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Citations sur Les cruelles étoiles de la nuit (47)

Elle rassembla les notes qu’elle avait prises puis observa une courte pause, avant de se lever.
– Merci de votre visite, dit-elle en tendant la main.
– Vous ne…?
– Merci, répéta Åsa, nous ferons tout notre possible, comme je vous l’ai déjà dit.
– Il est peut-être mort, assassiné ?
– Qu’est-ce qui vous incite à le croire ?
Laura Hindersten se leva. Sa frêle silhouette semblait sur le point de voler en éclats. Elle chancela et Åsa eut le réflexe de tendre la main pour la retenir.
Son arrogance n’est qu’un masque, au fond, pensa-t-elle, dans un accès de mauvaise conscience et de sympathie envers cette femme.
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– Parfait, reprit Åsa. A-t-il l’habitude d’aller se promener et, dans ce cas, où ? Il y a un bois, pas très loin de chez vous.
– Il ne sort jamais se balader.
– Vous êtes-vous querellés ? Existe-t-il des motifs de conflit au sein de la famille ?
Laura Hindersten resta sans rien dire, baissa un instant les yeux et Åsa crut l’entendre marmonner quelque chose avant de les relever. Sa voix était glaciale et trahissait un total refus de coopérer.
– Nous avons d’excellents rapports, si vous êtes capable d’imaginer ça.
– Pourquoi ne le serais-je pas ?
– Votre métier ne doit pas vous y prédisposer.
– En effet, répondit Åsa avec un sourire. C’est un métier plutôt banal et déprimant, mais il est évident que nous ferons tout notre possible pour retrouver votre père.
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– Je comprends, fit Åsa en hochant la tête.
Nouveau rire sec et bref.
– Il a donc quitté la maison familiale vendredi dernier. Vous a-t-il fait part de ses projets pour la journée ?
– Aucun. Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai constaté sa disparition en rentrant de mon travail. Il n’a pas laissé de mot sur la table de la cuisine et je n’ai rien trouvé dans son agenda, quand je l’ai consulté.
– Avez-vous relevé des indices laissant penser qu’il ait emporté des affaires personnelles ?
– Non, pas à ce que je sache.
– Son passeport ?
– Il est toujours dans le tiroir de son bureau.
– Votre père a soixante-dix ans. A-t-il donné des signes de perturbation, a-t-il…
– Si vous voulez dire qu’il serait atteint de démence sénile, je peux vous assurer que vous vous trompez. Il est en pleine possession de ses facultés intellectuelles.
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– Votre père était-il déprimé, ces derniers temps ?
Åsa Lantz-Andersson baissa les yeux dès qu’elle eut posé la question. Le regard de la femme qui se trouvait en face d’elle était si impérieux qu’il était difficile à soutenir. Laura Hindersten la clouait sur place comme pour lui dire : je ne crois pas que vous retrouverez mon père, pour une simple et bonne raison : vous êtes une bande d’incapables qui a juste enfilé un uniforme pour se déguiser.
– Non, dit-elle d’une voix ferme.
Åsa poussa inconsciemment un soupir. Son bureau était couvert de dossiers et chemises.
– Il ne donnait pas de signes d’inquiétude ?
– Je vous ai déjà dit que non, il était comme d’habitude.
– C’est-à-dire ?
Laura Hindersten éclata d’un rire sec et bref qui rappela à l’agent une institutrice qu’elle avait eue jadis : elle pourrissait l’existence des enfants par son orgueil mêlé à l’amertume de devoir supporter des élèves aussi stupides.
– Mon père est chercheur, il enseigne à l’université et il consacre son existence tout entière à l’œuvre de sa vie.
– À savoir ?
– Ce serait trop long de vous expliquer mais, pour faire bref, je peux vous dire que c’est un des experts de Pétrarque les plus en vue de tout le pays.
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– Vous avez peur, maintenant ?

Dorotea Svahn poussa un soupir.

– J’ai peur de vieillir. Qu’est-ce que je vais devenir, si je ne peux plus tenir sur mes jambes ? J’ai peur du silence. C’est…

Elle baissa les yeux sur la table.

– Un homme pareil, quel dommage qu’il ait connu une fin comme ça.

Elle se mit à pleurer en silence. Beatrice tendit la main et la posa sur celle de la femme, qui leva alors le regard.

– C’est bizarre, il faut que ce soit quelque chose d’affreux, quand il y a un peu d’animation, ici.
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Qui était Petrus Blomgren ? Comment vivait-il ? Elle contourna l’angle suivant de la maison et constata que l’endroit respirait le calme, mais plus encore la solitude, surtout à cette époque de l’année. Au mois de mai, c’était sans doute différent et inspirait plus à l’optimisme. Pour l’heure, la nature se dépouillait, se mettait en veilleuse, se refermait autour de ses amas de pierres et ses fourrés. Elle s’arrêta pour tenter de percer des yeux la végétation qui entourait la maison, immobile, car le vent s’était calmé. Ce spectacle lui rappela les couronnes mortuaires et les branches de sapin qu’on étale sur le parcours du cortège, et elle crut entendre sonner le glas du Jugement dernier, un jour d’automne, sur des paroissiens recroquevillés et économes de leurs mouvements.

Ne déprime pas, pensa-t-elle. On n’a pas le temps de se laisser aller.
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Quel motif peut-on avoir de tuer un vieil homme ? Lindell s’arrêta, poussa un grand soupir et sortit son carnet de notes neuf, dont elle avait un peu honte. Au cours de l’été, elle avait lu un roman policier, le premier depuis de nombreuses années, dans lequel le personnage principal possédait un carnet sur lequel il consignait tout ce qui pouvait présenter un intérêt quelconque. Au début, elle avait trouvé cela un peu stupide mais, une fois sa lecture achevée, l’idée de faire de même lui avait traversé l’esprit à diverses reprises. Un jour, passant par hasard devant une librairie, elle y était entrée hâtivement et avait fait l’emplette d’un de ces blocs pour la modeste somme de trente-deux couronnes. Elle le transportait partout où elle allait, maintenant, et avait le sentiment de s’être ennoblie dans ses fonctions policières et d’être plus efficace. Peut-être n’était-ce qu’une illusion, mais ce n’était pas la pire de sa profession. De toute façon, ce n’était pas un carnet qui allait changer grand-chose.
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Elle poussa un grand soupir, cueillit une baie qu’elle fourra dans sa bouche et scruta les alentours. Il n’y avait rien d’extraordinaire à voir : une poignée de pommiers qui n’étaient plus très jeunes, une bordure de fleurs fanées sur le bas-côté et une échelle rouillée accrochée à un pignon. Elle examina celle-ci de plus près, ainsi que les crochets qui la retenaient. Cela faisait longtemps qu’on n’y avait pas touché, apparemment.

Derrière la maison se dressait un cairn dont la forme titillait l’imagination. De gros blocs de pierre se vautraient les uns sur les autres comme s’ils disputaient une épreuve de lutte. Après s’être affrontés, ils semblaient en voie de se réconcilier et, ployant sous les ans, couverts de mousse et de polypodes, ils s’étaient figés lourdement l’un contre l’autre.
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Pendant près de deux heures, les techniciens Jönsson et Mårtensson avaient passé la maison au peigne fin. C’était maintenant au tour de ceux de la Criminelle, mais Lindell avait du mal à s’attarder dans la maison de Blomgren. Elle n’aurait su dire pourquoi, car cela ne tenait pas seulement au sentiment oppressant qu’elle éprouvait toujours chez ceux qui avaient été victimes d’actes de violence. Peut-être un peu d’air frais me ferait-il du bien, se dit-elle en sortant de nouveau dans la cour.
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Elle se pencha et lut : « Voici l’automne, à nouveau. La première neige. Ma décision, je l’ai prise seul. Comme toujours. J’ai toujours tout décidé par moi-même. On finit par en avoir assez. Je suis désolé de ne pas m’être mis en règle à propos de tout. Ma dernière volonté : je demande qu’on n’abatte pas le vieil érable. Pas encore. Qu’on le laisse tomber tout seul. C’est mon grand-père qui l’a planté. Je sais que ce n’est pas beau de se pendre, mais je n’ai pas d’autre solution. Je suis parvenu au terme de mon existence. »

C’était signé : Petrus Blomgren.
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