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Critique de AgatheDumaurier


Ce roman fort intéressant traite trois thèmes majeurs ; je ne sais pas dans quel ordre d'importance les classer. Disons que c'est un roman d'apprentissage (le narrateur a treize ans et nous raconte un été qui a changé sa vie) dont l'action se déroule dans une réserve indienne des Etats-Unis et est centrée autour du viol de la mère du héros, Joe. L'auteure mêle avec beaucoup d'adresse les trois axes de son récit.
1988. Les Autochtones américains (il y a de nombreux termes pour désigner les Indiens, qui font polémiques, je ne m'y retrouve pas trop, d'autant plus que les Canadiens, les Américains du nord du centre et du sud ne sont pas d'accord...Je vais essayer de tous les employer.) vivent pour la majorité dans des réserves qui sont des Etats dans l'Etat. Ils ont leurs propres lois, qui s'appliquent exclusivement sur leur territoire, et selon la tribu. le père de Joe est juge, sa mère travaille sur la généalogie des familles Natives dispersées et ravagées. Un après-midi, elle rentre choquée, terrorisée : elle a été violée. Où ? Comment ? Par qui ? Pourquoi ? Autant de questions qui seraient compliquées sur le territoire fédéral (j'espère que je ne me trompe pas dans les termes) et qui deviennent quasi ingérables sur la réserve. Si le viol a eu lieu hors du territoire, c'est la loi de l'état concerné qui s'applique. Si c'est à l'intérieur, c'est le droit indien. La mère de Joe ne sait pas où elle a été violée, on lui a bandé les yeux. Ajoutez à cela le racisme des "Blancs" (terme générique pour désigner les descendants de colons européens) qui s'entraident à harceler les Indiens, et vous aurez un cocktail propre à enflammer chez Joe la flamme de la vengeance.
Un roman d'apprentissage sur l'adolescence : face à l'injustice flagrante, à l'impuissance juridique de son père, à la dépression de sa mère, qu'il ne reconnaît plus, Joe doit changer, réagir, agir. Avec ses copains. C'est l'amitié à la vie à la mort, l'aventure, le courage, la transgression, la maturité.
Une description de la réserve, ce monde hybride né des persécutions des colons européens puis de leurs descendants américains, où le catholicisme se mêle à la religion originelle, où le mode de vie occidental s'insinue partout dans les traditions tribales. Contes anciens et Alien, plumes et vélos, cheveux longs, nattés et baskets mode, alcool et trucs bizarres qui se fument, fantômes, esprits, et rationalité grecque, présages, animaux totem, sodas sucrés caféinés, rêves prémonitoires et armes à feu...Un mélange assez extraordinaire pour une civilisation que l'on a presque détruite...J'ai songé souvent en lisant à Heydrich et la solution finale, où l'historien Edouard Husson explique qu'Hitler voulait faire aux Juifs ce que les Américains ont fait aux peuples autochtones : prendre toutes leurs biens et les laisser dans des réserves (en Sibérie pour Hitler, ou à Madagascar...), les affamer...Les colons ont massacré tous les bisons, comme le rappelle un conte dans le roman...Eh oui, il ne reste pas grand chose aux Indiens d'Amérique, et même ce petit reste, il faut qu'ils se battent chaque jour pour le conserver...
Cependant Joe est la preuve que la vie est plus forte. Il mène un combat politique, mais aussi pour lui-même, en tant qu'être humain réclamant justice. Un combat cruel et dangereux, où la Nature, la Providence, qui sait quoi, se moque bien de l'histoire des peuples et rejoue tout à chaque instant, sans pitié.
Très belle réussite.
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