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Citations sur Réflexions sur la question gay (17)

C'est donc parce qu'un « personnage fantôme » hante l'homosexuel malgré lui et que « ce personnage » n'est autre « que lui-même sous le regard d'autre » ou, ce qui revient au même, lui-même tel qu'il est assigné à une place particulière et infériorisée dans l'ordre sexuel, que tout gay doit un jour « prendre parti », et se choisir lui-même ou bien renoncer à la liberté pour s'annihiler comme personne afin de se plier aux exigences de la société qui l'insulte en tant qu'homosexuel mais lui refuse le droit de se dire gay. Les « Juifs inauthentiques, dit Sartre, sont des hommes que les autres hommes tiennent pour Juifs et qui ont choisi de fuir devant cette situation insupportable ». L'« inauthenticité » est donc une soumission à l'ordre social et aux structures de l'oppression, et l'« authenticité », d'abord et avant tout un refus de cet ordre. Il ne s'agit pas - cela va sans dire - de juger les uns et les autres et d'établir une échelle morale ou politique pour évaluer les comportements : chacun fait ce qu'il peut ; ou ce qu'il veut ! Mais l'on comprend pourquoi, et c'est là l'important, Sartre peut dire que l'authenticité ne saurait se manifester que « dans la révolte ». (p. 170-171)
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Cette lutte [résistance efficace à l'injure et au processus de stigmatisation sociale des « déviants » de l'ordre sexuel] ne relève pas seulement de la mobilisation politique, ni même de la création culturelle. Elle est une transformation de soi et du monde qui passe par chaque geste accompli, par chaque parole prononcée pour se libérer, autant que faire se peut, du poids de l'homophobie intériorisée comme adhésion tacite au monde social tel qu'il est. Elle est la somme de tous ces micro-déplacements et de ces micro-actions qui se substituent à, ou, en tout cas, contribuent à contrecarrer la somme qui continuera d'être présente des micro-lâchetés, des micro-démissions, des infimes renoncements et des silences innombrables dont al totalité constitue la réalité vécue de la domination et de sa perpétuation. Mais un tel processus ne peut être porté à l'existence par des volontés individuelles que si celles-ci sont soutenues par la consciente qu'il s'agit d'une entreprise collective de recréation de soi comme ensemble d'individus libres et autonomes, comme « sujets » de soi-même. D'où l'importance de la visibilité collective. D'où aussi, à l'inverse, la nécessité pour tous ceux qui travaillent à perpétuer l'ordre sexuel tel qu'il est de toujours dénoncer cette visibilité. (p. 116)
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Le voyage dans l'histoire est le moyen de comprendre les systèmes de pensée qui régissent les institutions, d'en défaire l'évidence et l'assurance normative, et de desserrer ainsi les barreaux instaurés dans les consciences par les technologies disciplinaires. (p. 389)
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[…] la subversion est toujours partielle et localisée. Elle ne peut être pensée que relationnellement : liée à un contexte, à une situation, à une institution. La subversion subvertit quelque chose, à un moment donné, ou bien n'est rien du tout. Par conséquent, il faut se demander sur quel point opère une "subversion" et ce qu'elle déstabilise. Et chercher à savoir ce qui, dans chaque situation, est le plus "subversif". Il apparaît alors clairement que, dans certains cas, l'aspiration au "conformisme" est plus déstabilisatrice et peut se révéler bien plus subversive que toutes les proclamations révolutionnaires. L'on constate même aujourd'hui que ceux qui défendent l'ordre social (ou l'"ordre symbolique") contre les revendications du droit au mariage homosexuel peuvent, à l'inverse, parfaitement ignorer les comportements qui se croient subversifs, ou même, chez les plus "libéraux" d'entre eux, les apprécier et les encourager comme un ailleurs exotique dans lequel ils aimeraient cantonner les gays et les lesbiennes plutôt que les laisser revendiquer l'accès à l'égalité. La "subversion" est désormais concédée aux gays et aux lesbiennes, à condition qu'ils n'en sortent pas. Ce qui tendrait à montrer que ce qui est subversif aujourd'hui, c'est de refuser ce rôle assigné et attendu socialement. La dénonciation obsessionnelle, au début des années quatre-vingt-dix en France, du "communautarisme" (c'est-à-dire des "espaces de liberté" dont parlait Foucault) a bien vite cédé la place à la dénonciation acharnée, et de toute évidence bien plus décisive pour les défenseurs de l'ordre établi, des revendications, pourtant "universalistes", du droit au mariage, à la parenté, à la famille (cette demande d'être reconnus par les valeurs établies dont Foucault disait qu'elle était bien plus "folle"). Et l'on voit même les deux accusations coexister dans les mêmes discours, au détriment de toute cohérence ou de toute logique : ne restez pas dans les marges, n'entrez pas dans la norme ; ne soyez pas dehors, ne soyez pas dedans… Bref : disparaissez, on ne veut plus entendre parler de vous. (p. 194-195)
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Foucault […] développera l'idée d'une "culture gay" à créer, ce qui revient à dire que la sexualité des individus tisse entre eux des liens d'appartenance collective aux quels il convient de donner une physionomie, des contours, un contenu qui restent à inventer et ne sauraient être prescrits ou définis à l'avance. Mais cette conception "minorisante" de Foucault, n'est ni "séparatiste" ni "assimilationniste". La "culture gay" qu'il appelle de ses vœux n'est pas "assimilationniste" car il la conçoit au contraire comme ce qui permettra de contourner et donc de déstabiliser les institutions de l'order établi. Elle n'est pas "séparatiste" puisqu'elle entend produire des transformations culturelles et sociales qui pourraient s'adresser également aux hétérosexuels qui étouffent dans les carcans de la normalité. (p. 189)
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Le coming out est une conversion. Mais s'il peut être décrit comme le geste d'un "instant", celui de la décision, il faut aussitôt ajouter que celle-ci doit être reconduite en permanence. Au fond, le coming out, c'est le projet de toute une vie : car la question se pose toujours de savoir où, quand et devant qui il est possible de ne pas cacher ce que l'on est. La nécessité de choisir réapparaît dans chaque nouvelle situation de l'existence : pour un enseignant qui se retrouve devant une nouvelle classe ou un nouvel amphi, pour un étudiant qui rencontre son directeur de thèse, pour tout gay ou toute lesbienne devant un nouveau médecin, un nouvel employeur, un nouvel environnement professionnel, ou tout simplement face au marchand de journaux ou au chauffeur de taxi qui tiennent des propos homophobes. (p. 173)
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L'homosexuel qui parle de sa vie « privée » rompt la situation « normale » puisque celle-ci est définie comme telle par le fait que, « normalement », comme dit le langage de tous les jours, l'homosexualité n'est pas dicible ou, ce qui n'est pas très différent, n'est pas souvent dite. Toute parole qui consiste à dire l'homosexualité ne peut dès lors être entendue que comme une volonté de l'affirmer, de l'afficher, comme un geste de provocation ou un acte militant. La sortie de la honte est toujours perçue comme la proclamation de la fierté (ce qu'inévitablement elle est toujours, puisque celui qui énonce l'homosexualité et le fait ainsi entrer dans le discours autrement que comme un objet de plaisanterie ou comme un objet tout court, mais comme la prise de parole d'un sujet, a bien conscience que ce qu'il va dire sera entendu de cette manière). On ne peut jamais dire simplement qu'on est homosexuel : on l'affirme toujours envers et contre tout, envers et contre tous, et non seulement contre ceux qui voudraient empêcher qu'on puisse le dire, mais aussi contre ceux qui objectent qu'il n'est pas besoin de le dire. C'est pourquoi il y a toujours une certaine théâtralité propre à l'affirmation homosexuelle. Ce n'est donc pas en vertu du fait que, comme l'écrit Sartre, « puisque nous ne faisons que jouer ce que nous sommes, nous sommes tout ce que nous pouvons jouer ». C'est au contraire parce qu'un homosexuel doit si longtemps jouer ce qu'il n'est pas qu'il ne peut ensuite être ce qu'il est qu'en le jouant. C'est vrai. Mais il ne peut en être autrement.
On l'a vu : il y a une énergie qui sourd de la honte, qui se forme en elle et par elle et qui agit comme une force transformatrice. Cette énergie s'exprime dans l'identité théâtralisée, dans la performance (au sens anglais), dans l'exhibitionnisme, l'extravagance ou la parodie. L'exhibitionnisme et la théâtralité sont sans doute, et ont été historiquement, parmi les gestes les plus importants qui ont permis de défier l'hégémonie hétéronormative. Et c'est d'ailleurs pourquoi ils ont toujours fait l'objet d'attaques si virulentes. La honte donne son énergie à l'exhibitionnisme, à l'affirmation de soi comme théâtralité, c'est-à-dire à l'affirmation de soi tout court. (p. 163-164)
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Il faut rappeler à tous ceux qui dénoncent la « ghettoïsation » des gays et lesbiennes dans les grandes villes (ce qui n'est souvent qu'un mot d'injure euphémisée pour exprimer une réaction phobique à l'égard de leur visibilité collective) que ce « ghetto » visible (et la métaphore du « ghetto » masque ici que ce dont il est question est tout le contraire d'un ghetto !) est d'abord et avant tout une manière d'échapper au « ghetto » invisible, au « ghettto » mental, c'est-à-dire la mise au secret d'une bonne partie de leur existence et de leur personnalité à laquelle sont contraints de nombreux individus qui ne peuvent ou n'osent pas vivre leur homosexualité autrement que derrière l'écran de la dissimulation et du secret. La visibilité est alors le moyen d'échapper à ce terrible « ghetto » intérieur de l'âme assujettie par la honte de soi. (p. 156)
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Le langage quotidien (tout comme le langage des images) est de part en part traversé par des rapports de force, par des rapports sociaux (de classe, de sexe, d'âge, de race, etc.), et c'est dans et par le langage (et l'image) que se joue la domination symbolique, c'est-à-dire la définition - et l'imposition - des perceptions du monde et des représentations socialement légitimes. Le dominant, comme le dit Pierre Bourdieu, est celui qui réussit à imposer la manière dont il veut être perçu, et le dominé, celui qui est défini, pensé et parlé par le langage de l'autre et/ou celui qui ne parvient pas à imposer la perception qu'il à de lui-même. Seules les périodes de crise sociale, culturelle, ou au moins l'irruption de mobilisations politiques ou culturelles, peuvent permettre une mise en question de cet ordre symbolique des représentations et du langage dont al force principale est de se présenter comme ressortissant aux évidences d'un ordre naturel, immuable, et sur lequel on ne s'interroge pas ou sur lequel on s'interroge faussement pour mieux le réaffirmer dans son arbitraire en le présentant comme ayant toujours existé.
La mobilisation politique, l'action politique, sont toujours des batailles pour la représentation, pour le langage et les mots. Ce sont des luttes autour de la perception du monde. La question qui s'y joue est de savoir qui définit la perception et la définition d'un groupe et la perception et la définition du monde en général. La mobilisation, l'action politique, consistent souvent, pour un groupe, à essayer de faire valoir, d'imposer la manière dont il se perçoit lui-même, et d'échapper ainsi à la violence symbolique exercée par la représentation dominante. Mais il convient de préciser qu'il n'y a pas, pour les gays, encore moins pour les « gays et lesbiennes », une manière d'être et de se penser soi-même qui préexisterait et qu'il conviendrait de découvrir et de manifester au grand jour, et encore moins une seule et unique manière d'être et de « se percevoir », ce qui constitue toute la complexité du mouvement gay et lesbien et explique le fait, si souvent souligné, que les définitions qu'il peut donner de lui-même ne sont que des constructions provisoires, fragiles et nécessairement contradictoires entre elles. (p. 117-118)
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Le monde est « insultant » parce qu'il est structuré selon des hiérarchies qui emportent avec elles la possibilité des injures par le moyen desquelles l'inégalité (entre ce qu'on doit être et ce qu'il conviendrait de n'être pas) s'extériorise (quand elle est lancée par les uns) et s'intériorise (quand elle est reçue par les autres), s'apprend et se transforme en identités différentielles et différentiellement vécues. (p. 98)
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