelque part en dessous, l’odeur de la peur. De la futilité. Des hommes qui baissent les bras et s’en remettent à la justice d’une nation. Broyés par la main du destin.
Il semble impossible de se préparer à mourir.
Mourir, c’est la grande inconnue, la seule chose que nous faisons tous mais que nous ne pouvons raconter à personne.
Tout n’est qu’une question de décision. S’ils prennent des décisions assez fortes, les gens peuvent faire des choses incroyables. Vous avez déjà entendu parler de cette femme qui a soulevé une voiture pour dégager les jambes de son enfant ? Une petite femme toute mince, toute frêle, et elle a soulevé la voiture. Ce n’est pas Dieu, Danny… ce sont les gens.
Les gens se remettent de la perte de leurs amis, des membres de leur famille, a-t-il déclaré. D’une manière ou d’une autre, ils finissent toujours par s’en remettre. Et ce ne sont jamais les choses qu’ils ont faites ensemble qu’ils regrettent, c’est ce qu’ils n’ont pas fait.
J’ai réfléchi à ce qui compte dans la vie, aux choses importantes, comme la famille, les amis, avoir quelqu’un en qui l’on croit. J’ai réfléchi à la foi et à Dieu, à toutes les choses que mon père m’a dites dans mon enfance… et je ne peux pas dire qu’une seule d’entre elles soit aussi importante qu’aimer quelqu’un, être aimé par quelqu’un, et savoir que quoi qu’il arrive vous serez toujours là l’un pour l’autre…
Il semble y avoir de brefs moments dans nos vies où, malgré les circonstances, l’humanité des autres transperce. C’est comme si l’esprit humain indomptable - malgré l’oppression et les assauts - de dressait néanmoins, tel le Phénix renaissant de ses cendres, et nous nous rappelons alors que les gens sont attentionnés. Ils sont vraiment attentionnés.