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Critique de Patlancien


Un accident, un vaisseau qui s'écrase sur la Terre, une race extra-terrestre qui se retrouve sur notre planète et qui la domine. Les Hoots qui ont des difficultés à se déplacer sur notre sol, ont vite transformé les hommes (les Sams) et les femmes (les Sues) en montures. Comme des chevaux, Les hommes sont élevés dans des stalles avec lit, eau chaude et froide, nourriture, vêtements. Des races sont aussi sélectionnées par les envahisseurs : les Tennessees sont les plus fins et les Seattles les plus robustes.

« Vous serez libres. Vous aurez un lit. Vous aurez un robinet et une étagère. Nous vous complimenterons si vous faites les choses assez vite et si vous ne faites pas les difficiles. Nous masserons vos jambes et nettoierons vos pieds, à vous, à tous les Sams et à toutes les Sues, et vous, les Sams, vous avez intérêt à bien vous tenir. Vous nous appelez toujours extraterrestres, bien que nous habitions votre monde depuis des générations. D'ailleurs, pourquoi appeler étrangers ceux-là même qui vous ont apporté la santé et le bonheur ? Regardez comme nous nous complétons, vous et nous. Comme si nous étions faits l'un pour l'autre alors que nous provenons de mondes éloignés. »

Le roman débute trois cent ans après l'arrivée des extraterrestres. Nous suivons Charley, un jeune humain qui est destiné à devenir la monture du futur chef des Hoots « Son-Excellence-Vouée-À-Devenir-Notre-Maître-À-Tous. » Elevé dans l'amour des maîtres, il ressent un certain dégoût pour les autres humains, les Sauvages qui vivent en liberté dans les montagnes. Ceux-ci refusent de respecter les règles édictées par les Maîtres et surtout ils se reproduisent sans respecter la pureté des races…

« Je suis un Seattle. Nous sommes les meilleurs en termes de taille et de force, même si nous ne sommes pas aussi rapides que les Tennessee. Je veux être un bon Seattle. Je veux être le meilleur de tous. Dans mon ancienne écurie, au-dessus de mon étal, il était écrit : « SMILEY », et en dessous, « FILS DE MERRY MARY. Sera bon pour le trait, bon trotteur de longues distances et bon étalon. » Ils l'avaient écrit dans notre écriture et dans la leur. Je peux les lire toutes les deux. Je serai libre de me proposer pour n'importe quelle fille de Seattle. J'aurai peut-être même le choix. »

Dans son roman, Carol Emshwiller prend le parti de nous raconter son récit à travers les yeux du jeune Charley âgé de 11 ans. le style est naïf et manque d'impartialité car écrit à la première personne. En effet, notre héros est partie prenante pour les envahisseurs. On est tellement habitué à se tenir du côté des opprimés que l'on a du mal à s'immerger dans cette histoire. C'est assez déstabilisant mais on finit par comprendre que toutes ces années de domestications ont pu empêcher ces hommes de développer un intellect propre à la liberté.

« Ils n'arrêtent pas de dire que les seuls qui soient vraiment libres, c'est nous.« Où serions-nous sans vos fidèles et sûrs appuis ? » Et puis, ils battent des oreilles (c'est leur rire) tellement ils sont heureux de nous avoir. C'est facile à comprendre, que feraient-ils sans nous ? Dans leurs maisons, ils doivent se déplacer en se traînant sur de petits tabourets. Je n'aimerais pas ça du tout. Nous sommes vraiment les plus chanceux. »

Le rapport dominant et dominé prend toute sa valeur dans la deuxième partie du livre lorsque Charley rencontre son père, un sauvage qui veut libérer tous les hommes de la suprématie des Hoots. Entre la soif de liberté du père et le conformisme à outrance du fils, La Monture est un roman qui sort des sentiers battus et possède une force qui lui a permis de recevoir le prix Philip K Dick et la reconnaissance de la critique pour son originalité.

« Mais nous, les Sauvages, nous sommes revenus, nous nous reproduisons en secret dans les montagnes. Mon père dit qu'ils ne peuvent pas avoir la moindre idée de notre nombre. Il dit qu'ils ont perdu notre trace parce qu'ils n'aiment pas les collines, encore moins les montagnes. Ils ont besoin d'endroits plats et sans relief. »

Ce roman est un hymne de 200 pages à l'humanité autant qu'à l'animal. Les deux se mêlent intimement l'un à l'autre au point que l'on ne sait plus très bien qui est qui et qui domine qui. On est perdu dès le départ. La dignité humaine devra-t-elle correspondre à une vie d'esclave douce et rangée ou devra-t-elle être une vie libre mais dure et dangereuse ? La solution n'est certainement pas simple et le livre essaiera pourtant de nous donner une réponse. Si vous êtes prêt pour ce voyage déroutant, si vous êtes prêt à être chevauché par un Hoot, si vous êtes prêt à remettre en cause votre perception de la nature humaine, alors cette aventure est faite pour vous. Je vous invite à la découvrir et à l'apprécier comme je l'ai fait.

« Comme si cette fleur était différente de toutes les autres, même de sa propre espèce. Comme si toi aussi tu n'étais pas de ton espèce, mais de toi-même, ni moi de mon espèce. Avance, avance, avance, maintenant, avance.
Nous avançons. »
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