"
Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants" se déroule trois ans avant le début des travaux de la chapelle Sixtine. En froid avec le pape Jules II, dont il sculpte le futur tombeau,
Michel-Ange décide d'accepter l'invitation à Istanbul du sultan Bayazid, qui souhaite que le sculpteur réalise un pont pour relier les deux rives du Bosphore. Son rival
Léonard de Vinci a échoué quelques années auparavant sur le même projet, ce qui, ajouté à la récompense promise par le sultan, représente un défi fort motivant.
Dans la capitale turque, avec pour guide Mesihi, un jeune poète avec lequel il noue une relation ambiguë, il découvre la majesté harmonieuse de monuments conçus dans le souci d'y laisser l'être humain occuper une place centrale, admire la grandeur des édifices et l'habileté de leurs concepteurs à dompter la lumière, s'étonne de la tolérance qui règne dans cette ville où cohabitent en toute sérénité juifs, musulmans et chrétiens.
Il rencontre également une mystérieuse danseuse à la beauté androgyne, dont le souvenir peuple bientôt ses nuits...
Mathias Enard exploite les traits de caractère reconnus pour avoir été ceux du sculpteur pour alimenter son histoire, utilisant l'anecdotique pour étoffer son héros, le rendre vivant. Sa saleté et sa laideur, qui le complexait terriblement, sa difficulté à communiquer -voire son asociabilité-, ses accès de colère, sont ainsi des composantes de son personnage.
Y sont bien sûr également évoqués son obsession de la beauté, qui le rend si exigeant envers lui-même, et son amour pour la perfection de la matière, qu'il travaille avec passion, alors qu'il se montre pathologiquement incapable de toucher les vrais corps, de lâcher prise face à la beauté vivante...
Il imagine les tâtonnements de l'artiste en quête de cette perfection, les mécanismes spirituels et les considérations plus pragmatiques qui précédent la création, supposant, inventant les traumatismes ou les souvenirs qui viennent interférer dans la conception de l'oeuvre, l'enrichissant parfois.
il dote son récit d'une part de mystère, et se laisse parfois aller à des excès de lyrisme qui revêtent son texte d'une sorte d'irréalité, comme si l'auteur avait préféré mettre en avant la part d'imagination, de fantasmagorie que lui inspire le personnage de
Michel-Ange, plutôt que de s'efforcer de rendre son texte historiquement crédible, plutôt que de tenter de percer le mystère de l'individu à partir duquel il crée son héros.
Lien :
https://bookin-ingannmic.blo..