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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Déroutant en apparence, incroyablement subtil, un noir polar de l'Ouest américain.

Publié en 2011 (fin 2012 en France, dans une toujours efficace traduction d'Anne-Laure Tissut), le dix-septième roman de Percival Everett, brillante incursion dans le roman noir typé « Ouest américain », est largement conçu pour dérouter le lecteur, et en rendre compte sans « spoiler » trop lamentablement n'est pas évident…

Une fois de plus, Percival Everett prouve que son talent lui permet de s'immiscer avec naturel dans les codes et les marqueurs de n'importe quel genre littéraire, ou presque. Ogden Walker, shériff adjoint d'une petite ville fictive du Nouveau-Mexique, à proximité de Taos, métis afro-américain d'un père noir, disparu en ayant clamé toute sa vie sa méfiance et sa détestation de l'Amérique WASP, et d'une mère blanche, désormais aimante et paisible vieille dame, est un policier relativement peu doué, mais de bonne volonté, apprécié de son chef et de son collègue, même si l'inadaptation à la dureté du monde et la déchirure intime de son identité peuvent le hanter à l'occasion. Sa seule véritable passion (qui donne au roman ses pages les plus lyriques mais aussi son clin d'oeil le plus évident au « nature writing ») est la pêche, et la fabrication des mouches qui va avec… Géographie de l'Ouest et autre clin d'oeil au genre obligeant, il n'hésitera guère, lorsque nécessaire – et même si cela peut surprendre ses confrères habitués à une approche plus casanière – à parcourir en voiture les centaines de miles séparant vite les points nodaux d'une enquête, à l'instar des policiers navajos Joe Leaphorn et Jim Chee, qui, chez Tony Hillerman, disposent toutefois de puissants parapets personnels face à la folie du monde, dont notre Ogden Walker n'est sans doute pas équipé…

Pour ce roman formidablement rusé, l'auteur a multiplié les indices discrets qu'une première lecture permet difficilement de décrypter « à temps » : composé de trois parties, au faux air de nouvelles indépendantes, mystérieusement juxtaposées, il présente pourtant bien les trois marches de la « montée aux enfers » annoncée par le titre français, que le titre original, « Assumption », renforçait d'une nuance ambiguë peut-être pas innocente : de même qu'Ogden Walker, confronté aux imbroglios de faux-semblants et de mensonges amassés dans la première partie autour du possible trésor de guerre d'une secte suprématiste blanche et dans la deuxième partie autour de l'éventuel magot d'un proxénète, doit se garder de suppositions trop rapides et d'acceptations trop immédiates des apparences, le lecteur devrait éviter (conseil d'ami…) les présomptions trop tentantes quant à ce qui se déroule « vraiment » sous ses yeux. Et l'on peut méditer sur l'écho ironique de cette phrase, page 65, que j'avoue avoir totalement ratée à la première lecture (et ce sera donc le seul « spoiler », j'espère) : « Il examina de nouveau la pièce, passant tout au peigne fin, regardant tout ce qui ne semblait pas à sa place. Il se rendit compte que rien n'était à sa place. ». Par acquis de conscience, voici l'original, encore plus directement référentiel : « He looked around the room again, scanning, looking for anything that seemed out of place. He realized that everything was out of place. »

Une réussite enthousiasmante, dans laquelle le talent de construction machiavélique de Percival Everett s'exprime pleinement, que je ne conseillerai pas toutefois pour un premier contact avec l'auteur, car ce vrai-faux roman policier a de quoi « trop » surprendre (au risque de décevoir) si l'on n'est pas un peu familiarisé avec la palette de ruses, de références matoises et d'écrans de fumée dont le romancier fait si aisément (bon) usage…

« Il était incapable de reconnaître même un indice qui lui sauterait dessus et lui mordrait le noeud. Il avait senti que quelque chose se tramait. Il l'avait senti et n'avait rien fait, et maintenant, si désagréable et misérable qu'elle fût, Mme Bickers était morte. Détective ou pas, il fit un effort pour se reprendre et ratissa le sol, à la recherche de quelque chose que les autres flics auraient pu oublier, un cheveu, un ongle cassé, une boule de gomme, une confession datée et signée, quelque chose enfin. »
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Un polar étonnant, où le crime de base, celui pas anodin d'une vieille femme, n'est finalement pas le fil rouge de l'intrigue. Où le shérif devient suspect et interroge son monde entre racisme ordinaire et abîmes sociaux. Cette montée aux enfers est une succession de questions, d'interrogations, où le romancier n'apporte aucune réponse. On lit le dernier chapitre, surpris. On relit le premier et on croit comprendre, mais sans être sûr.
Un auteur à suivre de toute urgence.
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Percival Everett, auteur multi-talentueux, n'utilise pas ici ses armes habituelles de l'humour et de la dérision brillante, mais nous manipule habilement sur la base de nos propres présuppositions (il est aussi un familier du procédé), dans cette «Montée aux enfers» («Assumption» pour le titre original), un roman de 2011 prestement traduit en français en 2012, pour la plus grande joie des lecteurs français fans de l'auteur dont je fais maintenant partie.

Ogden Walker, adjoint du shérif de la Plata, comté de péquenots bornés au Nouveau-Mexique, vit en célibataire dans un mobil home, est un aficionados de la pêche à la mouche, dîne très souvent chez sa mère et ne cesse de s'interroger sur la pertinence de sa vie – le métier qu'il exerce, l'endroit où il vit - à l'aulne de ce que, selon lui, son père aurait pensé s'il était encore en vie. Homme aux dehors placides, il est un enquêteur médiocre, mais, selon ses collègues, un «putain d'obstiné qui a le complexe du sauveur», un non-violent qui n'hésite pas à se jeter dans la mêlée, et à parcourir des milliers de kilomètres pour les besoins de son enquête.

Après le meurtre énigmatique d'une vieille femme, ce comté d'ordinaire si calme voit s'accumuler les meurtres non élucidés. Au fil des cadavres retrouvés dans la nature ou les coffres de voiture, un Ogden qui ne cesse de se demander s'il est un imposteur, s'éloigne en s'épuisant toujours davantage de sa base, et semble se rapprocher toujours plus de «la vidange de l'humanité».

À la fin, la seule certitude qui nous reste est l'état de la société américaine dépeinte ici (celle du sud des Etats-Unis), minée par le racisme et le délabrement économique et social, la difficulté d'y faire face sans péter les plombs ... et surtout le fait que Percival Everett nous a mené en bateau tout au long du récit.

Un livre à relire donc pour en prendre toute la mesure.

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En fait, je m'aperçois assez tardivement en le lisant qu'il s'agit de trois histoires séparées, avec les mêmes personnages. Ce n'est donc pas un roman, mais trois nouvelles. J'ai aimé les personnages atypiques, un peu moins la fin trop triste.
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Ogden Walker est l'adjoint au shérif dans un trou paumé du Nouveau Mexique. En trois petites histoires, Percival Everett joue avec son personnage comme avec son lecteur. le ton est alerte, les répliques font mouche, tout comme les descriptions du métier d'Ogden, de son quotidien à lui pour tenir le coup à travers ce monde déprimé, notamment grâce à sa relation avec sa mère et sa passion pour la pêche. On se crispera un tantinet sur la fin, où l'auteur se mâche le travail pour mieux arriver à son propos. Mais se serait bouder son plaisir que de ne pas suivre les trois enquêtes d'Ogden Walker en se laissant porter par une écriture d'une rare fluidité.
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