Citations sur Éloge de la folie (97)
La Nature, souvent plus marâtre que mère, a semé dans l'esprit des hommes, pour peu qu'ils soient intelligents, le mécontentement de soi et l'admiration d'autrui.
L'illusion ôtée, toute l'œuvre est bouleversée ; ce travesti, ce fard étaient cela même qui charmait les yeux. Il en va ainsi de la vie. Qu'est-ce autre chose qu'une pièce de théâtre, où chacun, sous le masque, fait son personnage jusqu'à ce que le chorège le renvoie de la scène ? Celui-ci, d'ailleurs, confie au même acteur des rôles fort divers, et tel qui revêtait la pourpre du roi reparaît sous les loques de l'esclave. Il n'y a partout que du travesti, et la comédie de la vie ne se joue pas différemment.
Raconter la vie d'Erasme. c'est raconter les commencements de la Réforme et du grand mouvement littéraux et religieux du seizième siècle, auxquels il a été si intimement mêlé. Nous n'avons pas la prétention,on !e comprendra facilement, de résumer en quelques lignes une époque si curieuse et si remplie, et qui mérite un travail étendu que nous présenterons peut-être quelque jour au public. C'est donc une simple notice que nous donnons aujourd'hui.
Recevoir une pierre sur la tête, voilà un vrai malheur. Mais pour le reste, honte, infamie, opprobres, injure, ce sont des maux qu'autant qu'on les ressent. Quel tort te font les sifflets du peuple entier du moment que l'on s'applaudit soi-même ? Or, seule la Folie rend la chose possible.
Il y'en a qui ne sont riches qu'en espérance.
Ces recettes pour prêcher sont un secret que les petits frères se passent de main en main. Sans y être initiée, voici ce que je m'en figure. Ils commencent par une invocation, usage appris des poètes; puis s'ils ont à parler sur la charité, ils tirent leur exorde du Nil, fleuve d’Égypte; s'ils racontent le mystère de la Croix, ils ont recours avec à-propos au dragon Bel de Babylone; s'il s'agit du jeûne, ils rappellent les douze signes du zodiaque; et, voulant parler de la Foi, ils s'étendent longuement sur la quadrature du cercle.
La noble guerre est faite par des parasites, des entremetteurs, des larrons, des brigands, des rustres, des imbéciles, des débiteurs insolvables, en somme par le rebut de la société, et nullement par des philosophes veillant sous la lampe.
Ô toi ! Le plus fou de tous les hommes, toi qui aspire à la sagesse, pèse un peu, je te prie, toutes les peines, toutes les inquiétudes qui déchirent jour et nuit ton âme, jette un coup d’œil sur les épines que cette sagesse sème sur tous les instants de ta vie, et tu connaîtras enfin de quelle foule de maux je préserve mes favoris !
Le monarque deviendra bientôt insupportable à son peuple, le valet à son maître, la suivante à sa maîtresse, le disciple à son précepteur, l’ami, à son ami, le mari à sa femme, l’hôte à son hôte, le camarade à son camarade, s’ils ne sont occupés sans cesse à se bercer mutuellement des douces illusions de l’erreur, de la flatterie, de la complaisance ou de quelque autre agréable folie.
Ah ! Si les hommes renonçant entièrement à la sagesse, passaient avec moi tout le temps de leur vie, ils ignoreraient les désagréments de la triste vieillesse, et les charmes d’une jeunesse continuelle rependant à chaque instant sur eux la joie et le bonheur !