AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastasia-B


Les Sept Contre Thèbes d'Eschyle est l'épisode des Tragédies Labdacides (c'est-à-dire traitant de la famille royale de Thèbes par contraste aux Tragédies dites Atrides et traitant de la famille royale d'Argos qui a soutenu la fameuse Guerre de Troie) qui s'insère juste entre l'Oedipe Roi et l'Antigone de Sophocle.

Il s'agit de l'instant précis où Polynice, le fils d'Oedipe, chassé de Thèbes par son frère Étéocle, mobilise des souverains voisins pour faire valoir ses droits au trône de Thèbes et reprendre la couronne de la tête de son frère.

Sept armées se présentent donc aux sept portes de la cité Cadméenne, où Étéocle organise la défense héroïque de la ville. C'est lui qui se charge en personne de défendre la porte où se présente son frère Polynice.

La malédiction de la descendance du grand-père Laïos, qui a osé aller à l'encontre des volontés divines en ayant un fils, qui sera Oedipe, le célèbre parricide et incestueux rejeton de Jocaste, se poursuit par un bon vieux fratricide, lequel fratricide entraînera la fameuse et fatale révolte d'Antigone, mais n'anticipons pas sur le destin…

Le théâtre d'Eschyle est le plus archaïque des trois grands tragédiens grecs (Eschyle-Sophocle-Euripide). Et, s'il n'est pas l'inventeur stricto sensu de la tragédie, il en est le principal codificateur, et, en ce sens, l'authentique géniteur. C'est lui qui a introduit beaucoup des " nouveautés ", qui sont pour nous les marques les plus ostensibles du théâtre classique (masques, tenues spéciales, organisation de la scène et du choeur, utilisation de cothurnes pour les acteurs leur permettant d'être mieux vus et entendus du public, etc.).

La fonction civique du théâtre d'Eschyle est évidente, on pourrait même qualifier son théâtre de très « didactique ». Ici, dans Les Sept Contre Thèbes, même si le message d'allégeance aux dieux est omniprésent, le message qui semble le plus fort est celui de l'union civique, de faire front commun face à l'ennemi ou aux agresseurs de tout poil de la cité. Il fustige les femmes qui sapent le moral des troupes par leur effroi et leur cris de terreur face aux intimidations de l'ennemi.

On sait qu'Eschyle, outre le fait d'être un grand auteur et un grand acteur, était aussi un grand combattant dont le civisme (au sens patriotisme pour sa cité) n'était pas à questionner. Il s'empare d'un mythe connu de tous pour faire passer son message à lui : moins de paroles et plus d'actes. Les langues ne font pas de la belle ouvrage, quand vient le danger, retroussons-nous les manches et ne cédons pas à la panique.

Je trouve que cet antienne est très à la mode en ce moment, qu'on lui fait revêtir toute sorte de formes, toutes destinées à dresser les uns contre les autres, faisant de tels les défenseurs universels d'une soi-disant morale et tels les soi-disant dangers vis-à-vis de ladite soi-disant morale. Je me méfie toujours des étiquettes et des défenseurs auto-proclamés de quoi que ce soit.

Et sur un plan plus historique, je suis toujours surprise que cette thématique et cette pièce n'aient pas été plus mises en avant lors de la Révolution française et de l'attaque de la République par les diverses monarchies européennes, lesquelles attaques sont à l'origine de notre fameux hymne national. Je vous recopie des morceaux qu'on pourrait croire tout droit tirés de cette tragédie et vous affirme n'avoir pas changé plus de trois ou quatre mots par rapport à l'original (très souvent on s'arrête au premier couplet mais dans la suite de la Marseillaise, il y a des exhortations à la haine assez hallucinantes. Jugez plutôt :

« Allons enfants de Thèbes, le jour de gloire est arrivé ! Contre nous de la tyrannie, L'étendard sanglant est levé, Entendez-vous dans nos campagnes, Mugir ces féroces soldats ? Ils viennent jusque dans vos bras. Égorger vos fils, vos compagnes !

« Aux armes citoyens ! Formez vos bataillons, Marchons, marchons, Qu'un sang impur, Abreuve nos sillons.

« Quoi ces cohortes étrangères ! Feraient la loi dans nos foyers ! Quoi ! ces phalanges mercenaires, Terrasseraient nos fils guerriers ! Grands Dieux ! par des mains enchaînées, Nos fronts sous le joug se ploieraient, de vils despotes deviendraient, Les maîtres des destinées.

« Tremblez, tyrans et vous perfides, L'opprobre de tous les partis, Tremblez ! vos projets fratricides, Vont enfin recevoir leurs prix ! Tout est soldat pour vous combattre, S'ils tombent, nos jeunes héros, Thèbes en produit de nouveaux, Contre vous tout prêts à se battre.

« Amour sacré de la Cité, Conduis, soutiens nos bras vengeurs, Liberté, Liberté chérie, Combats avec tes défenseurs ! Sous nos drapeaux, que la victoire, Accoure à tes mâles accents, Que tes ennemis expirants, Voient ton triomphe et notre gloire ! »

C'est bluffant, n'est-ce pas ? Mais j'arrête là mes comparaisons oiseuses. Cette pièce se lit assez bien, même si elle réclame souvent ici ou là quelques explications. Je trouve qu'elle n'atteint pas la puissance littéraire et tragique d'un Sophocle, mais ce n'est là que mon avis à 7 contre 1, c'est-à-dire, bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          1293



Ont apprécié cette critique (128)voir plus




{* *}