Citations sur La parole humiliée (8)
Voici venus des temps redoutables : ceux de la "pensée molle" et de la parole humiliée.
Une indifférence empoisonnée s'élève lentement, comme un mauvais brouillard, des tumultes du moment et des querelles spectaculaires.
Les discours modernes ont basculé dans l'enflure et le dérisoire.
Rien ne serait plus vrai ni faux, tout deviendrait "égal" dans un monde du bavardage et du soupçon.
Philosophie, politique, littérature, journaux : une logorrhée de phrases vides et d'insignifiances submerge l'époque qui voit triompher l'image sur la parole, la "réalité" sur la vérité.
Les faux dieux sont toujours des dieux que l’on peut voir (et toucher) et c’est même cela qui est une démonstration de leur fausseté, de leur inexistence en tant que dieux. (page 96)
Par contre l’iconoclasme est toujours essentiel dans la mesure où d’autres dieux et d’autres représentations se manifestent? Ce n’est plus Dagon ou Ishtar, ou Melkhart contre qui nous avons à lutter, mais les trônes, puissances, dominations qui se nomment Argent, État, Technique, la nouvelle trinité spirituelle et qui se manifeste dans des idoles parfaitement visibles et uniquement du domaine visible.
(page 106) La parole humiliée
Mais ce qui s’est incarné, c’est encore une parole.
C’est la Parole qui s’est faite chair. Rien d’autre.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
La parole est, nous l’avons vu, manifestation de ce qu’il y a de plus secret en l’homme, elle est aussi proclamation.
Dire que c’est le Verbe qui s’est incarné, c’est dire que c’est la manifestation de Dieu, et c’est une proclamation.
L’inaliénable attestation que Dieu est dorénavant pour toujours avec nous, de notre côté, à nos côtés.
(page 63)
Parce que la seule relation avec Dieu est relation de parole, et rien d’autre.
Parce que ce Dieu biblique est celui qui parle, et rien d’autre.
Parce que le lieu de parole emporte avec lui toutes les connotations évoquées plus haut, l’amour, la liberté, l’éveil de l’autre à être lui-même sujet… tout est référé à la parole, dans l’ordre de la vérité.
Rien à la vue. La vision.
Il faut rappeler cette impossibilité de voir Dieu tout au long de l’Écriture : « Tu ne saurais contempler ma face, car il n’est mortel qui me puisse contempler et demeurer en vie » (Ex 33, 20) dit YHWH à Moïse lui-même.
(page 80)
L’image est du domaine de la réalité. Elle ne peut absolument pas transmettre quoi que ce soit de l’ordre de la vérité. Elle ne saisit jamais qu’une apparence, qu’un comportement extérieur. Elle est incapable de transmettre une expérience spirituelle, une exigence de la justice, un témoignage du plus profond de l’homme, d’attester de la vérité. Dans tous ces domaines elle se rapportera à une forme.
(page 34)
Nous sommes bien loin de ce mépris moderne pour ces mots et ces phrases qui n'engagent à rien et ne signifient rien. Mais c'est précisément parce que la parole est le lieu de la décision sur l'homme et aussi de l'homme que la Bible nous met en demeure d'être authentiques dans nos paroles.
Le texte de la Genèse qui établit la création sur la séparation contient en germe les notions les plus modernes sur le langage, car il nous dit que c'est la différence qui à la fois établit et provient de la parole. Elle confère l'être à chaque réalité, elle lui attribue une vérité, elle lui donne un dynamisme, elle lui impose une trajectoire déterminée, et ainsi démêle la confusion, le non-être. L'être vient de la parole, parce qu'il est distingué par elle du tout, et reçoit un sens. Tout naît de la parole, les choses sont désignées à cause de leur absence. Seul le désir parle. La complétude est silence.