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Citations sur Réflexions sur la question gay (17)

Le voyage dans l'histoire est le moyen de comprendre les systèmes de pensée qui régissent les institutions, d'en défaire l'évidence et l'assurance normative, et de desserrer ainsi les barreaux instaurés dans les consciences par les technologies disciplinaires. (p. 389)
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[…] le fait d'appartenir à une catégorie opprimée n'a jamais empêché personne de perpétuer l'oppression des autres (être victime du racisme n'empêche pas d'être soi-même raciste ou homophobe, et être homosexuel n'empêche pas d'être raciste ou d'adhérer à des idéologies politiques conservatrices, voire rétrogrades et même fascistes). Comme le dit Goffman, "l'individu stigmatisé sous un aspect peut faire montre de tous les préjugés des normaux à l'encontre de ceux qui le sont sous d'autres aspects. Il ne saurait donc y avoir d'idée préconçue de la solidarité des dominés ou des opprimés : elle ne peut être que construite, acquise, et souvent contre les préjugés qui structurent les modes de pensée des dominés eux-mêmes. (p. 198)
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[…] la subversion est toujours partielle et localisée. Elle ne peut être pensée que relationnellement : liée à un contexte, à une situation, à une institution. La subversion subvertit quelque chose, à un moment donné, ou bien n'est rien du tout. Par conséquent, il faut se demander sur quel point opère une "subversion" et ce qu'elle déstabilise. Et chercher à savoir ce qui, dans chaque situation, est le plus "subversif". Il apparaît alors clairement que, dans certains cas, l'aspiration au "conformisme" est plus déstabilisatrice et peut se révéler bien plus subversive que toutes les proclamations révolutionnaires. L'on constate même aujourd'hui que ceux qui défendent l'ordre social (ou l'"ordre symbolique") contre les revendications du droit au mariage homosexuel peuvent, à l'inverse, parfaitement ignorer les comportements qui se croient subversifs, ou même, chez les plus "libéraux" d'entre eux, les apprécier et les encourager comme un ailleurs exotique dans lequel ils aimeraient cantonner les gays et les lesbiennes plutôt que les laisser revendiquer l'accès à l'égalité. La "subversion" est désormais concédée aux gays et aux lesbiennes, à condition qu'ils n'en sortent pas. Ce qui tendrait à montrer que ce qui est subversif aujourd'hui, c'est de refuser ce rôle assigné et attendu socialement. La dénonciation obsessionnelle, au début des années quatre-vingt-dix en France, du "communautarisme" (c'est-à-dire des "espaces de liberté" dont parlait Foucault) a bien vite cédé la place à la dénonciation acharnée, et de toute évidence bien plus décisive pour les défenseurs de l'ordre établi, des revendications, pourtant "universalistes", du droit au mariage, à la parenté, à la famille (cette demande d'être reconnus par les valeurs établies dont Foucault disait qu'elle était bien plus "folle"). Et l'on voit même les deux accusations coexister dans les mêmes discours, au détriment de toute cohérence ou de toute logique : ne restez pas dans les marges, n'entrez pas dans la norme ; ne soyez pas dehors, ne soyez pas dedans… Bref : disparaissez, on ne veut plus entendre parler de vous. (p. 194-195)
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Foucault […] développera l'idée d'une "culture gay" à créer, ce qui revient à dire que la sexualité des individus tisse entre eux des liens d'appartenance collective aux quels il convient de donner une physionomie, des contours, un contenu qui restent à inventer et ne sauraient être prescrits ou définis à l'avance. Mais cette conception "minorisante" de Foucault, n'est ni "séparatiste" ni "assimilationniste". La "culture gay" qu'il appelle de ses vœux n'est pas "assimilationniste" car il la conçoit au contraire comme ce qui permettra de contourner et donc de déstabiliser les institutions de l'order établi. Elle n'est pas "séparatiste" puisqu'elle entend produire des transformations culturelles et sociales qui pourraient s'adresser également aux hétérosexuels qui étouffent dans les carcans de la normalité. (p. 189)
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Si l'on peut penser avec Eve Kosofsky Sedgwick que la tension entre des aspirations "universalisantes" (qui inscrivent l'homosexualité dans un continuum de pratiques sexuelles) et les aspirations "minorisantes" (qui considèrent au contraire les homosexuels comme un groupe distinct des autres) est effectivement constitutive de l'histoire du mouvement gay, et plus généralement de l'histoire de l'homosexualité au XXe siècle, on peut aussi penser que les notions auxquelles se référaient ces deux courants ("assimilation", "intégration", "indifférence" d'un côté, "monde gay", "minorité", "différence" de l'autre) n'ont jamais été très stables, ont voyagé d'un côté à l'autre et ont revêtu des significations multiples et parfois contradictoires dans des configurations culturelles différentes, un même discours pouvant avoir des significations opposées et des objectifs contraires à des moments différents de l'histoire ou d'un pays à l'autre. (p. 186)
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Le coming out est une conversion. Mais s'il peut être décrit comme le geste d'un "instant", celui de la décision, il faut aussitôt ajouter que celle-ci doit être reconduite en permanence. Au fond, le coming out, c'est le projet de toute une vie : car la question se pose toujours de savoir où, quand et devant qui il est possible de ne pas cacher ce que l'on est. La nécessité de choisir réapparaît dans chaque nouvelle situation de l'existence : pour un enseignant qui se retrouve devant une nouvelle classe ou un nouvel amphi, pour un étudiant qui rencontre son directeur de thèse, pour tout gay ou toute lesbienne devant un nouveau médecin, un nouvel employeur, un nouvel environnement professionnel, ou tout simplement face au marchand de journaux ou au chauffeur de taxi qui tiennent des propos homophobes. (p. 173)
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Toute la difficulté de "l'authenticité" pour un gay, c'est qu'il est bien difficile de savoir comment s'identifier à une "identité" qui est nécessairement plurielle, multiple : c'est une identité sans identité. Une identité toujours à créer. En effet, il n'y a pas de "moi" à "être", qui préexisterait à ce que l'on fait advenir à l'existence, dès lors qu'on veut s'arracher aux contenus psychologiques imposés par le discours social et culture (médical, psychanalytique, juridique…) sur l'homosexualité. C'est pourquoi Henning Bech peut dire que l'homosexuel est un "existentialiste-né" car l'existence précède et précédera (toujours) l'essence : l'identité gay, dès lors qu'elle est choisie et non plus subie, n'est jamais donnée. Mais pour se construire, elle se réfère nécessairement à des modèles déjà établis, déjà visibles (dans leur multiplicité), et l'on peut dire, par conséquent, qu'il s'agit de "se faire gay" non seulement au sens de se créer comme tel, mais aussi, peut-être, de le faire en s'inspirant d'exemples déjà disponibles dans la société et dans l'histoire, et en les retravaillant, en les transformant. Si "identité" il y a, c'est une identité personnelle qui se crée dans le rapport à une identité collective. Elle s'invente dans et par les "personnages sociaux", les "rôles" que l'on "joue" et qu'on porte à l'existence dans un horizon de recréation collective de la subjectivité. (p. 171-172)
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C'est donc parce qu'un « personnage fantôme » hante l'homosexuel malgré lui et que « ce personnage » n'est autre « que lui-même sous le regard d'autre » ou, ce qui revient au même, lui-même tel qu'il est assigné à une place particulière et infériorisée dans l'ordre sexuel, que tout gay doit un jour « prendre parti », et se choisir lui-même ou bien renoncer à la liberté pour s'annihiler comme personne afin de se plier aux exigences de la société qui l'insulte en tant qu'homosexuel mais lui refuse le droit de se dire gay. Les « Juifs inauthentiques, dit Sartre, sont des hommes que les autres hommes tiennent pour Juifs et qui ont choisi de fuir devant cette situation insupportable ». L'« inauthenticité » est donc une soumission à l'ordre social et aux structures de l'oppression, et l'« authenticité », d'abord et avant tout un refus de cet ordre. Il ne s'agit pas - cela va sans dire - de juger les uns et les autres et d'établir une échelle morale ou politique pour évaluer les comportements : chacun fait ce qu'il peut ; ou ce qu'il veut ! Mais l'on comprend pourquoi, et c'est là l'important, Sartre peut dire que l'authenticité ne saurait se manifester que « dans la révolte ». (p. 170-171)
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L'homosexuel qui parle de sa vie « privée » rompt la situation « normale » puisque celle-ci est définie comme telle par le fait que, « normalement », comme dit le langage de tous les jours, l'homosexualité n'est pas dicible ou, ce qui n'est pas très différent, n'est pas souvent dite. Toute parole qui consiste à dire l'homosexualité ne peut dès lors être entendue que comme une volonté de l'affirmer, de l'afficher, comme un geste de provocation ou un acte militant. La sortie de la honte est toujours perçue comme la proclamation de la fierté (ce qu'inévitablement elle est toujours, puisque celui qui énonce l'homosexualité et le fait ainsi entrer dans le discours autrement que comme un objet de plaisanterie ou comme un objet tout court, mais comme la prise de parole d'un sujet, a bien conscience que ce qu'il va dire sera entendu de cette manière). On ne peut jamais dire simplement qu'on est homosexuel : on l'affirme toujours envers et contre tout, envers et contre tous, et non seulement contre ceux qui voudraient empêcher qu'on puisse le dire, mais aussi contre ceux qui objectent qu'il n'est pas besoin de le dire. C'est pourquoi il y a toujours une certaine théâtralité propre à l'affirmation homosexuelle. Ce n'est donc pas en vertu du fait que, comme l'écrit Sartre, « puisque nous ne faisons que jouer ce que nous sommes, nous sommes tout ce que nous pouvons jouer ». C'est au contraire parce qu'un homosexuel doit si longtemps jouer ce qu'il n'est pas qu'il ne peut ensuite être ce qu'il est qu'en le jouant. C'est vrai. Mais il ne peut en être autrement.
On l'a vu : il y a une énergie qui sourd de la honte, qui se forme en elle et par elle et qui agit comme une force transformatrice. Cette énergie s'exprime dans l'identité théâtralisée, dans la performance (au sens anglais), dans l'exhibitionnisme, l'extravagance ou la parodie. L'exhibitionnisme et la théâtralité sont sans doute, et ont été historiquement, parmi les gestes les plus importants qui ont permis de défier l'hégémonie hétéronormative. Et c'est d'ailleurs pourquoi ils ont toujours fait l'objet d'attaques si virulentes. La honte donne son énergie à l'exhibitionnisme, à l'affirmation de soi comme théâtralité, c'est-à-dire à l'affirmation de soi tout court. (p. 163-164)
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Il faut rappeler à tous ceux qui dénoncent la « ghettoïsation » des gays et lesbiennes dans les grandes villes (ce qui n'est souvent qu'un mot d'injure euphémisée pour exprimer une réaction phobique à l'égard de leur visibilité collective) que ce « ghetto » visible (et la métaphore du « ghetto » masque ici que ce dont il est question est tout le contraire d'un ghetto !) est d'abord et avant tout une manière d'échapper au « ghetto » invisible, au « ghettto » mental, c'est-à-dire la mise au secret d'une bonne partie de leur existence et de leur personnalité à laquelle sont contraints de nombreux individus qui ne peuvent ou n'osent pas vivre leur homosexualité autrement que derrière l'écran de la dissimulation et du secret. La visibilité est alors le moyen d'échapper à ce terrible « ghetto » intérieur de l'âme assujettie par la honte de soi. (p. 156)
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