Ce premier roman nous révèle les multiples facettes du talent de l'auteure et sa culture éclectique.
Sa plume est précise, soucieuse d'authenticité, truffée de citations et de détails accentuant la profondeur du récit et le réalisme de chaque scène.
Tantôt vive et alerte, elle nous plonge au coeur d'un drame bouleversant, tantôt plus légère, elle s'évade pour nous offrir une pause musicale ou poétique, toute en sensibilité.
Par une analyse psychologique très fouillée et très bien documentée, Nora nous place face à face avec la toute puissance destructrice de la Manipulation, utilisée par une mère pour rompre le lien paternel de ses enfants : a-lien-er=priver de lien. Cette stratégie diabolique basée sur un mensonge, est d'autant plus révoltante, qu'elle est ici utilisée dans le seul but de réaliser son dessein personnel. Zita, victime inconsciente de son passé, va reproduire le schéma-persécuteur-sauveur-victime. Alors que ses enfants, en sont les premières victimes, ils la considèrent comme leur « sauveur », et vont à leur tour être transformés en « bourreaux » pour leur père. Cette mère va procéder à une reprogrammation systématique de leur cerveau, en y substituant ses seules valeurs, de telle sorte qu'ils deviennent incapables de penser par eux-mêmes et agissent uniquement sous son emprise, persuadés qu'ils sont aux commandes, et que leur combat est une question de survie pour la fratrie. C'est ainsi que, paradoxalement, ils reconnaissent n'avoir jamais constaté aucune trace de violence de la part de leur père envers leur mère, mais ils sont néanmoins capables d'utiliser ce mensonge comme une arme pour anéantir leur père. Insidieusement, Zita avait déjà de longue date, préparé son entreprise perverse en sapant systématiquement l'autorité paternelle, de telle sorte que les deux adolescents adhèrent plus facilement à son projet. D'emblée Matt, l'aîné, en pleine crise d'autorité vis à vis de son père, se profile comme le chef: « -je veux être le chef et je remplacerai notre père, pour protéger notre mère. »- Oedipe n'est pas loin-. A partir de ce moment, l'abominable machination orchestrée par Zita, va se déployer à tous les niveaux comme une arme invincible, non seulement envers Robin, mais aussi envers la justice.
A la suite de Nora, nous ne pouvons qu'admirer le long cheminement et le douloureux travail d'introspection entrepris par Stella, pour découvrir l'horrible vérité qu'elle pressentait déjà. Zita, elle, s'obstinera jusqu'au bout à garder « sa » conception de la vérité. C'est là le propre de la Manipulation, cette force aveugle qui rend incapable de se remettre en question.
Cette même manipulation dont est victime Momo et qui arme son bras, à la fin du roman. Sublimant la scène, la musique et la danse, se révèlent alors comme un extraordinaire moyen de communion entre les êtres, au-delà de toutes les différences. L'art, à la fois passion et thérapie, cette force non violente qui a permis à la jeune héroïne de retrouver son équilibre après cette expérience traumatisante.
Ce roman soulève d'ailleurs la question de l'efficacité de la justice, capable de prendre des décisions mais incapable de les faire respecter, ainsi que celle de la formation des éducateurs dans les centres d'accueil. Il nous amène aussi à nous interroger sur l'utilisation à mauvais escient de certaines techniques de développement personnel, comme la PNL ou l'hypnose, les difficultés rencontrées par les enfants reconnus comme à Haut Potentiel dont la maturité émotionnelle est souvent en décalage par rapport à leur niveau d'intelligence, l'effet de groupe qui peut agir comme un catalyseur dangereux, la difficulté pour un artiste de vivre de son talent,..
Voilà une série de thèmes abordés dans ce superbe roman très touchant!
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