Requiem pour une ville perdue n'est pas un roman. C'est bien plutôt un texte poétique qui prend la forme d'une méditation sur des thèmes graves comme les origines, la naissance, la vie, la mort. L'écriture est sensuelle et féminine – la narratrice est une femme – grave, désespérée, onirique, violente aussi. Elle prend parfois la forme d'une danse macabre.
La lecture demande une certaine concentration. Ce n'est pas un livre à emporter dans les transports en commun. Mieux vaut s'isoler pour le lire dans sa chambre, ou s'échapper dans la nature en solitaire.
On retrouve des constantes tout au long du texte. Ce sont, pour ce qui concerne les couleurs, le rouge et le bleu, le noir aussi. C'est encore la cigarette de la narratrice quand elle écrit.
Le récit est assez confus. Il est bien découpé, mais comporte plusieurs départs. L'auteur met en scène le processus d'écriture. On voit les feuillets s'accumuler et se disperser autour d'une narratrice plurielle, tantôt "je", ou "tu", tantôt "elle". L'écriture semble impuissante à exprimer sa souffrance, elle ne fait pas sens. Les mots sont des coquilles vides.
L'auteur donne quelques clés pour la compréhension de son texte :"Je suis le récit de moi-même". Son écriture est très personnelle, en effet. Elle semble se chercher et s'inventer constamment. Tout cela est toutefois bien hermétique. Il faut s'efforcer de trouver un sens. le texte arrive par vagues, se répète dans un rythme qui évoque la mer, très présente. La ville n'est pas nommée, mais on comprend qu'il s'agit d'Istanbul, avec son port, et ses chats errants, et le quartier historique de Galata.
L'écriture d'
Asli Erdogan est tourmentée. Elle exprime les angoisses de l'auteur face au sens de la vie, lorsqu'elle évoque la mort, le temps qui passe, l'abandon.
J'avais tenté une première lecture il y a longtemps, j'ai réussi, cette fois, à entrer dans l'univers d'
Asli Erdogan. Ce n'est pas facile, plutôt déprimant, mais il s'en dégage une réelle poésie.