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Citations sur Le bâtiment de pierre (39)

IIs marchaient d'un pas dolent, très lentement, comme s'ils étaient chargés de chaînes et traînaient un écrasant fardeau. Ils avaient tous les pieds blessés. Le plus grand - il avait seize ou dix-sept ans - avait entouré d'un morceau de linge sale sa jambe cassée au-dessous du genou. Faute de béquille, il s'appuyait sur le gamin le plus proche, qui avait à peu près la même taille que lui. II avançait en sautillant, les dents serrées, au prix d'efforts qui déformaient son visage et faisait palpiter ses joues comme des ailes chétives. Il semblait sauter à cloche-pied en un cruel jeu de marelle... IIs passaient, la tête basse, les yeux fixes, le regard éteint, sans dire un mot. Un instant, j'ai oublié où j'étais, je me suis crue dans un hôpital de campagne proche du front, parmi des soldats revenant de guerre. Un bataillon de blessés laissant traîner derrière eux leurs bandages, portant les morts sur leur dos, vaincus, couverts de boue et d'un sang noir prêt à couler encore. C'étaient les enfants du bâtiment de pierre. Tout noirs, décharnés, des enfants coupables, battus sinon à mort, du moins sans pitié. Dépositaires des fautes commises au fil des générations, plus habitués que nous au froid et aux humiliations, leurs os se ressoudent plus rapidement que les nôtres... Enfants des rues impitoyables, des marchés désertés, des châlits, tous semblables sur leurs photos d'identité, résistant à la mort, ne trouvant pas de tragédie à leur mesure, et dont quelques-uns "sont susceptibles de se corriger". Surgis au cœur de l'invisible, ils venaient des vallées dépeuplées, des marécages, des sombres rêves souterrains. Lointains et solitaires, comme en plein désert. On aurait dit qu'ils marchaient depuis des mois et des années et qu'ils allaient marcher encore des mois des années. Même s'ils n'avaient plus la force de faire un seul pas.
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C’est grâce à une énergie qui n’est pas la vôtre et que l’on emprunte à un autre soi-même, que l’on traverse la nuit du monde. C’est grâce à une force arrachée à l’avenir que l’on survit, que l’on chemine vers un jour nouveau. Mais votre nuit atteint l’horizon longtemps avant vous.
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Tu avances lentement, à grand-peine, dans cette nuit toujours semblable, vers la fenêtre au bout du mur, vers ce visage humain émacié et étrange que reflète la vitre embuée… Tu chemines vers le monde extérieur dont les contours indécis apparaissent derrière ton reflet. [..] Tu voudrais gravir l’escalier du ciel, te changer en une clarté d’un or pâle et faire pleuvoir tes rêves sur la nuit, sur les eaux ténébreuses, sur le long sommeil agité des hommes.
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Quant à moi… Je me suis racontée, encore et encore, de façon partielle, incomplète, erronée. À tout propos, hors de propos. Dans un style dépouillé ou dans la langue de la tragédie… Terrorisée par le spectre de la mort, j’ai rassemblé quatre ou cinq mots au son creux rivés dans le silence, j’ai employé des mots qui se taisent plus qu’ils ne parlent.
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Je grimpe marche après marche dans la vacuité du ciel, plus haut chaque nuit, sur les versants escarpés de la solitude humaine… Pour pouvoir continuer à vivre, il faut être quelqu’un et c’est beaucoup plus facile parmi les pierres et sur les toits venteux.
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Si seulement nous avions pu arriver ensemble. Côte à côte, dans la même nuit, dans le même sang, le même cri… Peut-être aurions-nous pu rassembler les lettres et comprendre ce qui s’est passé… Nous aurions pu raconter, et en racontant déterminer ce qui est réel. Nous aurions pu terminer d’une phrase l’histoire interrompue et la préserver.
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Nous sommes apparus dans l’aube limpide comme des rêves, comme de fines ombres inquiètes laissées par la nuit. Nous sommes sortis l’un après l’autre du bâtiment de pierre… Nous nous sommes dispersés sans parler, sans nous dire adieu, sans échanger un seul regard. Pour que nos destins ne se croisent plus, même si nous nous retrouvions une fois encore dans une rue, dans un bâtiment de pierre, dans une cour, dans une salle déserte pleine de mort, nous n’aurions pas d’autre choix que de ne pas nous reconnaître.
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Dans les cellules sans fenêtre, dans les caves où n’entre jamais la lumière du jour, entre les murs témoins de leurs cris, il s’étaient retirés parmi les ombres. Au septième sous-sol. Ils étaient apparus, silhouettes silencieuses sculptées dans les ténèbres au sein de l’invisible.
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Chacun de nous est un être humain, disais-je, entre les lignes, ce dernier homme que Diogène cherchait dans les rues, une lampe à la main, que chacun cherche, pour lui parler, pour l’entendre, pour lui donner la vie ou la mort.
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Quand je l’ai revu, A était devenu un homme des ténèbres. On aurait dit que la nuit, dans sa course rapide, l’avait laissé là. Il semblait ne même pas remarquer la lumière du jour, tout s’illuminait, lui seul restait dans l’ombre. Les yeux baissés, il parlait lentement, mais sans s’arrêter. Parfois, il hochait la tête pour étayer ses propos, parfois il répétait plusieurs fois les mêmes mots, ou bien, pris de doute, il prenait un air étonné, balbutiait et reprenait depuis le début. Il s’efforçait de rassembler des morceaux épars à l’aide des mots les plus éculés, les plus impersonnels, il les rapiéçait avec du papier journal, tâchant de remettre les objets sans nom éparpillés en tous sens à la place qu’ils avaient perdue à tout jamais.
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